(Paris) « Je coule » : onze heures après avoir envoyé ce message, le skipper Kevin Escoffier a été sauvé dans la nuit de lundi à mardi par un autre concurrent du Vendée Globe, Jean Le Cam, dans une mer démontée au large du cap de Bonne-Espérance.

« Vous voyez les films sur les naufrages ? C’était pareil en pire ! », a raconté Escoffier (PRB) lors d’une liaison vidéo avec le PC Course au petit matin mardi, aux côtés de Jean Le Cam (Yes We Cam !).

Le marin de 40 ans est apparu souriant et très ému à l’évocation des faits : un bateau qui surfe dans une mer formée, qui se plante dans la vague avant d’être brisé en deux, l’eau qui envahit le voilier. Le tout en un éclair de secondes.

Escoffier a tout juste le temps d’envoyer un message à son équipe — « Je coule. Ce n’est pas une blague. MAYDAY » — d’enfiler une combinaison de survie, de déclencher sa balise de détresse et de sauter dans son radeau de survie. La température de l’eau avoisine les dix degrés.

Il est 14 h 46. La direction de course demande à Jean Le Cam, quatrième au classement et plus proche concurrent, de se dérouter pour porter secours à Escoffier, qui naviguait lui en troisième position.

PHOTO JEAN-FRANÇOIS MONIER, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Le voilier de Kevin Escoffier avait une importante voie d’eau.

’Verdun sur l’eau’

« J’arrive sur zone, je vois Kevin sur son bateau, je me dis : impeccable. Je lui dis : je reviens, on va pas faire n’importe quoi. Avec la mer qu’il y avait, pas fastoche pour manœuvrer. Je reviens là où je l’avais quitté… Personne ! Oh là là ! », a témoigné Le Cam.

« On s’est dit deux, trois mots. C’était Verdun sur l’eau. Il a été contraint de s’éloigner un peu puis après, j’ai vu qu’il restait sur zone. Je suis resté dans le radeau jusqu’au petit matin », s’est remémoré Escoffier.

Le Cam a expliqué être « revenu au moins cinq, six fois ». « Je me dis : tu restes en stand-by et on attendra le jour. Après je me suis dit : la lumière (du bateau en détresse, NDLR), ça se voit peut-être mieux la nuit que le jour ».  

« À un moment, j’étais debout sur le pont et je vois un flash, enfin c’était pas un flash, c’est la lumière qui apparaît dans une vague. Une apparition ! Je me dis : c’est pas vrai ! J’ai continué et là tu vois de plus en plus la lumière et tu te dis : c’est bon. Tu passes du désespoir au truc de dingue ! », a-t-il poursuivi.  

Escoffier a réussi à attraper la bouée de sauvetage que lui lançait Le Cam. « Et là c’était gagné. Bonheur ! », a lancé Le Cam.

Le 7 décembre au Kerguelen

Les deux hommes se sont tombés dans les bras. « Il m’a dit “Putain, t’es à bord ! C’était chaud ! ”. Et moi, je lui ai dit “Je te nique ta course, tu faisais une super course”. Il m’a répondu, “C’est pas grave, la dernière fois c’est moi qui avais mis à plat la course de Vincent” », a rapporté Escoffier.

En 2009, Le Cam avait lui-même été secouru, au large du Cap Horn après que son bateau s’était retourné. Réfugié à l’avant du bateau à l’envers, il avait été sauvé par Vincent Riou, alors skipper d’un bateau nommé… PRB. « J’étais le sauvé et là je suis le sauveur. J’avais pas fait ça encore, fallait bien faire ça ! », a soufflé le marin de 61 ans.

Désormais, la priorité « est de trouver une solution pour laisser Jean (Le Cam) continuer sa course », a précisé à l’AFP le directeur de course Jacques Caraës, qui cherche une solution pour qu’Escoffier soit récupéré en mer. « Il n’y a pas de solutions énormes dans ces océans-là, la seule solution potentielle est la frégate Nivôse, qui fait de la surveillance des pêches françaises ».

Le point de rencontre entre Le Cam et la frégate pourrait se faire au large des Iles Kerguelen vers le 7 décembre.  

La course est toujours menée par Charlie Dalin (Apivia), en tête depuis huit jours et qui a passé le cap de Bonne Espérance après 22 jours et 9 heures de course.

Classement mardi à midi, heure du Québec

1. Charlie Dalin (FRA/Apivia) à 17 292,0 milles de l’arrivée

2. Thomas Ruyant (FRA/LinkedOut) à 217,6 milles du premier

3. Louis Burton (FRA/Bureau Vallée 2) 254,1

4. Sébastien Simon (FRA/Arkéa-Paprec) 411,5

5. Damien Seguin (FRA/Groupe Apicil) 419,4

6. Boris Herrmann (GER/Seaexplorer-Yacht Club de Monaco) 432,3

7. Jean Le Cam (FRA/Yes we Cam !) 452,6

8. Yannick Bestaven (FRA/Maître Coq IV) 464,0

9. Giancarlo Pedote (ITA/Prysmian Group) 474,7

10. Benjamin Dutreux (FRA/OMIA-Water Family) 491,8

11. Samantha Davies (GBR/Initiatives-Cœur) 527,7

12. Isabelle Joschke (GER/MACSF) 571,5

13. Maxime Sorel (FRA/V And B Mayenne) 659,8

14. Alex Thomson (GBR/Hugo Boss) 824,4

15. Romain Attanasio (FRA/Pure-Best Western) 922,9

16. Clarisse Cremer (FRA/Banque Populaire X) 997,3

17. Alan Roura (SUI/La Fabrique) 1419,5

18. Stéphane Le Diraison (FRA/Time For Oceans) 1562,9

19. Armel Tripon (FRA/L’Occitane en Provence) 2065,5

20. Arnaud Boissières (FRA/La Mie Câline-Artisans Artipôle) 2129,1

21. Manuel Cousin (FRA/Groupe Sétin) 2180,4

22. Didac Costa (ESP/One Planet One Ocean) 2222,0

23. Pip Hare (GBR/Medallia) 2251,0

24. Fabrice Amedeo (FRA/Newrest-Art et Fenêtres) 2576,1

25. Clément Giraud (FRA/Compagnie du lit-Jiliti) 2803,3

26. Alexia Barrier (FRA/TSE-4myplanet) 2828,2

27. Miranda Merron (GBR/Campagne de France) 2858,4

28. Kojiro Shiraishi (JPN/DMG Mori Global One) 2976,2

29. Ari Huusela (FIN/Stark) 3044,8

30. Sébastien Destremau (FRA/Merci) 3118,9

31. Jérémie Beyou (FRA/Charal) 3472,4

Abandons : Kevin Escoffier (FRA/PRB), Nicolas Troussel (FRA/Corum L’Epargne)