Regardez bien celui qui est au volant de l’autobus du Réseau de transport de la Capitale (RTC). Il a 28 ans et vient tout juste de terminer sa formation. Depuis samedi dernier, il peut finalement le conduire « tout seul, comme un grand ».

Quoi d’autre ? L’allure est sportive, et pour cause : ancien triathlète hors-piste et sportif complet, il se consacre entièrement à la course à pied depuis quelque temps. Cette année, il a remporté l’Ultra Trail Gaspesia 100, terminé sur plusieurs podiums et obtenu un top 5 à l’Harricana (125 km) et au Québec Mega Trail (10 km).

Grâce à ce dernier résultat, ce chauffeur, Jean-Philippe Thibodeau, disputera même les championnats du monde de course en montagne longue distance, ce week-end, en Argentine.

« Je suis vraiment chanceux de participer à cette course, parce que j’étais le premier remplaçant dans l’équipe canadienne. Ce n’est que le 9 septembre que le manager m’a appelé. Ma réponse, ç’a été oui tout de suite. »

Viser l’extrême

Il ne pouvait en être autrement pour celui qui a toujours « visé ce qui était extrême ». Cette fois, c’est une aventure de 42 km avec plus de 2000 m de dénivelé positif qui l’attend au Salomon K42 Final Argentina. C’est aussi et surtout un cadre unique, Villa La Angostura, qui se trouve entre lacs et montagnes. La frontière chilienne n’est qu’à un jet de pierre.

PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM @JEANPHILIPPE31

Jean-Philippe Thibodeau disputera les championnats du monde de course en montagne longue distance, ce week-end, en Argentine.

« La course a lieu dans un endroit paradisiaque en Patagonie. En bas où l’on part, il fera plus de 20 degrés, mais en haut du centre de ski, on s’attend à de gros bancs de neige. […] Le parcours ressemble un peu au Québec Mega Trail, au Mont-Sainte-Anne, avec beaucoup de dénivelé positif et un côté technique. »

Parti aujourd’hui, en ayant trouvé des billets d’avion abordables (« Ça veut dire beaucoup de temps d’attente et des changements d’aéroport »), Jean-Philippe Thibodeau ne sait guère à quoi s’attendre au bout de l’aventure. Il la compare à un coup de dés.

Je n’ai aucune idée de ma valeur à l’international en course à pied. Si ç’avait été du triathlon, j’aurais eu des objectifs de performance. Là, je n’en ai pas. Tout ce que je sais, c’est que j’aime m’arracher et tout donner.

Jean-Philippe Thibodeau

Vers le triathlon

Ce n’est pas la première fois que Jean-Philippe Thibodeau, originaire de Charlevoix, participe à des Championnats du monde. À cinq reprises, il a fait partie de l’équipe canadienne lors des Mondiaux de triathlon hors-piste. « Mais ce n’était pas aussi officiel », distingue-t-il.

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Jean-Philippe Thibodeau en compétition

Ces Mondiaux 2019 mettent aussi un terme à une année de transition au cours de laquelle il s’est dirigé vers la course et l’Ultra-Trail. À la base, c’est dans les piscines de l’Université Laval, en tant que membre du Rouge et Or, qu’il trouvait son bonheur. Puis, avec le temps, il s’est découvert des habiletés en course à pied. L’étape suivante est logique, c’est le triathlon.

« J’ai fait deux ans de triathlon sur route, durant lesquels j’ai été vice-champion canadien chez les moins de 23 ans. Après ça, j’ai décidé de changer pour le X TERRA, soit de la natation, du vélo de montagne et de la course en montagne, parce que c’était plus dans mes cordes. Dès la première année, j’ai fait une Coupe du monde et les championnats du monde. La machine est partie de cette manière et, jusqu’en 2017, j’ai pu vivre un peu de ça avec des podiums et des bourses. »

À ce moment-là, il s’est déchiré les ligaments de l’une de ses clavicules lors d’une chute à vélo. À son retour, après une demi-année, il s’est cassé le coude. « L’année 2018 a été raboteuse. J’ai été arrêté quasiment toute l’année et ça a mis un terme à pas mal de partenariats. Pendant cette période, je faisais du vélo stationnaire en masse, mais ç’a aussi été dur sur le moral. »

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À cinq reprises, Jean-Philippe Thibodeau a fait partie de l’équipe canadienne lors des Mondiaux de triathlon hors-piste.

La forme, on l’a vu, est vite revenue après cette double malchance. Aujourd’hui, il consacre de 10 à 15 heures à son entraînement avec des semaines de plus de 100 km en course à pied.

« Dans la vie, il faut trouver des moyens de rester accroché. Je ne suis pas quelqu’un qui va vivre pour son emploi. Je m’épanouis grâce au sport, et quand je pars, je mets tout à off. Ne me demande pas de revenir tout de suite. Depuis que je suis au volant, assis pendant huit heures de temps, j’ai encore plus le pied qui tape quand j’arrive chez nous. Faut que je parte courir. »

Prochain arrêt demandé : la Patagonie avec ses paysages à couper le souffle.