Une soixantaine de participants s'élanceront de Whitehorse, demain matin, dans le cadre du Yukon Arctic Ultra. Les plus téméraires tenteront de se rendre jusqu'à Dawson City, à 430 milles de là (près de 700 km), et de réussir cette épreuve qui s'autoproclame «l'ultra le plus froid et le plus difficile du monde». Tout est dit. Dans des paysages de carte postale, les conditions peuvent rapidement se retourner contre les aventuriers du Grand Nord.

Bien au chaud dans sa résidence de la Mauricie, Mario Villemure prendra régulièrement des nouvelles sur son ordinateur. Invité à participer à l'épreuve bisannuelle des 430 milles, il a dû y renoncer en raison d'une intervention subie l'automne dernier. «Mais je vais y retourner», promet-il, après avoir vécu l'expérience des 100 (160 km) et 300 milles (482 km) en 2015 et 2016. Dans la hiérarchie de ses souvenirs de course, cet ultra yukonais trône tout en haut.

«C'est l'un des gros moments de ma vie. Je n'ai que de bons souvenirs. Se retrouver un peu au milieu de nulle part, où tu n'es pas censé être, c'est spécial. J'ai toujours aimé aller plus loin et explorer. Quand j'étais petit, je restais dans le bois et j'essayais toujours d'aller voir de l'autre côté de la colline. Je pense que ça vient de là», démarre celui qui occupe la fonction de directeur de course de la Chute du Diable.

À chaque édition depuis 2003, le Yukon Arctic Ultra - qui emprunte les sentiers de la course de chiens de traîneau, la Yukon Quest - attire quelques dizaines d'aventuriers venus du monde entier. Comme Villemure, ces hommes et ces femmes cherchent à repousser leurs limites dans un cadre hors du- commun où la beauté sauvage côtoie toutes sortes de dangers.

«Une grande partie du temps, on est sur des rivières ou des lacs. C'est superbe avec la vue des montagnes au loin. Puis, il y a des sections où l'on passe un peu plus en montagne ou en forêt. Ça varie quand même pas mal et il y a toujours de quoi à voir, se rappelle Villemure. Il y a beaucoup de traces d'animaux, mais on ne les voit pas vraiment. De temps en temps, on passe dans une communauté ou devant un camp de trappeurs, mais on est pas mal dans la solitude.»

Et le plus grand danger? C'est évidemment le froid, qui est la marque de commerce du Yukon Arctic Ultra. Lors de sa première participation, Villemure a vu le thermomètre plonger en dessous des -50 ℃ durant la nuit. Autant en 2015 que l'année suivante, il se considère toutefois comme chanceux de ne pas avoir eu à composer avec le vent glacial.

Car certaines éditions conduisent à de véritables hécatombes chez les participants. L'an dernier, avec des températures avoisinant les -40 ℃, un seul participant a obtenu le statut de finissant. Victime d'engelures, le Britannique Nick Griffiths a perdu trois orteils dans l'aventure. Plus grave encore, l'Italien Roberto Zanda a dû être amputé de ses deux pieds, de la main droite et d'une partie de la main gauche.

«Il faut bien se débrouiller pour ne pas faire de niaiseries qui pourraient coûter cher. Ce n'est pas long qu'on peut geler quelque chose. Il faut être habitué à être dehors, dans le froid, à manipuler le matériel, préconise Villemure. C'est froid, mais ce n'est pas si pire puisque c'est sec. Dans la journée, ça tourne normalement autour de -20 ℃, mais plus la nuit avance et plus il fait froid. On voit le froid avec les cristaux dans les airs. Je trouve ça féerique.»

La nuit, justement, Villemure continuait de marcher tant qu'il en était capable. Il pouvait cependant sortir son matériel, l'installer et être prêt à se coucher en moins de 10 minutes. En moyenne, il dormait par tranches de 90 minutes à 4 heures.

«Une semaine de vacances»

En 2016, Villemure a mis six jours et demi pour parcourir les 300 milles qui séparent Whitehorse du village de Pelly Crossing. «C'est une semaine de vacances», rigole-t-il. Ses ambitions de temps ont rapidement été balayées par quelques problèmes de santé la première journée. Il a alors pris le contre-pied en savourant chaque instant. «J'en ai profité bien plus que si j'avais trop poussé.»

Il n'empêche que l'épopée, dans de telles conditions, s'accompagne de moments de découragement. Dans son cas, le plus gros coup de blues est survenu le quatrième jour. «C'est un peu l'ennui et la lassitude. S'il fallait qu'une motoneige [de l'organisation] passe à ce moment-là, j'aurais peut-être embarqué. C'était quand même assez monotone et on devient bien fatigué à un moment donné. La course est faite de hauts et de bas. Heureusement, il y a un concurrent qui m'a rejoint, qui m'a encouragé et qui m'a proposé de faire un bout avec lui. Ça m'a remis sur pied pas mal.»

En moyenne, les points de contrôle sont espacés tous les 55 km lors de la course des 300 milles. Pour autant, ce n'est ni le froid ni la distance ou l'effort physique qui ont exigé la plus grande adaptation. «Le plus important dans la préparation, c'est de s'habituer au traîneau qui pèse 30 à 40 lb. Courir et marcher, ça va, mais la grosse différence est d'avoir ce poids-là tout le temps en arrière. Par contre, on ne le sent plus tellement à la fin, mis à part dans les montées.»

Et à tous ceux qui souhaiteraient s'embarquer dans une telle aventure, Villemure a un dernier conseil d'importance: ne pas brûler les étapes. «Il faut bien expérimenter avant en choisissant les nuits les plus froides du Québec. Il faut aller se coucher dans la neige, se relever et faire toutes les manipulations dans le froid.»

Dans la solitude de «l'ultra le plus froid et le plus difficile du monde», l'improvisation ne pardonne pas...