La championne mondiale néerlandaise Suzanne Schulting sera l’un des points de mire de la Coupe du monde de patinage de vitesse sur courte piste de Montréal, de vendredi à dimanche. Entrevue avec la grande rivale de Kim Boutin.

Comme la Suzanne « à moitié folle » de Leonard Cohen, Suzanne Schulting est un cas d’espèce dans le monde du patinage de vitesse courte piste.

Dans une conversation aux Jeux olympiques de PyeongChang, un collègue néerlandais avait plutôt qualifié de « complètement folle » la jeune patineuse de 20 ans, quelques jours avant qu’elle ne gagne une médaille d’or au 1000 m.

La principale intéressée ne s’en formalise pas, revendiquant même sa personnalité un peu déjantée. « C’est tout à fait moi », a souri Schulting après s’être fait rapporter l’anecdote au terme de son entraînement, mercredi matin, à l’aréna Maurice-Richard. Elle sera l’un des points de mire de la Coupe du monde de Montréal, de vendredi à dimanche.

« J’aime être sous les feux de la rampe. Je ne suis pas le genre de fille qui se tient tranquille à l’arrière. Je ne l’ai jamais été. À l’école, j’étais toujours au premier plan, je faisais du bruit, je dérangeais. Je suis encore cette fille qui aime l’attention, mais je suis plus sérieuse maintenant, plus adulte. Mais j’ai encore mes moments… »

Kim Boutin le sait mieux que quiconque. L’été dernier, elle s’est entraînée une semaine chez sa grande rivale néerlandaise, au centre national d’Heerenveen. Cette dernière n’a pas caché sa frustration quand elle s’est fait battre une ou deux fois : cris, pleurs, rage.

C’est la championne du monde. Souvent, derrière chaque champion, il y a comme un peu de folie.

Kim Boutin

À PyeongChang, Boutin avait regretté sa deuxième place derrière Schulting au 1000 m. Elle visait l’or, mais avait admis quelques mois plus tard que son adversaire était l’une de celles qui lui « jouent le plus dans la tête ».

Dans ce contexte, le dépassement réalisé par la Canadienne sur la meneuse néerlandaise à la fin du 1500 m à la Coupe du monde de Salt Lake City, la semaine dernière, prend encore plus de sens. « D’habitude, c’est moi qui me fais faire ça », a souligné Boutin.

Médaillée d’or la veille au 1000 m, distance sur laquelle elle a été invaincue la saison dernière, Schulting assure ne pas avoir été surprise : « Elle était vraiment forte à Salt Lake City. Je l’avais déjà constaté en demi-finale. J’étais donc consciente [de ce qui pouvait arriver]. »

« On apprend l’une de l’autre »

Contemplant l’idée de la retraite, Boutin a repris goût à son sport et revu ses priorités après sa visite à Heerenveen. Schulting dit en avoir également profité.

« C’est facile de perdre sa concentration en s’entraînant tout l’été. Mais quand l’une de tes principales adversaires vient s’entraîner avec toi, tu réalises que : oh, mer… elle fait aussi très bien. Je dois me concentrer davantage sur ceci ou cela. On apprend l’une de l’autre. C’est très bien. »

PHOTO TIRÉE D’INSTAGRAM

Kim Boutin et Suzanne Schulting aux Pays-Bas l’été dernier

La Néerlandaise de 22 ans apprécie la personnalité de Boutin, jugeant qu’elle s’« agence » bien à la sienne. « Sur la glace, on veut vraiment se faire la lutte, on aime s’entraîner fort, mais on se respecte beaucoup. C’est ce que j’aime de Kim : c’est tellement une bonne personne. J’aime la façon dont elle patine, son énergie. Elle veut faire de son mieux, mais elle te respecte toujours. »

Première médaillée d’or olympique des Pays-Bas en courte piste, Schulting a contribué à donner ses lettres de noblesse à sa discipline dans un pays où le longue piste est roi.

« Aux Pays-Bas, le patinage longue piste est aussi populaire que le soccer, a-t-elle souligné. Mais le courte piste est vraiment en progression depuis quatre ou cinq ans. Ce n’était nulle part et maintenant, ça grandit vraiment vite.

« Beaucoup de gens suivent le courte piste et beaucoup de jeunes veulent en faire. C’est beau à voir. Sjinkie Knegt [champion du monde en 2015, médaillé d’argent à PyeongChang] y a aussi contribué. On forme un bon duo pour promouvoir le sport. »

Sacrée athlète féminine de l’année aux Pays-Bas l’an dernier, Schulting a confirmé son ascension en dominant le circuit de la Coupe du monde avant de décrocher le titre de championne du monde en Bulgarie, en mars.

« Avant les Jeux olympiques, je n’étais pas une aussi bonne patineuse. J’avais besoin de goûter à la victoire pour savoir où je voulais aller. Je suis devenue plus adulte, en quelque sorte. Je me suis entraînée très fort l’été suivant pour montrer au monde que ce n’était pas qu’un coup de chance.

« Je veux continuer sur cette lancée et encore montrer que je suis très bonne. Parce qu’il n’y a rien de mieux que le sentiment de la victoire. »

À titre de tenante du titre mondial, Schulting porte un casque orné du numéro 1 pour toute la saison. Un honneur que reluque Kim Boutin, mais que la Néerlandaise n’a pas l’intention de lui céder.