Sylvain Bruneau a vraiment eu une très bonne année. Pas parfaite, mais plus qu’extraordinaire.

Entraîneur à temps plein de la joueuse de tennis canadienne Bianca Andreescu, il a vu son travail consacré par l’ascension de celle-ci au 5e rang mondial, après notamment sa spectaculaire victoire au US Open et à la Coupe Rogers. Elle est maintenant la joueuse canadienne la mieux classée de l’histoire.

Tout un exploit.

D’abord pour cette jeune joueuse de tennis exceptionnelle ontarienne, qui a battu deux fois Serena Williams pour atteindre ces sommets.

Mais aussi pour celui qui la conseille, l’encourage, la suit pas à pas pour l’amener plus loin. Bruneau est même devenu une vedette du web grâce à une conversation avec la joueuse à un tournant d’un match au tournoi d’Indian Wells, au printemps, conversation enregistrée et rendue virale, où il disait à l’athlète comment se retrancher dans ses plus profonds désirs de gagner pour affronter la douleur.

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

À l’entraînement avec Bianca Andreescu

Bruneau, qui a en outre reçu en novembre le prix Jack Donohue de l’entraîneur de l’année remis par l’Association canadienne des entraîneurs, est un coach psychologue qui dévore les livres sur l’art de gagner avec son corps bien sûr, mais aussi, immensément, avec sa tête.

« Il y a eu de l’euphorie en 2019 », raconte l’entraîneur en entrevue. « Mais il y a eu aussi des moments plus sombres », ajoute-t-il.

Le triomphe de la jeune femme à Indian Wells a aussi été une immense victoire symbolique, puisque ce tournoi fut également la porte d’entrée aux hauts palmarès de la géante Serena Williams. Mais ont suivi des moments plus difficiles, puisque Andreescu s’est blessée à l’épaule au tournoi de Miami et a raté les tournois de Madrid et de Rome, avant de devoir déclarer forfait au deuxième tour des Internationaux de France, à Roland-Garros. Elle a ensuite dû faire l’impasse sur Wimbledon.

« On l’a presque oublié, mais elle a manqué pratiquement tout l’été », rappelle l’entraîneur. « Mais peut-être que ce repos lui a servi. »

Elle était effectivement en pleine forme pour reprendre la compétition à Toronto, lors de la Coupe Rogers, puis à Flushing Meadows, où elle a battu Williams en finale pour remporter le US Open en septembre.

Gagner un titre du Grand Chelem, c’est le rêve de tous les athlètes et de tous les entraîneurs.

Sylvain Bruneau

Originaire de Repentigny, né dans une famille sans passion particulière pour le tennis, père électricien et mère directrice de pastorale engagée auprès des personnes âgées, Bruneau découvre le tennis tout seul quand il est enfant, frappant des balles l’été, le plus longtemps possible, parce qu’il n’y a pas de court intérieur dans sa ville de banlieue à l’époque. Puis, alors qu’il a 14 ans, la ville construit un terrain couvert. C’est le début d’un entraînement plus soutenu à longueur d’année, des matchs, de la compétition.

Le joueur est passionné par le sport, mais sa famille tient à son éducation. Il part à McGill faire des études universitaires en éducation physique. C’est là qu’il se trouve quand la Ville de Repentigny le joint et lui offre de devenir responsable d’un programme de tennis d’élite. Pressé par sa famille de rester à l’école, il choisit quand même l’offre de devenir entraîneur.

De là, il sera recruté par Tennis Canada, puis Tennis Québec pour un moment, le temps d’un peu de conciliation travail-famille. Il repart ensuite veiller sur le tennis féminin à Tennis Canada, où il consacre maintenant tout son temps à Andreescu.

Est-ce que les grands succès de 2019 ont changé sa vie ? Au début, il croyait que non, mais il s’est rendu compte que oui, de telles victoires ne laissant pas les gens indifférents. Les attentes deviennent plus élevées, et le cercle de personnes évoluant autour de sa protégée s’est agrandi. Au début, il faisait tout, raconte-t-il. Les deux partaient en voyage seuls, en tête à tête. Des moments importants, confie l’entraîneur, parce qu’il a appris à connaître la joueuse.

Aujourd’hui, elle a une nutritionniste, une physiothérapeute… La dynamique a changé. Mais Bianca fait encore toujours beaucoup de méditation, une des activités que Bruneau croit essentielles au succès de cette athlète hors du commun.

Comment l’entraîneur voit-il 2020 ? « J’aimerais concrétiser l’ascension de 2019 », répond-il. Il ne veut pas dire quels tournois précis il vise pour aller chercher des victoires cruciales. Mais il ne veut surtout pas qu’Andreescu soit une joueuse d’une seule année.

J’aimerais que 2019 soit l’année du début.

Sylvain Bruneau

Et que la joueuse continue de progresser.

Il faudra donc gérer les attentes, ne pas mettre trop de poids extérieurs sur les épaules d’Andreescu — les commandites seront triées sur le volet —, mais faire quand même des activités de charité, car Bruneau croit que faire le bien aide psychologiquement les athlètes. « Redonner aide à la performance. »

Tout comme écouter les témoignages des gens qui abordent maintenant l’entraîneur dans la rue ou au supermarché. Et qui lui racontent comment ils ont été touchés par la victoire de la joueuse canadienne. « Ça fait tellement plaisir. »

Il faudra la garder en santé, dit-il. Donc surveiller de près les blessures. 

De son côté, il continuera de gérer un des aspects les plus difficiles de cette carrière internationale : la conciliation travail-famille. « Être père m’aide dans mon coaching, dit-il. Mais le plus difficile en 2019, c’était les absences. » Bruneau a deux jeunes filles. C’est aussi pour ça, croit-il, qu’il comprend bien les enjeux égalitaires qui demeurent d’actualité dans le sport et dans la société.

Pour que Bianca soit traitée justement.

Et pour ses enfants aussi. Et leur avenir.