L’actualité des derniers jours a été riche et vous avez été nombreux, chers passionnés de sport, à me transmettre votre opinion. Voici, en quatre thèmes, ma réaction à certains des courriels reçus.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

David Shoemaker, chef de la direction du Comité olympique canadien


Les Jeux olympiques à Montréal

David Shoemaker, chef de la direction du Comité olympique canadien, aimerait que Montréal soumette de nouveau sa candidature à l’obtention des Jeux olympiques. Dans ma chronique de jeudi, j’ai expliqué pourquoi je ne croyais pas à ce scénario.

Cela m’a valu cette réaction très polie de Jacques V., qui me reproche d’émettre trop souvent « une critique négative » face aux évènements que Montréal pourrait attirer : « Les Expos avec leur nouveau stade et maintenant les Jeux olympiques », écrit-il, en guise d’exemple.

Mon rôle, Jacques, n’est pas de faire la promotion de ces projets, mais de les analyser.

Dans le cas du retour du baseball majeur, je suis déçu que le projet initial (la renaissance des Expos) ait été remplacé par ce concept bizarre de la garde partagée, aux chances de succès hasardeuses. Je vois mal comment les amateurs québécois développeraient un véritable attachement envers un club faiblement enraciné dans la communauté.

Dans ce contexte, le plaidoyer de Stephen Bronfman pour un stade « vert » me laisse indifférent. Je pense que cette équipe à deux têtes, pour des motifs que j’ai déjà expliqués, est une mauvaise idée. J’estime aussi qu’avant d’aller plus loin dans le dossier du Stade, il faudrait savoir si l’équipe vendrait un nombre suffisant de billets et générerait des revenus de télé locale dans la moyenne de l’industrie.

Ces sujets sont cruciaux pour la suite des choses. Les sondages et les déclarations d’intention ne sont pas des indicateurs fiables de l’intérêt des gens et des entreprises. Des dépôts en argent comptant parleraient plus fort, tout comme l’engagement formel d’un réseau de télévision.

D’autre part, j’aimerais bien que Montréal accueille de nouveau les Jeux olympiques. La ville possède un potentiel extraordinaire pour organiser ceux d’hiver, avec un partenaire comme Lake Placid ou Vancouver. C’est là que les épreuves nécessitant des infrastructures que nous n’avons pas, comme le bobsleigh, seraient présentées. Mais je suis convaincu que les contribuables québécois rejetteraient tout financement public.

Cela dit, rassurez-vous, Jacques : je souhaite le succès de tous nos grands évènements sportifs !

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Normand T., lui, ne veut pas des Jeux olympiques à Montréal maintenant : « Y en a marre des cônes orange, dit-il. Laissez-nous une période d’accalmie avant d’entreprendre un chantier olympique. » En revanche, l’idée l’intéresse à plus long terme : « Pourquoi mettre une croix sur 2040 ? Le temps efface-t-il votre ferveur olympique ? […] Nous avons fait tellement de progrès en sport grâce aux Jeux de 1976. Il faut garder espoir. »

Le Comité international olympique (CIO) choisit habituellement la ville hôtesse des Jeux sept ans avant le grand rendez-vous. On a donc du temps devant nous pour penser aux Jeux de 2040. Reste à savoir qui, de Montréal ou du CIO, réussira en premier sa grande transformation : une ville sans travaux perpétuels dans le premier cas, une organisation profitant de la confiance du public dans le deuxième…

Mais vous faites bien, Normand, de soulever l’impact majeur des Jeux de 1976 sur le développement du sport au Québec. Ce fut une véritable révolution. Le retour des Jeux à Montréal aurait un impact différent, mais tout aussi considérable, sur la pratique sportive. Alors tant mieux si ça arrive un jour, mais les chances me semblent faibles, sinon inexistantes.

Edgar D. m’a aussi écrit à propos des Jeux : « Payer pour offrir une tribune à des athlètes dont on ne sait pas s’ils sont dopés ou non ? Non merci. »

Je comprends, Edgar, votre désabusement à la suite des nombreux et spectaculaires cas de dopage, notamment celui impliquant la Russie à Sotchi en 2014.

Mais comme l’a déjà rappelé avec justesse le président du CIO Thomas Bach, il est impossible d’éradiquer la tricherie. Il faut lutter avec force contre elle et les efforts en ce sens sont majeurs. On l’oublie souvent, mais de nombreux médaillés olympiques, des années après leur compétition, ont perdu leur récompense après une nouvelle analyse de leurs échantillons d’urine.

Les tests se raffinent, mais les tricheurs conservent une longueur d’avance. Les démasquer est un combat long, pénible et frustrant. Mais il faut le mener vigoureusement. Je crois en la beauté et la magie du sport. Et les cas de dopage, aussi choquants soient-ils, ne diminuent pas mon enthousiasme envers les exploits des milliers d’athlètes qui respectent les règles.

PHOTO NICK WASS, ASSOCIATED PRESS

Jonathan Drouin (92) s’est blessé vendredi soir dernier, à Washington, contre les Capitals.

Le cas Jonathan Drouin

Victime d’une charge d’Alexander Ovechkin à Washington, le 15 novembre, Jonathan Drouin a été soumis au protocole des commotions cérébrales. Le résultat étant négatif, il est revenu au jeu. C’est lors d’une présence subséquente qu’il a subi, selon le Canadien, la blessure qui le tiendra deux mois à l’écart du jeu.

« Même si sa deuxième blessure n’a rien à voir avec le plaquage vicieux d’Ovechkin, il me semble qu’à 4-0 en faveur du Canadien en début de troisième période, on aurait pu faire reposer Drouin », estime Serge P.

D’accord avec vous, Serge. D’autant plus que le Canadien sait très bien que les effets d’une commotion cérébrale apparaissent parfois le lendemain du choc reçu. Le cas de Ryan Poehling, survenu durant un match préparatoire, l’a rappelé à l’organisation. Dans ce contexte où l’équipe détenait déjà une avance confortable, reposer Drouin aurait été une décision prudente.

De plus, j’ai l’impression que l’absence prolongée de Drouin fera très mal au Canadien. On voit combien l’attaque a ralenti en son absence. Son hockey inspiré cette saison a provoqué de multiples chances autour du filet adverse. Au sommet de sa forme, le jeune homme inquiète les défenses rivales. Il attire l’attention sur lui, libérant ainsi ses coéquipiers. Cet atout manque déjà au CH.

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Thierry Henry, nouvel entraineur-chef de l'Impact de Montréal

L’embauche de Thierry Henry

Paul n’est pas convaincu que le nouvel entraîneur de l’Impact aura du succès. D’anciens très grands joueurs, rappelle-t-il, n’ont guère été convaincants dans ce boulot. « Maurice Richard et Wayne Gretzky n’ont pas réussi, dit-il. Si Henry n’a pas les joueurs, il ne réussira pas non plus. »

Vous avez raison, Paul, ce n’est pas toujours facile pour un ancien joueur vedette de diriger des athlètes moins talentueux que lui. Ils peuvent éprouver des ennuis à comprendre pourquoi ils n’affichent pas la même fougue ou ne réussissent pas des jeux simples à leurs yeux. Mais cette règle n’est pas absolue. Joe Torre (baseball), Larry Bird (basketball) et Mike Ditka (football) ont accompli des exploits dans les deux rôles. Au hockey, Patrick Roy a remporté le trophée d’entraîneur par excellence de la saison dans la LNH.

Cela dit, Henry aura bien sûr besoin de bons joueurs pour mener l’Impact à la victoire. Si c’est le cas, je le crois capable de s’illustrer. Sa connaissance du soccer est exceptionnelle et sa motivation, très élevée. Il veut manifestement prouver sa valeur sur les lignes de côté.

Jean-Jacques C., lui, demeure méfiant, voyant surtout dans l’arrivée de Henry un coup de pub. « Si on n’a pas donné à Rémi Garde le temps de gagner, et qu’on remplace par une acquisition purement marketing, honnêtement, ça me déprime plus qu’autre chose », écrit-il.

Votre commentaire, Jean-Jacques, est intéressant à deux titres. D’abord, il rappelle avec justesse l’impatience de l’organisation, pour qui faire rouler la tête d’un coach fait figure de plan stratégique. Ainsi, si l’Impact ne s’était pas séparé de l’excellent Jesse Marsch après sa première saison en MLS, l’équipe aurait connu plus de succès.

On verra si l’arrivée de Henry changera la culture organisationnelle de l’Impact. Je le souhaite, mais n’en suis pas convaincu. En revanche, Jean-Jacques, si je suis d’accord avec vous sur le fait que son embauche constitue aussi un coup de marketing, cela ne m’embête pas. Au contraire, le club avait un besoin urgent de créer l’évènement afin de ne pas sombrer dans un quasi-anonymat, où seuls ses fans inconditionnels s’intéresseraient à ses activités. L’Impact doit absolument augmenter sa base de supporters. Henry contribuera à relever ce défi et c’est tant mieux.

La dure vérité, c’est que l’empreinte de l’Impact dans notre marché a diminué la saison dernière. Sur le plan de l’intérêt, il s’est même fait doubler par les Alouettes, une organisation sans véritable propriétaire. Un coup de barre était nécessaire pour revigorer sa crédibilité. La nomination de Henry permet d’atteindre cet objectif. Cela ne garantit rien pour l’avenir. Mais au moins, l’équipe alimente de nouveau la conversation.

PHOTO ELIJAH NOUVELAGE, REUTERS

Colin Kaepernick

L’affaire Colin Kaepernick

Samedi dernier, jour où Colin Kapernick s’est entraîné sous les yeux de certaines équipes de la NFL après un chassé-croisé avec la direction du circuit, Daniel P. m’a écrit un message fort intéressant. « J’applaudis la lutte de Kaepernick pour la défense des droits civiques (dont je suis un ardent défenseur), et considère qu’il a beaucoup de mérite d’avoir tenu à ses principes dans l’opinion publique », dit-il.

Mais Daniel précise que cela ne change rien à l’aspect sportif : à son avis, Kaepernick demeure un quart très moyen. « C’est un excellent athlète, pas de discussion là-dessus, mais sa lecture des défenses est lente, et il est un passeur correct sans plus. Lorsqu’on combine ces éléments, ça donne un quart-arrière qui était devenu un substitut ordinaire une fois que les défenses ont réalisé qu’aussitôt que sa première lecture s’écroule, le premier (et seul) réflexe de Kaepernick était de décamper. Ç’a fonctionné une saison et demie, mais ses limites l’ont rattrapé. »

Daniel ajoute que si des quarts comme Russel Wilson (Seattle), Dak Prescott (Dallas) et DeShaun Watson (Houston) avaient agi comme Kaepernick durant l’interprétation de l’hymne national américain, ils joueraient encore dans la NFL aujourd’hui en raison de leur talent. « C’est une ligue affamée qui dépend outrageusement du quart-arrière et aucune équipe ne peut se permettre d’ignorer un quart de grand talent pour une question de principe », ajoute-t-il.

Peut-être avez-vous raison, Daniel. Mais quand on sait comment les autorités américaines ont historiquement traité les athlètes « objecteurs de conscience » (Mohammed Ali, John Carlos, Tommie Smith), le doute existe. De nombreux quarts de deuxième ordre ont été embauchés depuis que Kaepernick est victime d’un boycottage.

La NFL a tremblé quand Donald Trump a dénoncé son comportement et ceux des autres joueurs l’ayant suivi. La ligue a craint l’impact économique de ces gestes (appui corporatif, réaction des fans) et Kaepernick n’a jamais obtenu une autre chance. S’il n’était pas devenu toxique aux yeux des propriétaires d’équipe, il l’aurait obtenue. Peut-être pas comme partant, mais sûrement comme réserviste.

Cela dit, votre analyse est intéressante, Daniel. Vous êtes manifestement un connaisseur. D’où ma question : à votre avis, qui gagnera le Super Bowl ? J’avoue ne plus voir très clair à ce chapitre…