« Dans l’attente, on souffre tant de l’absence de ce qu’on désire, qu’on ne peut supporter une autre présence. » — Marcel Proust

Cinquième jour sans sports. C’est déjà long. Des athlètes en quarantaine trépignent d’impatience. Le souhait de plusieurs : revenir au jeu le plus tôt possible.

Au Québec, 10 000 personnes ont signé une pétition afin de permettre aux hockeyeurs d’âge junior de terminer leur saison. « Pour de nombreux joueurs, c’est la dernière année qu’ils joueront un [sport] compétitif. Ce n’est pas juste d’enlever la meilleure partie de leur dernière saison en raison de la panique sur [la] COVID-19 », lit-on dans le document mis en ligne jeudi dernier.

C’était en réaction à la fin de saison décrétée unilatéralement par Hockey Québec. Les joueurs ont proposé de disputer les matchs à huis clos. Devant moins de 250 personnes. Ce n’est plus possible. Les arénas du Québec sont tous fermés jusqu’à nouvel ordre. Une excellente décision. Le premier ministre François Legault a aussi indiqué que les gens doivent éviter tout rassemblement « non essentiel ». Une partie de hockey junior – serait-ce la finale provinciale – n’est pas « essentielle ».

Quatre jours plus tard, plusieurs signataires suggèrent un report des parties au mois d’avril. Avant la fermeture définitive des patinoires pour l’été.

C’est un scénario très optimiste.

Non.

Trop optimiste.

Ça n’arrivera pas. Tout comme les joueurs de l’Impact ne s’entraîneront pas ce vendredi, lorsque le moratoire de la MLS sur l’interdiction d’activités pourra être levé. Vendredi, c’est dans trois jours. Je rappelle qu’au Québec, le gouvernement a ordonné la fermeture des centres d’entraînement.

Les gymnases ne seront pas rouverts vendredi. Ni samedi. Ni dimanche.

Préparons-nous mentalement : la crise ne fait que commencer. Oui, c’est difficile à accepter. Oui, comme le dit un proverbe africain, l’attente est plus dure à supporter que le feu. Mais c’est comme ça.

Le président Donald Trump prévoit que la pandémie durera jusqu’en juillet ou en août, aux États-Unis, « si nous faisons un très bon travail ». Il a demandé d’éviter les regroupements de plus de 10 personnes. Les Centres de contrôle et de prévention des maladies recommandent maintenant l’interdiction de tous les rassemblements de plus de 50 personnes chez nos voisins du Sud. Et ce, pour les huit prochaines semaines.

Donc jusqu’au 15 mai.

Minimum.

Oubliez les matchs de la LNH, de la NBA ou du baseball majeur d’ici là. Même à huis clos. Juste au baseball, il y a 52 joueurs en uniforme. Dans la LNH, il y a 40 joueurs, quatre arbitres, au moins deux entraîneurs, un chauffeur de Zamboni. On est déjà à 47. Sans compter les médecins, les soigneurs, le chronométreur, le marqueur, les entraîneurs adjoints, les préposés aux bâtons, les caméramans, les agents de sécurité…

Vous voyez le topo.

C’est irréaliste.

***

Que se passera-t-il d’ici au 15 mai ?

Pas grand-chose. Peut-être verra-t-on des compétitions de tennis ou de golf à huis clos, avec un nombre très, très réduit de participants. Quoique j’en doute.

Dans les sports d’équipe, ce sera le calme plat. J’ai demandé à deux entraîneurs et à un dépisteur dont la ligue est suspendue quels étaient leurs plans pour la semaine. Un entraîneur passera du temps avec ses proches. L’autre se prépare « comme si ça allait reprendre ». Le dépisteur, lui, s’attend à analyser beaucoup de séquences vidéo. Les joueurs ? Ils restent à la maison et gardent la forme comme ils le peuvent. Mes collègues et moi vous donnerons de leurs nouvelles dans les prochains jours.

Et après le 15 mai, à quoi faut-il s’attendre ?

C’est la grande inconnue. Difficile de prévoir la propagation de l’épidémie. Surtout aux États-Unis, où moins de gens sont testés en proportion qu’ailleurs dans le monde.

Une compilation du Financial Times montre que la courbe des cas recensés aux États-Unis suit parfaitement celle de l’Italie, avec une douzaine de jours de retard.

Ce n’est pas bon signe.

Au stade où en sont rendus les États-Unis, l’Italie avait placé des villes en quarantaine. Notamment Lodi. Avec des résultats plus encourageants que dans la ville voisine de Bergame, où la quarantaine a été imposée deux semaines plus tard, rapportent deux chercheurs de l’Université d’Oxford.

Aux États-Unis ? Même si Donald Trump a (enfin) levé le ton lundi, on n’en est vraiment pas là. En fin de semaine, c’était plutôt le contraire. On a vu des concerts rock dans des arénas bondés. Des messes rassemblant des centaines de fidèles. Des dizaines de milliers de fêtards dans les rues et sur les plages de la Floride. Rien à voir avec la situation à Montréal…

Il est utopique de penser que dans deux mois, la crise sera terminée.

Alors à quel espoir se rattachent les ligues pour « suspendre », et non pas tout simplement « annuler » la saison ?

À un scénario de ralentissement de l’épidémie pendant la saison chaude. Des experts en santé publique ont avancé cette hypothèse. Des chercheurs des universités de Bâle et de Stockholm, notamment. Avec la mauvaise nouvelle d’une reprise de la pandémie l’hiver prochain.

« Je pense que ça va diminuer cet été, vers la fin juin, et revenir en novembre, de la même façon que la grippe [saisonnière] », a indiqué au Guardian le professeur de médecine Paul Hunter, de l’Université d’East Anglia, en Angleterre.

Si c’est le cas, il pourrait y avoir une très petite fenêtre d’opportunité pour reprendre les saisons et présenter les Jeux olympiques, à la fin de juillet.

Tant mieux si ça arrive.

Mais pour avoir la moindre chance, il faudra s’armer de patience.

Et surtout, résister à la tentation de tout reprendre trop vite.