Merci aux nombreux lecteurs qui m’ont écrit à propos de l’affaire Sebastian Aho. J’ai reçu des courriels couvrant tout le spectre des opinions : certains en appui à la direction du Canadien, d’autres plus critiques. Voici mes réactions à quelques-uns d’entre eux.

Je ne suis pas un partisan inconditionnel de Bergevin, mais je dois avouer que depuis deux ans, il tente honnêtement et résolument de redresser la barque du CH… qu’il avait lui-même failli couler ! Avec les jeunes qui s’amènent, et sans Shaw et Benn, tous deux valeureux mais impertinents pour l’équipe, celle-ci poursuit dans la bonne direction. Au fait, comment vont les Blue Jackets de Columbus et leur génial DG aujourd’hui ? Comment font Pacioretty et Galchenyuk sous d’autres cieux ? (Vincent L.)

Oui, Bergevin a enclenché une vitesse supérieure l’été dernier après des années difficiles, où l’absence de plan était flagrante. On sent enfin une direction claire, axée sur le développement des jeunes joueurs. Demeurons néanmoins prudents face à nos attentes envers les espoirs de l’organisation. Mais la relève est abondante et talentueuse, ce qu’on n’a pas vu depuis longtemps.

Le problème du Canadien se situe au niveau de l’alignement des astres. Le jour où Jesperi Kotkaniemi sera un joueur dominant et que Ryan Poehling, Nick Suzuki, Josh Brook et Alexander Romanov feront leur marque, Carey Price et Shea Weber (qui a commencé à ralentir) ne seront plus au sommet de leur carrière. Cela pose une difficulté dont on a souvent parlé.

Quant au départ de Shaw, le CH devrait le combler. Et l’arrivée de Ben Chiarot colmate la brèche causée par l’absence de Benn. Cela ne fait pas du Canadien une meilleure équipe, mais l’ajout d’un défenseur d’expérience était essentiel.

Enfin, bien d’accord, Bergevin a gagné haut la main ses transactions de l’été dernier avec les Knights de Vegas et les Coyotes de l’Arizona. Quant aux Blue Jackets et leur DG Jarmo Kekalainen, je ne suis pas aussi sévère. Cette équipe n’avait remporté aucune série éliminatoire depuis sa création. Les coups de poker du DG ont mis fin à cette guigne. Pas un mauvais pari pour une organisation à la recherche de retentissement dans son marché.

On se souvient que le DG a été questionné sur les offres hostiles à la fin de la saison. De toute évidence, cette option ne lui plaisait pas, et ce, pour deux raisons : Bergevin aime conserver ses premiers choix et les offres hostiles (quoi qu’il en dise) ne sont pas appréciées des autres DG. Je pense que le véritable objectif était de démontrer au public que le CH a tout tenté. L’offre est suffisamment alléchante pour être crédible, mais pas suffisamment pour être irrésistible. (Gilles B.)

Bien d’accord avec cette description. Et j’avoue ne pas avoir senti Bergevin super emballé en annonçant l’offre hostile du Canadien lundi dernier. Même s’il a évoqué les « vulnérabilités » des Hurricanes, il savait très bien que la valeur d’Aho est plus élevée qu’un choix de premier, deuxième et troisième tours et que les chances de gagner son pari étaient minuscules.

Le CH a tenté un grand coup. Mais tant qu’à foncer, il aurait été préférable de bonifier la proposition. Cela dit, l’offre hostile demeure en effet mal vue dans la LNH. Ainsi, le contrat d’Aho, avec ses immenses bonis de signature, donnera des armes à d’autres joueurs autonomes avec compensation dans la négociation de leur contrat. La possibilité de devoir verser d’un seul coup des sommes si importantes ne fait sûrement pas le bonheur de toutes les équipes.

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Dans ma chronique de mercredi, j’ai noté les ennuis du Canadien à attirer des joueurs autonomes de renom. Au-delà du taux d’imposition et de la météo au Québec, souvent mentionnés comme des freins, j’ai posé cette hypothèse : l’équipe n’étant pas une prétendante à la Coupe Stanley, cela diminue son pouvoir d’attraction.

Un lecteur a réagi ainsi :

Tous les joueurs savent que la pression médiatique à Montréal est beaucoup trop lourde. Vous n’avez cependant pas abordé ce sujet dans votre article. Dommage ! Certes, la pression est forte aussi à Toronto, mais il y a déjà en place des joueurs de concession (Marner, Rielly, Tavares, Matthews), ce qui n’est pas le cas à Montréal. Nous avons Carey Price, mais il ne peut changer le match à lui seul comme un attaquant d’élite. Nous avons aussi Weber, mais en tant que joueur autonome, préférez-vous jouer avec une immense pression médiatique 365 jours sur 365 aux côtés de Price et de Weber ou signer avec une formation comptant de jeunes joueurs élites déjà bien ancrés dans la formation ? (Léandre C.L.)

En tout respect, la théorie de la « pression médiatique » ne me convainc pas. De quelle pression parle-t-on, au juste ? Oui, l’équipe est suivie par les médias chaque jour. Quand les portes du vestiaire ouvrent après un entraînement, on croirait qu’un bataillon envahit la pièce.

Mais cette pression médiatique est en effet la même à Toronto avec les Maple Leafs ; à New York avec les Yankees, les Giants ou les Jets ; à Boston avec les Red Sox et les Patriots ; à Los Angeles avec les Lakers ; à Dallas avec les Cowboys ; à Barcelone avec le FC… Les performances de tous ces clubs sont scrutées à la loupe.

Dans toutes ces villes, les équipes préférées du public génèrent une attention extraordinaire. Les joueurs devraient s’en réjouir. Le sport professionnel est une industrie dont l’objectif est de générer un maximum de revenus. Comme les propriétaires d’équipe, ils en sont les bénéficiaires. L’idée est justement de ne pas évoluer dans l’anonymat. Si un joueur n’a pas le goût de composer avec cet environnement, c’est franchement triste. Cela dit, je persiste à croire que le CH sera plus attrayant quand il deviendra meilleur (oui, à l’image des Maple Leafs).

Dans une perspective plus large, je répète que le Canadien n’est pas la cible d’une pression excessive. Au Québec, depuis le départ des Nordiques et des Expos, il profite d’une situation de monopole dans le sport professionnel à haut budget. Ses ennuis sur la glace (une participation aux séries éliminatoires en quatre ans) ne l’empêchent pas de générer des millions en profits. Gagne ou perd, les partisans sont au rendez-vous.

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En terminant, deux autres extraits de courriel sur deux sujets différents.

Ouf… ce n’est pas l’idée du siècle d’avoir fait une offre au jeune joueur de la Caroline, mais offrir un pont d’or à Duchene aurait été encore pire. (André B.)

Cette théorie se défend. Mais de manière générale, je suis étonné par les réactions entendues à propos des salaires et de la durée des contrats des joueurs. Après tout, la loi du marché opère ainsi. Les vedettes gagnent des fortunes. Si on ne veut pas entrer dans cette danse, aussi bien oublier l’idée d’en embaucher.

Duchene ne sera pas un joueur ultraperformant durant sept ans. Mais si les Predators veulent gagner la Coupe Stanley à court terme, un objectif légitime pour une équipe aussi douée, le DG fait bien de prendre ce risque. Sinon, à force de toujours penser à moyen et à long terme, on risque de ne pas obtenir de succès à court terme. Si les Predators croient vraiment que Duchene est la pièce manquante à leur puzzle dans un horizon de trois saisons, ils ont bien fait de tenter le coup.

Je me pose souvent cette question : pourquoi les journalistes ne sont-ils jamais optimistes pour le Canadien, le retour des Expos, etc. ? Est-ce dans votre formation de journalistes d’agir ainsi ? (Michel L.)

Mon travail est d’analyser la scène sportive et non pas de faire la promotion d’une équipe ou d’un projet.

Dans le cas du Canadien, sa fiche au cours des quatre dernières saisons parle d’elle-même : deux victoires en séries éliminatoires. Difficile d’applaudir debout… En revanche, comme je l’ai noté au cours des derniers mois, Bergevin me semble plus efficace depuis l’été 2018. Mais beaucoup de défis demeurent. L’équipe a encore besoin d’aide.

Les Expos 2.0 ? S’interroger sur la crédibilité du concept de « garde partagée » n’est pas un manque d’optimisme. Tout comme se demander, dans le cas où Montréal obtiendrait une concession à part entière, si 2,4 millions de personnes se rendraient annuellement au stade du bassin Peel ou si le contrat de télévision local atteindrait la somme de 40 millions.

Je suis sûr d’une chose : au-delà de leur optimisme, les promoteurs du retour du baseball majeur à Montréal se posent ces mêmes questions.