Pour Canot Kayak Qc, on peut tirer trois conclusions de la récente controverse sur la vente de terrains d’Hydro-Québec le long de la rivière Rouge.

Premièrement, l’implication de la communauté du plein air peut faire bouger les choses.

Deuxièmement, cette histoire-là est loin d’être terminée.

Et troisièmement, l’accès aux plans d’eau demeure préoccupant.

« La problématique de la rivière Rouge a créé une force du nombre, une espèce de vague, une implication de la communauté qui ont amené Hydro-Québec à revoir sa position », lance Marie-Christine Lessard, directrice générale de Canot Kayak Qc (ancienne Fédération québécoise du canot et du kayak).

C’est en février dernier que les propriétaires d’entreprises de rafting de la rivière Rouge ont appris qu’Hydro-Québec entendait vendre à des intérêts privés ses terrains le long de la rivière. Les deux entreprises risquaient ainsi de perdre leurs voies d’accès et leur chemin de portage, ce qui aurait entraîné la fin de cette populaire activité sur la rivière Rouge.

Le caractère sauvage de cette rivière aurait également pu être malmené.

Accès maintenu

La communauté a sonné l’alarme au début d’avril, avec notamment la participation de la Fondation Rivières et du chanteur Paul Piché.

Quelques jours plus tard, Hydro-Québec a publié un communiqué pour faire savoir qu’elle avait « la ferme intention de maintenir l’accès à la rivière pour la population et pour les entreprises de rafting ».

Maxence Huard-Lefebvre, conseiller en affaires publiques chez Hydro-Québec, précise que tant que la société d’État sera propriétaire des terrains, elle conservera les baux signés avec les entreprises de rafting pour assurer les voies d’accès.

« Au moment où on vendra les terrains, on établira des servitudes de passage pour maintenir l’accès à la rivière, tant pour la population que pour les entreprises de rafting. »

— Maxence Huard-Lefebvre, conseiller en affaires publiques chez Hydro-Québec

« La mécanique de ça, c’est qu’on va conserver un lot de 20 000 pi2 et les servitudes seront grevées à ce lot », affirme-t-il.

M. Huard-Lefebvre ajoute qu’Hydro-Québec est maintenant en discussion avec la MRC d’Argenteuil pour la vente des terrains.

« Il y a un intérêt de leur part, c’est clair. »

Discussions avortées avec Grenville-sur-la-Rouge

Il s’agit d’un développement important. Il y a trois ans, la société d’État avait entamé des discussions avec la municipalité de Grenville-sur-la-Rouge et la MRC d’Argenteuil, mais cette dernière s’était retirée pour des raisons financières.

Par la suite, les discussions avec Grenville-sur-la-Rouge n’ont rien donné.

« Il y avait une dynamique dans ce dossier entre Hydro-Québec et la municipalité de Grenville-sur-la-Rouge, dit en soupirant Marie-Christine Lessard, de Canot Kayak Qc. Elles se lançaient la balle. Hydro-Québec accusait la municipalité, la municipalité accusait Hydro-Québec. Qui disait la vérité ? Difficile à dire. »

Hydro-Québec affirme que la municipalité de Grenville-sur-la-Rouge était prête à acheter les terrains, mais qu’elle ne voulait pas s’engager à conserver leur vocation récréotouristique.

Pour sa part, Grenville-sur-la-Rouge maintient qu’elle a toujours voulu préserver ce milieu naturel. Elle a même dit souhaiter que la SEPAQ mette la main sur les terrains et en fasse un parc.

La SEPAQ ne s’avance pas sur le sujet, rappelant que son rôle vise à exploiter et mettre en valeur les territoires qui lui sont confiés par le gouvernement du Québec.

« Tout ajout au mandat de la SEPAQ lui serait signifié par les autorités gouvernementales compétentes », a indiqué le porte-parole de la société, Simon Boivin.

Entre préservation et accessibilité

Selon Mme Lessard, une implication de la SEPAQ ne serait pas nécessairement une solution parfaite.

« C’est une entité gouvernementale, ça vient donc avec un certain nombre de problématiques », explique-t-elle.

Elle voit toutefois un avantage important.

« Le fait qu’avec la SEPAQ, ça coûte plus cher, ça réduit un peu l’achalandage et ça permet une meilleure préservation. »

Mme Lessard s’inquiète effectivement au sujet d’un accès trop large au territoire.

« À l’heure actuelle, les compagnies de rafting qui ont accès à ces terrains-là ont une bonne éthique sur leur mise à l’eau et sur la façon dont elles traitent le territoire. Ma crainte, c’est que si on donne l’accès à trop de monde, si on fait trop d’aménagements, la préservation sera moins au cœur des préoccupations. C’est l’envers de la médaille. »

La MRC d’Argenteuil a mis fin à ces spéculations en annonçant que ce sera désormais elle qui sera l’interlocuteur municipal privilégié dans le dossier de la rivière Rouge.

Pour sa part, Canot Kayak Qc continue à s’engager dans le dossier général de l’accessibilité aux plans d’eau de la province, de concert avec l’Association des pêcheurs sportifs du Québec.

Avec la privatisation des berges, il est de plus en plus difficile de mettre à l’eau son embarcation. Quant aux municipalités, elles sont nombreuses à imposer des frais exorbitants de mise à l’eau pour les non-résidants, ou à leur interdire carrément l’accès.

Cette question d’accessibilité est au cœur du mandat de la Fédération de canot et de kayak depuis sa création, il y a maintenant 50 ans. L’organisme a profité de cet anniversaire pour changer de nom et d’image.

« On a voulu retirer le mot “fédération” parce qu’on trouvait que ça nous rendait moins accessibles pour la population, raconte Marie-Christine Lessard. “Fédération”, ça fait bureaucratique, élitiste, alors que nous sommes au service de monsieur et madame Tout-le-Monde qui veulent pratiquer des activités de pagaie. »