Un baiser, donc, un simple baiser peut contaminer un athlète et laisser des traces de dopage ?

L’avocat de Laurence Vincent Lapointe, Me Adam Klevinas, n’est pas entré dans les détails. Il a été question de fluides corporels échangés entre la championne de canoë et son ex-copain. Ce qui inclut la salive, la sueur, le sperme et le sang, comme chacun sait.

Tant mieux pour elle. Vraiment. Je lui souhaite succès, médailles et bonheur.

En ce qui me concerne, je vais attendre de voir la décision. Car on n’a pas encore la décision. Elle a uniquement été annoncée par communiqué. Une décision d’un comité antidopage de la Fédération internationale de canoë. Conclusion : les traces de ligandrol trouvées dans l’urine de Vincent Lapointe sont compatibles avec une contamination par un tiers. Le comité accepte sa preuve et croit qu’elle n’a pas pris cette substance dopante volontairement. Elle est totalement blanchie – sauf appel.

PHOTO AARON LYNETT, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Laurence Vincent Lapointe a été blanchie par la Fédération internationale de canoë des accusations de dopage qui pesaient sur elle.

C’est une énorme victoire, parce que la présence de la substance, même en quantité infinitésimale, est une sorte de flagrant délit qui entraîne une suspension automatique. C’est donc à l’athlète de prouver son innocence.

Elle a fait analyser ses suppléments : négatif. D’où pouvait donc venir ce produit dopant ? Elle a passé un test de polygraphe pour convaincre le comité qu’elle n’avait pas ingéré la substance volontairement.

Quoi, alors ?

Il y avait l’ex-copain.

Et bien que la suspension date du mois d’août, ce n’est qu’en octobre qu’on a trouvé cette explication. Apparemment, le type, sportif récréatif, avait consommé du ligandrol le 25 juillet « avant un entraînement de soccer ». C’est quatre jours plus tard que l’ex-championne du monde a subi son test positif.

Il n’y a pas de seuil minimum toléré pour cette substance (contrairement à ce que j’ai déjà écrit). Et en effet, elle n’en avait que très, très, très peu dans son organisme.

L’ex-chum ? Ses cheveux, nous dit-on, en suintaient quasiment.

Un expert français a affirmé que la substance a pu passer en petite quantité du corps du copain à celui de l’athlète par un quelconque fluide corporel.

C’est un énorme renversement, qui est le fruit d’un travail colossal.

Je sais aussi que les athlètes et les gens qui connaissent Laurence Vincent Lapointe la croient innocente depuis le début.

Mais, désolé, je demeure sceptique.

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Je dirais qu’on a l’obligation d’être sceptique devant tout ça. « Tout ça » qui est possible, bien entendu, mais littéralement « incroyable », comme dit son avocat.

On a l’obligation d’être sceptique parce que trop souvent, des athlètes archi-sympathiques ont fini par avouer qu’ils avaient triché. Juste un peu. Pour la bonne cause. Pour guérir une blessure. Sous la pression d’un coach. Ou en masse ! Etc.

D’autres n’ont jamais avoué malgré l’évidence. Mais disons qu’on s’en est fait raconter des bonnes.

Alors, s’il vous plaît, pas de discours de « gros bon sens ». Pourquoi aurait-elle pris un risque aussi énorme à un an des Jeux dans un sport qu’elle domine magnifiquement ? Ce serait fou, non ?

Euh… non.

Peut-être… pour gagner ? Peut-être pour rester au sommet ?

Je veux dire : pour les mêmes raisons que tous les autres, tout le temps. Et parce qu’on pense ne pas se faire prendre.

Il n’y en avait que des traces ? Oui, c’est un fait qui semble disculpatoire. Ça peut aussi être le contraire. On peut penser que la substance sera indétectable. Peut-être était-ce une fin de cycle ? Les techniques se sont raffinées. Il y a le microdopage. Etc.

Je sais, c’est terrible, écrire des choses comme ça. Elle a été blanchie !

Mais on n’a pas le choix d’exiger des détails convaincants. Sinon, on oublie les contrôles et allez, hop ! on prend ce qu’on veut. Le système est fondé sur la présomption de culpabilité.

Non seulement cette substance se retrouve dans son corps, mais c’est une substance qui convient parfaitement à son type de sport. Qu’est-ce que son chum foutait avec du ligandrol pour aller au gym et jouer au soccer ? Et il en a pris exactement à ce moment-là ?

Je sais, les hasards existent. Des fois, des choses invraisemblables et rocambolesques sont vraies. Et je souhaite depuis le début que ce soit le cas ici.

Mais à la lumière des 30 dernières années, je suis très, très sceptique. J’attends de voir cette décision. Qu’on m’explique ses bases scientifiques étonnantes de manière indépendante.

J’ai remarqué que depuis 48 heures, Christiane Ayotte et d’autres spécialistes antidopage sont spectaculairement muets.

Pour cause. Cette jurisprudence et la théorie brillante de la mécanique des fluides sont peut-être une grande victoire juridique. Mais c’est une sacrée brèche dans la lutte antidopage.

C’est qu’il s’en échange, des fluides, mesdames et messieurs ! Ça gicle de partout, pour ainsi dire.

Pour finir, une petite question : s’il s’agissait d’une haltérophile bulgare, d’une sprinteuse jamaïcaine ou d’une patineuse biélorusse, aurions-nous cette même réaction sympathique ? Ou roulerions-nous des yeux comme d’habitude en voyant cette histoire de fluides ?

Alors si vous le permettez, je vais attendre plus de détails sur cette décision extraordinaire avant de m’en réjouir.