Le temps. Charles Philibert-Thiboutot passe son temps à lui courir après. Sur la piste le jour J, le spécialiste du 1500 mètres a l’idée fixe de l’abaisser. Blessé plus souvent qu’à son tour dans les dernières années, il a aussi fréquemment dû se battre contre lui pour essayer de participer aux grands rendez-vous et retrouver son meilleur niveau. Ce n’est pas le cas actuellement : il a finalement le temps de le prendre, son temps, avec le report des Jeux olympiques à 2021.

Pas pour rien que les derniers mois ont été propices à un reset pour celui qui agira à titre de président d’honneur d’On court Montréal, dont le deuxième évènement aura lieu, le 22 août, aux abords du bassin olympique. Durant le premier semestre, il a de nouveau dû composer avec les blessures et les rechutes.

« Je n’ai pas pu avoir de suivi en physiothérapie au mois d’avril à cause du confinement. Ce qui est arrivé, c’est que je n’ai pas beaucoup couru ce printemps et j’ai vraiment fait un reset, insiste-t-il. […] Et au lieu de faire un effort final pour me qualifier pour les Jeux olympiques, j’ai pu m’entraîner en mettant l’accent sur la bonne façon de faire les choses. Ça a fait grandement du bien au corps. »

C’est en bonne partie en Colombie-Britannique que ça s’est passé. C’est là, à North Vancouver, qu’est domiciliée sa physiothérapeute. Elle lui a d’abord suggéré d’insérer un peu de variété durant cette période. « Pour le plaisir », il est donc sorti du cadre exclusif de la course à pied pour pratiquer d’autres sports.

Dans mon temps libre, je me suis mis à refaire des sports que je n’avais pas pratiqués depuis longtemps comme le golf, le basketball ou le vélo. Ça a probablement fait du bien. Le corps devait réapprendre à fonctionner dans un autre contexte que simplement la course à pied.

Charles Philibert-Thiboutot

Sur son compte Instagram, on l’a récemment vu s’attaquer et venir à bout du Grouse Grind, à Vancouver. Le sentier de 2,9 kilomètres propose un dénivelé positif de plus de 800 mètres.

Un cercle vicieux

Avec les Jeux olympiques reportés au 23 juillet 2021 et avec aucune compétition qualificative en vue jusqu’en décembre, le stress est également retombé. Il n’a pas eu à enchaîner les courses – avec l’obligation de performances et le risque de rechute – pour obtenir sa qualification. Entre 2016 et 2019, le principal intéressé a déjà dit ne pas avoir eu plus de trois mois d’entraînement sans ressentir une gêne physique.

« Être coureur de métier pour moi […] aura été de combattre les démons qui viennent me hanter quand je me réveille le matin, et que j’ai peur de sortir du lit parce que je sais qu’une partie de mon corps va me faire profondément mal et m’empêcher d’accomplir la seule tâche que je suis supposé faire », écrivait-il l’an dernier sur son blogue.

Un an plus tard, il confirme le cercle vicieux et cette bataille pour être prêt malgré les blessures : « Le stress a été une constante ces dernières années dans ma vie avec des échéanciers. Comme tout est un peu sur pause, je suis capable de prendre un peu de recul. Je me dis d’en profiter pendant qu’il n’y a pas d’échéancier. Quand ça [la compétition] va revenir, le stress va aussi revenir. Mon objectif à l’entraînement est d’être le plus en forme que je peux.

« Dans les dernières années, il fallait toujours un peu se presser pour se remettre en forme. Là, on a eu tout le temps qu’il fallait. J’ai peut-être augmenté mon volume d’entraînement moins vite qu’habituellement. On a mis l’accent sur les exercices de biomécanique et de posture. »

Un besoin de constance

Difficile pour Philibert-Thiboutot de se situer actuellement dans la hiérarchie mondiale. Il n’a pas participé aux deux derniers Championnats du monde ni aux Jeux panaméricains de 2019. Dans les deux dernières années, il ne peut donc se baser que sur sa course à Boston, en décembre 2019, soit un 5000 mètres couru en 13 min 30 s 79. Il s’agit d’un record québécois sur piste.

« Les deux mois d’entraînement avant Boston ont mené à mon meilleur temps à vie sur 5000 mètres. Si je peux avoir 6, 8 mois ou un an d’entraînement constant, c’est définitif que je peux retrouver le niveau qui était le mien en 2015 et 2016. »

Une partie de son entraînement aura lieu sur l’île Notre-Dame le 22 août dans le cadre de l’évènement On Court Montréal.

« On va se rappeler 2020 comme une année exceptionnelle. Il faut être créatif pour éviter que l’économie et les activités sociales ne se détériorent complètement. Je trouve que c’est bien d’encourager une course qui essaie de faire les choses différemment dans des circonstances assez spéciales », estime-t-il.

Parmi les distances proposées, il a choisi de s’élancer sur le 10 kilomètres. C’est habituellement le type de course qu’il intègre dans sa semaine d’entraînement. Plutôt que de la faire seul, sur les plaines d’Abraham, il la fera donc à Montréal, sans toutefois se donner à fond.

« Au moins une fois par semaine, il y a un entraînement qui est basé sur la capacité aérobie. Ça veut dire de dire courir n’importe quelle distance entre 10 et 15 kilomètres à un effort sous-maximum. »

Il prévoit de franchir la ligne d’arrivée en 30-31 minutes. Un sacré temps…

On Court Montréal

La première édition d’On Court Montréal a attiré une centaine de participants le mois dernier. Elle a été riche en enseignements en vue de la deuxième épreuve du 22 août, à laquelle un demi-marathon a été ajouté. « On s’était bien préparés et on a agi par excès de prudence plutôt que par déficit. L’expérience a été très intéressante pour les participants, mais aussi pour la Fédération d’athlétisme, qui était sur place. Ensemble, on a convenu qu’on pouvait augmenter le nombre de coureurs au départ », explique l’organisateur et président des Évènements TriCon, Patrice Brunet. Il y aura quelques nouveautés pour ce deuxième évènement. Outre la distance du 21,1 kilomètres, six coureurs pourront prendre le départ à chaque vague. Une période de 30 secondes séparera chaque départ entre 7 h 30 et 9 h 30. Il y aura aussi une collation d’après-course. Brunet ne ferme pas la porte à la tenue d’autres courses à l’automne prochain, mais de nombreuses épreuves habituelles sont encore au calendrier. « On Court Montréal est là pour de bon. On laisse passer la deuxième édition pour voir comment on va planifier la troisième. »