Dimanche matin, Malindi Elmore a couru le marathon de Houston. Vite. Très, très vite. En 2 heures 24 minutes et 50 secondes. Deux minutes de moins que l’ancien record canadien. Un exploit d’autant plus remarquable que Malindi Elmore amorce à peine sa carrière sur cette distance. C’était seulement son deuxième marathon à vie.

Son âge ? Bonne question. Je vous laisse le deviner.

19 ans ? 21 ans ? 23 ans ?

Non. 39 ans.


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Malindi Elmore

Surpris ? Moi aussi. Parce qu’un préjugé tenace veut qu’après 35 ans, les athlètes cassent. Comme des œufs Fabergé confiés à des enfants de maternelle. Les épaules fléchissent. Les genoux déboîtent. Les ligaments déchirent. Les muscles dégonflent.

Ce n’est pas totalement faux. La moyenne d’âge dans la NFL, la NBA et la LNH se situe entre 26 et 27 ans. La très grande majorité des athlètes abandonne donc la compétition avant 35 ans. Sauf que chez les athlètes d’élite, c’est en train de changer. Les progrès de la médecine sportive, de meilleures méthodes d’entraînement et une alimentation plus saine les rendent plus résistants. Leurs succès se poursuivent maintenant au-delà de la mi-trentaine. Parfois même dans la quarantaine.

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Tiger Woods

– Tiger Woods a remporté le Tournoi des Maîtres à 43 ans ;

– Tom Brady a gagné deux fois le Super Bowl après son 39anniversaire ;

– Serena Williams, 38 ans, a été finaliste des deux dernières éditions de Wimbledon et des Internationaux des États-Unis ;

– Jean Pascal, 37 ans, détient la ceinture de champion des mi-lourds de la WBA ;

– Justin Verlander, 36 ans, a été le lanceur le plus victorieux de la Ligue américaine cette saison ;

– Erik Guay avait 35 ans lors de son titre mondial en super-G.

Toujours pas convaincu ? Au soccer, les cinq meilleurs buteurs de la Ligue des champions en 2019 étaient tous des trentenaires. 

Le coup de grâce : au tennis masculin, aucun joueur âgé de moins de 30 ans n’a encore gagné un tournoi du Grand Chelem.

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Roger Federer

Les « vieux » n’ont donc pas dit leur dernier mot.

Le problème ? On dirait qu’on ne veut plus les entendre. Que le refrain de leurs victoires nous ennuie. Nos oreilles n’en ont plus que pour les prochaines étoiles.

C’est surtout vrai au hockey. On suit à la trace le Championnat mondial junior. On consulte les palmarès d’espoirs. Pendant la saison, on discute davantage de Cole Caufield et d’Alex Romanov que de trentenaires qui connaissent du succès, comme David Perron ou Marc-André Fleury. Je ne me souviens pas de la dernière fois qu’un participant dans mon pool de hockey a choisi un joueur de 35 ans ou plus.

Aux vétérans qui produisent, nous préférons des recrues incertaines.

Au moment présent, nous préférons le futur.

Est-ce une forme d’âgisme ? Non. Ça impliquerait une forme de discrimination ou une ségrégation. Par contre, il existe dans le Larousse un mot qui décrit précisément notre comportement à l’égard des athlètes. « Une tendance à exalter la jeunesse, ses valeurs, et à en faire un modèle obligé. »

Le jeunisme.

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Ilya Kovalchuk

Écarte-t-on trop vite les vétérans ?

Le quotidien The Guardian posait la question, il y a deux ans, après que plusieurs joueurs et entraîneurs de soccer eurent réussi un retour en Première Ligue anglaise. La question reste d’actualité. Surtout à Montréal, avec les succès d’Ilya Kovalchuk.

Souvenez-vous de son accueil, il y a trois semaines. Aussi glacial qu’un blizzard sur Terre-Neuve. Un joueur fini. Trop vieux. Périmé. Comme s’il avait eu 86 ans plutôt que 36.

Même l’entraîneur-chef Claude Julien s’est montré prudent. Je le cite, après une première partie satisfaisante de Kovalchuk.

« Nous sommes dans une situation de deux matchs en deux soirs. On va souhaiter que sa condition physique – qui était très bonne – tienne le coup aussi bien demain soir et qu’il puisse nous offrir le même genre de match. »

Pendant les 24 heures qui ont suivi, tous les partisans se sont demandé si Kovalchuk allait « tenir le coup ». Ou s’il allait casser. 

Le vieux renard a non seulement survécu, mais il est le meilleur joueur du Canadien depuis le Premier de l’an.

Entendons-nous, Ilya Kovalchuk n’a pas sa forme de 2005. Il ne la retrouvera jamais. Il ne maintiendra pas une moyenne d’un point par match toute la saison. Maintenant, les DG de la LNH l’ont-ils tabletté trop tôt ?

Oui.

Malgré son âge, l’attaquant russe peut encore rendre de précieux services. Il reste plus talentueux qu’une centaine de jeunes joueurs de la ligue. Y compris plusieurs espoirs du Canadien. Chapeau à Marc Bergevin d’avoir fait fi des préjugés. Embaucher un vétéran de 36 ans, c’est rarement apprécié des fans. Pourtant, ce fut payant à quelques occasions depuis 20 ans.

Plus de points à 36 ans dans la LNH depuis l’an 2000

Teemu Selanne 94
Joe Sakic 87
Rod Brind’Amour 82
Joe Thornton 82
Brendan Shanahan 81
Brett Hull 79
Mats Sundin 78
Ray Whitney 77
Ray Ferraro 76
Slava Kozlov 76

À cette liste de trentenaires productifs, on peut ajouter Mark Giordano. Le défenseur des Flames de Calgary, âgé de 36 ans, a gagné le trophée Norris l’hiver dernier. Zdeno Chara (42 ans), Ron Hainsey (38), Andy Greene (37), Duncan Keith (36) et Jay Bouwmeester (36) jouent tous plus de 20 minutes par match. Eric Staal et Zach Parise, 35 ans, sont les deux meilleurs marqueurs parmi les attaquants du Wild. La saison prochaine, trois vedettes de la LNH, Patrice Bergeron, Alex Ovechkin et Shea Weber, rejoindront le groupe des 35 ans et plus.

C’est inévitable, tous ces joueurs faibliront dans les prochaines années. Mais d’ici là, ne boudons pas leurs exploits. Célébrons-les. Et si les espoirs veulent ravir leur poste, qu’ils le méritent.