Dans un peu plus d'un mois, Annie Doucet et Marie-Pier Champagne s'envoleront pour le Maroc afin de participer au Rallye Aïcha des Gazelles. Cette aventure est l'aboutissement d'un rêve pour les deux complices qui n'ont pas ménagé leurs efforts dans les quatre dernières années. Récit de cette course avant la véritable course.

Pour marquer le coup et se souvenir de «l'expérience d'une vie», Annie Doucet et Marie-Pier Champagne se sont fait tatouer le logo du Rallye Aïcha des Gazelles sur leur pied droit. À côté, on peut y lire leur numéro d'équipage (126) de l'édition 2019, ainsi que le nom choisi pour vivre cette aventure, les Raid Runners.

Les Raid Runners, donc, ce sont une technologiste médicale [Annie] et une audiologiste [Marie-Pier] qui se sont rencontrées, il y a huit ans, lors de cours pour bébés. Très vite, les deux amies qui carburent aux défis se sont découvert plein d'intérêts en commun. Suffisamment pour qu'un jour de juillet 2015, Annie fasse la grande demande.

«J'avais déjà proposé à une amie de faire le rallye au Maroc avec moi et elle avait refusé, dit-elle. En connaissant mieux Marie-Pier, je me suis dit que ça serait peut-être son genre. Finalement, je lui ai posé la grande question et elle m'a répondu oui tout de suite.»

«J'avais vu des images à la télévision quand j'avais 17 ans environ. Je m'étais dit qu'un jour, j'allais le faire. C'est resté en stand-by parce que ce n'est pas évident de trouver quelqu'un qui souhaite le faire», complète Marie-Pier.

Entre cette discussion-là et le départ du Rallye, le 20 mars, plus de trois ans et demi se sont écoulés. Il y a eu la préinscription, les réunions, les formations, la recherche de commanditaires... Dans cette véritable course avant la course, les deux complices n'ont pas compté les heures passées sur ce projet.

«Quand on est dans l'engrenage, on se rend compte que ce n'est pas aussi facile qu'on pense, explique Annie. En tout, c'est une expérience de 40 000-42 000 $ [pour les deux participantes]. Ça comprend l'inscription, la location de voiture, le matériel, les assurances, les billets d'avion.»

Elles ont bien reçu quelques coups de pouce matériels comme les casques, mais comment financer le voyage? Elles ont notamment organisé des tournois de golf, des soirées de jeux de société, des soupers spaghetti, vendu du popcorn ou fait de l'emballage dans un supermarché.

«À un moment donné, on s'est rendu compte que c'est beaucoup notre entourage qui payait. C'est le même monde qui revenait et on ne voulait pas le brûler non plus, précise Annie. On a fait certains choix et on devra payer de notre poche même si on est encore en train de chercher des commanditaires.»

Le plaisir de conduire

Elles ne penseront plus à tout ça lorsqu'elles prendront le départ de ce Rallye 100 % féminin le 20 mars. Le plaisir de la conduite hors-piste, avec Marie-Pier au volant et Annie à la navigation, prendra forcément le dessus. Elles se sont préparées à toute éventualité en multipliant les formations dans la dernière année, dont la conduite de 4 x 4 dans un «pit» de sable à Rawdon. Ce jour-là, la peur a rapidement cédé sa place au plaisir.

«Quand on est arrivés en haut d'une bonne côte, notre instructeur nous a dit qu'il fallait la redescendre. Je lui ai répondu que ça n'avait pas de bon sens. On l'a fait, mais je sais que ce n'est rien par rapport aux dunes du Maroc», affirme Annie.

«Avant que ça commence, je me suis dit: "Oh, mon dieu, je ne suis pas à ma place. Ce n'est pas pour moi." Mais j'ai vraiment tripé et je me suis dit que c'est ce que je voulais faire, ajoute Marie-Pier. J'en ai parlé pendant deux semaines parce qu'il y a le facteur stress et l'adrénaline qui viennent vraiment me chercher. J'ai longtemps fait des compétitions de ski et je retrouve les mêmes émotions avec la conduite hors route.»

Et la mécanique dans tout ça? Annie et Marie-Pier sont davantage attirées par le goût de l'aventure, mais elles doivent tout de même se débrouiller en cas de pépins sur leur Toyota Land Cruiser Prado. Au fil des expériences, Annie y a vu un rapprochement avec son métier.

«En faisant de la mécanique, je me suis rendu compte que j'aimais ça. Dans mon métier, on fait de l'analyse, mais on travaille aussi beaucoup avec les appareils. Il y a quelques semaines, un ami mécanicien nous a donné un cours et on a notamment regardé les filtres à air. Je disais: "Ah, c'est drôle, on dirait que je travaille dans mes affaires."»

Des nez de clown dans les valises

Les deux futures gazelles effectueront un prologue et six étapes pour un total de neuf jours de compétition dans le désert marocain. Le stress d'avant-course n'est pas tant sur le plan de l'orientation ou du défi physique que du point de vue psychologique, soutient Marie-Pier. «Est-ce qu'on va être prêtes? On sait que ça va être difficile, qu'il va falloir s'entraider et s'encourager. Notre but est de le faire dans le respect. Tout ce qu'on souhaite, c'est de ne pas avoir nos creux en même temps.»

Et pour désamorcer les crises, elles ont trouvé la parade avec des nez de clown. Oui des nez de clown qu'elles enfileront à la première occasion pour éviter que la tension ne grimpe trop dans le duo des Raid Runners.

«Je suis une personne qui encaisse beaucoup et qui ne dit pas toujours tout. Marie-Pier, c'est l'inverse, elle va beaucoup extérioriser, distingue Annie. On essayait de trouver une façon de parler sans vraiment se parler, quelque chose qui dirait: "Là, tu n'as pas d'allure".»

Les nez de clown seront de sortie du 20 au 28 mars. Les souvenirs et le tatouage, eux, seront gravés à vie.

Pour suivre l'édition 2019 du Rallye Aïcha des Gazelles

Photo François Roy, La Presse

Annie Doucet et Marie-Pier Champagne