L’an dernier, le Tor des Géants s’est arrêté abruptement pour Martine Marois. Il s’est conclu peu après le 192kilomètre avec les batteries vides et dans un état de semi-conscience. « Les souvenirs sont vagues », raconte-t-elle.

Elle se rappelle la noirceur, les gens autour d’elle sur le sentier et les deux guides de montagne italiens qui l’ont évacuée sur leur dos. Elle se souvient ensuite de son réveil, le lendemain matin, et de son transfert vers l’hôpital du coin dans la vallée d’Aoste, en Italie. À ce moment-là, et malgré les fortes dépenses caloriques, elle n’avait ni mangé ni bu depuis 24 heures.

« Mes proches ont été inquiets parce qu’ils n’ont pas reçu de nouvelles pendant 12 heures. Mais ce Tor des Géants n’a pas été un échec, ça a été un apprentissage. »

La preuve, elle reprendra, le 8 septembre, le départ de cette épreuve de 356 kilomètres au dénivelé positif frôlant les 30 000 mètres. Elle ne l’abordera cependant pas de la même manière, à commencer par l’alimentation, qui lui avait fait défaut l’an passé.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Martine Marois souffre de la maladie cœliaque.

Souffrant de la maladie cœliaque, qui se caractérise par une destruction d’origine inflammatoire de l’intestin grêle après l’ingestion de gluten, elle n’avait pas apporté suffisamment de nourriture adaptée. Il n’était pas question de tester les aliments proscrits lors des différents ravitaillements. Sinon ?

« Sinon, j’ai une réaction qui se produit de deux à cinq heures plus tard. Je vais avoir un point dans le ventre, je vais avoir mal au cœur, une fatigue soudaine et un manque d’énergie. J’ai mal à la tête et je dois me coucher. C’est comme ça pendant deux jours. Je suis non fonctionnelle pendant deux jours. »

En revenant du Tor des Géants, riche en enseignements, elle a pris les grands moyens en devenant pesco-végétarienne. S’inspirant, en grande partie, des préceptes d’un autre ultra-marathonien, Rich Roll, elle a vu sa santé s’optimiser au cours de la dernière année. Cela s’est traduit par une perte de poids, une plus grande énergie et une meilleure capacité à absorber son entraînement.

« Avant, quand je courais, j’avais l’impression de traîner une ancre à bateau. Je disais que je ne comprenais pas et que l’âme qu’il y avait en dedans n’était pas dans le bon corps. J’avais 30 livres de plus et j’étais toujours sur le départ des ultras. Les gens me regardaient comme en disant : “OK, qu’est-ce qu’elle fait là, elle ?” Mais je savais que c’était ma place et que j’y mettais tous les efforts. »

La quadragénaire, mère de trois enfants et grand-mère depuis quelques mois, n’est pas du genre à rester sur une expérience inachevée. On la devine ambitieuse et fonceuse. Quand l’occasion de se réinscrire au Tor des Géants s’est présentée, à la toute fin du processus, elle n’a donc pas hésité une seconde.

Je veux changer le cours de mon histoire. Je veux une finalité belle et émouvante. En plus, je représente quand même 82 000 cœliaques au Québec qui s’empêchent peut-être de faire des activités à cause de la nourriture ou parce qu’ils pensent que ça ne se fait pas.

Martine Marois

« Impossible, ce n’est pas un fait, c’est une opinion. Quand on met de la volonté et de la persévérance, on arrive à toucher au but. Je ne suis pas la fille qui se retrouve sur les podiums. Je suis celle qui est en fin de peloton, mais qui a un gros CV de réalisations. Le Tor, c’est aller chercher un autre bout d’expérience qui va me rendre encore plus forte », lance la directrice des programmes sportifs de la Fondation des sports adaptés.

Une attirance magnétique

Au Québec, Martine Marois a déjà parcouru les sentiers de l’Harricana et du Québec Méga Trail. Avec son conjoint Danny, elle s’entraîne sur le mont Saint-Hilaire la semaine, et aux États-Unis les fins de semaine. C’est d’ailleurs au mont Whiteface, pas très loin de Lake Placid, qu’elle retrouve des conditions s’approchant le plus de celles du Tor des Géants. Mais rien ne vaut l’original.

« C’est magnétique, va-t-elle jusqu’à dire. Je suis une fille dont le milieu est les zones alpines. Je ne suis pas attirée par les Adirondacks, par exemple. J’aime quand on est directement au ciel, qu’on a une belle vue et qu’on se dit “wow”. Je suis capable d’aller chercher les cinq sens pour me ramener quand ça va mal, mais je suis une personne visuelle avant tout. On ne peut pas ne pas avoir le sourire, être découragé ou pleurer, parce que la beauté de la nature est immense. »

En matière d’entraînement, c’est le dénivelé qui prime. Elle fait ainsi 5000 mètres par semaine alors qu’en moyenne, elle devra grimper près de 6000 mètres par jour lors du Tor des Géants. Les participants auront 150 heures pour terminer l’épreuve.

« Le dénivelé ne me fait pas peur, indique-t-elle. L’an dernier, mon conjoint a fini l’épreuve en six jours et il est plus fort que moi. Je l’ai un peu rattrapé cette année. Si ça va bien, je souhaite le faire dans les cinq ou six jours. »

Cette fois, elle espère donc ne plus finir la course sur le dos de deux guides italiens, même si elle s’est liée d’amitié avec l’un d’eux par les réseaux sociaux.