Après cinq défaites de suite, les partisans du Canadien sont déçus. Inquiets. Fâchés. Ils cherchent des coupables. J’en connais qui financeraient avec plaisir un aller simple pour Claude Julien et Marc Bergevin vers le Timor oriental.

Dans le vestiaire ? Personne n’affiche la confiance du boxeur la veille d’un combat de championnat. Plutôt l’inverse. Ça suinte la nervosité. Celle de l’élève qui doit réciter par cœur un poème qu’il n’a pas étudié. Les joueurs se savent épiés. À l’entraînement, mercredi, ils étaient plus intenses qu’à l’habitude. Quelques-uns ont d’ailleurs fait du « temps supplémentaire ».

Le doute s’installe.

Faut-il paniquer ?

Noui…

Pas autant que les fans qui réclament les congédiements du DG, du coach et des placiers. Mais ce n’est pas une série de défaites comme une autre. Le niveau d’alerte ?

Orange foncé.

Voyons d’abord le verre à moitié plein. Cette saison n’est pas un krach. Loin de là. Le Canadien se dirige vers une saison de 92 points. C’est plus que les 88 que lui prédisaient les maisons de paris sportifs. Le club se trouve toujours parmi les prétendants aux séries éliminatoires. Dans un ascenseur entre le 6e et le 12e rang de l’association. Exactement où tous les experts le plaçaient.

Depuis octobre, le Tricolore a vaincu les champions en titre de la Coupe Stanley. Les finalistes. Les gagnants du trophée des Présidents. Joli tableau de chasse. L’équipe connaît plus de succès que l’hiver dernier sur les phases de jeu contrôlé, comme l’avantage numérique. Les joueurs connaissent aussi de bons débuts de rencontre. Deux indices d’une bonne préparation de la part des entraîneurs.

Alors, pourquoi s’inquiéter ?

Parce que le Canadien ne gagne plus. Depuis deux semaines, il s’est incliné devant quatre des cinq pires clubs de l’Association de l’Est (Devils du New Jersey, Rangers de New York, Blue Jackets de Columbus, Sénateurs d’Ottawa). Et si le Canadien démarre ses matchs en lion, il les termine en minou, comme on l’a vu lors des trois dernières défaites. Comment expliquer cette réaction des joueurs ? J’ai posé la question directement à Claude Julien.

Sa réponse : « On a perdu notre concentration. Si on se fie un peu à [mardi], après que [les Bruins de Boston] ont marqué le quatrième but, on a perdu notre focus. C’est sûr qu’à ce moment-là, on a fait un changement dans l’équipe. On n’a pas abandonné. Mais on n’était pas capables de garder notre focus. »

Tout indique que l’équipe saute sur la patinoire bien préparée. Puis que les joueurs l’échappent. Surtout en zone défensive.

Des attaquants ratent leurs replis. Des défenseurs laissent des adversaires seuls dans l’enclave. Carey Price – qui n’est pas irréprochable – a vu plus de caoutchouc depuis deux semaines qu’un mécanicien qui pose des pneus d’hiver.

Julien a raison. Et c’est ce qui m’inquiète.

Depuis deux mois, ses constats sont très lucides. Sans faux fuyant. Il a reconnu que Price pouvait être meilleur. Il a critiqué le travail de ses recrues. Il a demandé du renfort en défense. C’est le discours d’un entraîneur-chef qui a besoin d’un coup de pouce. Qui a peut-être atteint le potentiel maximal avec le talent mis à sa disposition. Après tout, il y a des limites à tenter d’insérer un dollar dans une machine à 25 sous.

Le Canadien a des faiblesses dans son alignement. Depuis les blessures de Jonathan Drouin et de Paul Byron, on constate le manque de profondeur. Il y a d’ailleurs un poste non pourvu dans la formation – ce qui en dit long sur l’évaluation des espoirs à Laval. Tout cela oblige Julien à utiliser des joueurs qui devraient être dans la Ligue américaine. Avec des résultats mitigés.

Le problème ?

Je ne vois pas d’où proviendront les renforts à court terme. Les espoirs à Laval ne sont pas prêts. Les clubs rivaux n’échangeront pas leurs vedettes si tôt dans la saison. C’est peut-être injuste, mais Julien me semble être condamné à trouver lui-même la solution.

Et vite.

Le Canadien disputera deux matchs très cruciaux dans les trois prochains jours. Contre les Devils (jeudi). Puis contre les Flyers de Philadelphie (samedi). Deux victoires, et la léthargie sera vite oubliée. Deux défaites ? L’alerte passera d’orange foncé à rouge. D’autant que les trois adversaires suivants sont les Bruins, les Islanders de New York et l’Avalanche du Colorado. Trois puissances.

Julien a déjà relancé le Canadien avec succès dans le passé. Il a 72 heures pour refaire le coup.

Et éviter l’alerte rouge.