Nous avons tous un emploi que nous aimerions rayer de notre CV. Hendrix Lapierre, lui, ne détesterait sans doute pas effacer la campagne 2019-2020 de sa carrière de hockeyeur.

L’automne dernier, certains rêvaient d’un doublé québécois en tête du repêchage 2020. Alexis Lafrenière suivi d’Hendrix Lapierre. Le Gatinois venait de laisser une forte impression à la coupe Hlinka-Gretzky U18, comme Lafrenière l’année précédente.

Ce fut là essentiellement le premier et le dernier rayon de soleil de ce que Lapierre qualifie aujourd’hui, le plus sincèrement du monde, de « saison de merde ».

Car si le talent et le potentiel certains du joueur de centre lui ont permis de demeurer au 13rang du classement final nord-américain établi par la centrale de recrutement de la LNH, un thème revient, inlassablement, dans les entrevues qu’il accorde aux recruteurs des équipes professionnelles. Pas son coup de patin. Ni son sens du hockey bien au-dessus de la moyenne. Mais bien ses satanées blessures.

À raison, reconnaît le principal concerné.

Je suis rendu habitué, je comprends qu’ils veuillent s’informer. Aujourd’hui, je suis content de pouvoir leur mentionner que je vais bien !

Hendrix Lapierre

Le 21 novembre 2019, Lapierre a été victime d’un choc qui l’a laissé avec des symptômes s’apparentant à une commotion cérébrale, qui aurait été sa troisième en moins d’un an. Il n’a plus joué une seule rencontre de la saison.

Constatant sa très lente guérison, son agent Philippe Lecavalier l’a amené aux États-Unis consulter un physiothérapeute bien connu des sportifs professionnels. Celui-ci lui a diagnostiqué le déplacement de deux vertèbres cervicales probablement provoqué par une commotion subie l’année précédente et qui l’empêchait de retrouver pleinement la santé.

Un reportage de Radio-Canada publié le printemps dernier a d’ailleurs retracé la longue route ayant mené à ce diagnostic attendu.

CONSULTEZ le reportage

https://ici.radio-canada.ca/sports/1694279/hendrix-lapierre-commotions-cerebrales-blessure-cou-vertebres-repechage-2020-sagueneens-chicoutimi

Lapierre a donc pu suivre les traitements appropriés au Québec et il a obtenu le feu vert des médecins en avril… quelques semaines après que la LHJMQ eut annulé la fin de sa saison et les séries éliminatoires.

Durant la longue pause forcée, son agent s’est toutefois assuré que les recruteurs aient toutes les informations médicales de son client en main afin que le joueur ne soit pas étiqueté à tort comme un éternel éclopé.

L’entraîneur actuel de Lapierre chez les Saguenéens de Chicoutimi, Yanick Jean, le confirme : le jeune homme est fin prêt à être « dominant » dans la LHJMQ cette saison. Ses 8 points en 4 matchs présaison tendent à lui donner raison. Tout comme son match d'ouverture de 2 buts et 2 passes vendredi.

Au camp des Sags, Lapierre s’est présenté plus costaud, sans avoir l’air d’avoir raté une minute de jeu.

Maturité

Le jeune homme avait effectivement fait ses devoirs. Avant de passer l’été à Montréal pour s’y entraîner comme il le fait chaque année, il a patiné dans son patelin, en Outaouais, avec des joueurs professionnels du coin, parmi lesquels Jean-Gabriel Pageau et Derick Brassard, tous deux des Islanders.

Au bout du fil, Brassard ne tarit pas d’éloges envers Lapierre, dont la maturité l’a grandement impressionné.

« Je l’avais vu jouer aux U18, et comme tout le monde j’avais constaté son grand talent », confie le vétéran de 13 saisons dans la LNH.

Derick Brassard redoute que ses blessures lui fassent perdre des rangs au repêchage, mais à ses yeux, une équipe qui le choisirait au milieu de première ronde ou un peu après – son rang projeté – réaliserait un « vol ». Il a vu dans Lapierre une volonté claire d’investir les efforts nécessaires en dehors de la glace pour renforcer son corps et demeurer en santé.

Quelques équipes l’ont d’ailleurs appelé pour discuter du cas du jeune homme, et il ne s’est pas gêné pour dire le bien qu’il en pense. « Je suis sûr qu’il va tomber à la bonne place », ajoute-t-il.

Il est amusant de voir la relation qui s’est développée entre les deux joueurs, car l’ancien entraîneur de Hendrix Lapierre chez l’Intrépide de Gatineau, dans la ligue midget AAA, évoque spontanément des similitudes dans « leur fougue, leur passion du hockey ».

Martin Lafleur rapporte qu’à 15 ans déjà, Lapierre « voulait tout le temps avoir un bâton de hockey dans les mains pour améliorer ses habiletés ».

Être un pro, tu voyais que ça faisait partie de lui. Il était déjà là dans sa tête, il réalisait ce que ça prenait pour y arriver.

Martin Lafleur, ex-entraîneur de Hendrix Lapierre chez l’Intrépide de Gatineau

Avant de prendre la route pour Chicoutimi, à la fin de l’été, Lapierre est allé saluer son ancienne équipe le temps d’un entraînement. « Il était à fond de train, on sentait qu’il voulait arriver en forme chez les Saguenéens, poursuit Martin Lafleur. C’était un excellent exemple pour nos jeunes de voir un de nos anciens afficher une éthique de travail aussi irréprochable. »

Nouvelle aventure

Malgré ses mésaventures, Hendrix Lapierre dit avoir refusé de céder à la frustration et de se demander où il en serait si les choses s’étaient déroulées autrement pour lui.

« Oui, ç’a été une année difficile, je ne souhaite ça à personne. Mais j’essaie de tirer le meilleur de chaque situation. La manière dont j’ai géré ça, je vais l’ajouter à mon bagage », assure-t-il.

« J’ai embrassé le défi de revenir plus fort au camp et de montrer à tout le monde que j’étais prêt. » Ce désir de s’améliorer sans cesse est au cœur de sa personnalité, nous ont confirmé toutes les personnes interrogées dans le cadre de ce reportage.

En 2020-2021, il souhaite justement peaufiner son jeu physique pour gagner davantage de batailles à un contre un.

À Chicoutimi, il affirme être plongé à 100 % dans le hockey et les études, ce qui lui laisse peu de temps pour penser au repêchage qui arrive à grands pas.

Il reconnaît toutefois que d’entendre une équipe de la LNH prononcer son nom sera « une récompense » qui marquera le début d’une « belle aventure »

Enfin, la page sera tournée sur cette année à oublier.