« Une grande équipe dans un grand marché. »

Le nouveau président de l’Impact, Kevin Gilmore, martèle cette formule depuis six mois. Avec raison. Un club professionnel de soccer ne peut pas être géré comme une PME familiale, à la petite semaine. Pour reprendre les mots exacts de M. Gilmore lors de sa nomination : « Ça prend un changement de culture. »

J’y ai cru.

Jusqu’à hier.

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Rémi Garde n’est plus l’entraîneur-chef de l’Impact.

Confronté à sa première crise – une série de défaites –, Kevin Gilmore a réagi exactement comme son prédécesseur et patron, Joey Saputo. Il a congédié son entraîneur-chef, le populaire Rémi Garde. En pleine course aux séries éliminatoires. À 72 heures du match le plus important de la saison, un derby contre le Toronto FC. 

Un geste de panique. Un autre. Comme la plupart de ceux pris par les dirigeants de l’Impact depuis 25 ans.

Une grande équipe dans un grand marché recruterait un remplaçant de renom. Un entraîneur couronné en Europe ou en Amérique du Sud. Un sélectionneur national.

Le choix de l’Impact ? Wilmer Cabrera. Un coach qui a été congédié la semaine dernière par le Dynamo de Houston, une des pires formations de la MLS. Pas précisément un plan A. Ni un plan B. Ses équipes n’ont jamais brillé. Sauf une fois. L’année dernière, le Dynamo a gagné la Coupe des États-Unis, un tournoi secondaire disputé surtout par des substituts et des espoirs. 

PHOTO RON CHENOY, ARCHIVES USA TODAY SPORTS

Wilmer Cabrera remplacera Rémi Garde comme entraîneur-chef de l’Impact.

Une grande équipe dans un grand marché, disions-nous ?

L’Impact n’est pas rendu là.

Pour y parvenir, Kevin Gilmore devra éliminer cette culture d’urgence, d’impatience et d’improvisation. Cette culture, qui est enracinée très profondément dans la pelouse du stade Saputo. Cette mauvaise herbe, qui repousse aussitôt qu’on l’arrache.

***

Savez-vous c’est quoi, le vrai problème de l’Impact ?

C’est cet état de crise perpétuelle qui sévit depuis 25 ans. La haute direction garde ses employés sur le qui-vive. Tout le temps. C’est lourd. Épuisant. Démoralisant. Pour les joueurs. Pour le personnel d’entraîneurs.

Cette pression a étouffé Rémi Garde. Cet homme calme n’était plus le même depuis quelques semaines. On l’a entendu hurler contre Omar Browne. S’en prendre à Ballou Tabla. Perdre patience avec Harry Novillo. Rien à voir avec l’entraîneur « toujours positif, qui nous fait du bien » que m’avait décrit le défenseur Bacary Sagna en juin.

La réaction de Rémi Garde était humaine. La plupart des gestionnaires perdent leurs moyens lorsqu’ils devinent un manque de confiance de leurs patrons. Mille raisons justifiaient le sang d’encre de Garde. Parmi elles :

• un contrat non renouvelé ;

• la vigile de l’état-major au grand complet à un entraînement après une défaite ;

• la présence de Joey Saputo sur les lignes de côté dans une partie le 6 juillet. Le propriétaire de l’Impact s’en était pris à l’arbitre, sous les yeux de Garde, incrédule. 

Les dirigeants de l’Impact doivent reconnaître une fois pour toutes que cet environnement de travail est toxique. Rémi Garde est déjà le cinquième entraîneur-chef congédié par l’Impact en huit saisons dans la MLS. C’est énorme.

Parmi les 23 autres équipes de la MLS, seuls les Earthquakes de San Jose ont mis à pied plus de coachs. Sans surprise, les Earthquakes ont aussi raté les séries cinq fois en six ans.

Savez-vous ce que font la plupart des grandes équipes dans les grands marchés ?

Elles laissent de la corde à leur entraîneur. Assez pour qu’il fasse des essais. Se trompe. Recommence. Jusqu’à ce qu’il trouve le bon schéma tactique. Les combinaisons optimales. La formule gagnante.

Mais la recherche prend du temps. Souvent plus que les 18 mois auxquels Rémi Garde a eu droit à Montréal.

Je vais vous donner un exemple concret. Celui d’un entraîneur de la Première Ligue anglaise. Lors de ses cinq premières saisons, son club a terminé 11e, 2e, 11e, 13et 6e (sur 20 équipes). Je parie qu’à Montréal, ce dirigeant n’aurait pas passé au travers de la troisième année. Mais le Manchester United a été patient. Une décision payante.

Cet entraîneur, c’est sir Alex Ferguson.

Il a ensuite remporté 38 trophées à la tête de l’équipe.

***

Rémi Garde était-il parfait ?

Non.

Son recrutement des joueurs étrangers a été critiqué. Avec raison. L’Impact paye toujours l’attaquant Harry Novillo pour qu’il soit le plus loin possible de l’équipe. Pas la meilleure dépense dans une ligue avec un plafond salarial.

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Harry Novillo

La communication avec certains joueurs était déficiente. Pendant l’absence de Nacho Piatti, au printemps, il a choisi de miser sur un système plus défensif. Honnêtement, c’était à défaut de pouvoir compter sur de bons marqueurs. Mais ce schéma n’a pas fait l’affaire de tous. Des joueurs étaient insatisfaits. Le spectacle en a souffert. L’Impact a notamment été blanchi quatre fois au stade Saputo. Pas le meilleur moyen de convaincre un néophyte de revenir au stade la semaine suivante.

On peut aussi s’interroger sur la forme physique des joueurs. Oui, c’est le travail du préparateur physique (Robert Duverne). Mais ultimement, c’est la responsabilité de l’entraîneur. L’Impact a perdu plusieurs joueurs-clés pour de longues périodes cette saison.

Maintenant, Rémi Garde avait aussi ses qualités. Pendant la blessure de Piatti, il a réussi des miracles à la tête d’une équipe franchement peu talentueuse. Je souligne que malgré huit défaites à ses neuf derniers matchs de ligue, l’Impact est toujours dans la course aux séries. Il s’est aussi qualifié pour la finale du championnat canadien.

Rémi Garde était un ambassadeur extraordinaire pour l’Impact, ici comme à l’étranger. Plusieurs médias européens ont suivi son parcours à Montréal. Rien pour nuire à la visibilité de l’Impact dans son recrutement de joueurs européens. L’ancien d’Arsenal était aussi capable d’imposer son autorité. Il venait d’ailleurs tout juste de se défaire des joueurs insatisfaits. Le sang neuf arrivait.

C’était le temps de trouver les nouvelles formules. Pas de changer le chimiste.

Patrice Bernier s’amène aussi

En plus de Rémi Garde, l’adjoint Joël Bats et le préparateur physique Robert Duverne ont été congédiés. Wilmer Cabrera a choisi de retenir les services des adjoints Wilfried Nancy et Rémi Vercoutre. L’ancien capitaine de l’équipe Patrice Bernier se joindra au personnel d’entraîneurs.

Rémi Garde en chiffres

Bilan de saison en 2018 et 2019 :

24 victoires, 29 défaites, 8 matchs nuls

86 buts marqués, soit 1,4 par match

103 encaissés, soit 1,69 par match

Depuis le 29 juin 2019 :

1 victoire, 6 défaites, 1 match nul

16 buts marqués, 21 buts encaissés

4 points sur 24

2019 (rang MLS) :

Tirs au but : 293 (21e)

Tirs cadrés : 97 (22e)

Buts encaissés dans le dernier quart d’heure : 12 (22e)

Possession : 48,8 % (15e)