Qu’est-ce qui fait courir, nager et pédaler les milliers de sportifs qui participeront aux épreuves du demi-Ironman de Tremblant, ce week-end ? La Presse a rencontré certains d’entre eux pour le savoir. La suite demain et lundi.

« Je veux être avec mes enfants le plus longtemps possible »

Sylvain Noël le répétera plusieurs fois au cours de l’entrevue : son histoire est banale.

Un peu, mais pas tout à fait non plus. De toute façon, c’est probablement dans sa banalité qu’elle devient aussi universelle.

L’histoire de Sylvain Noël est celle d’un homme qui est devenu père sur le tard. Il est enseignant en éducation physique et entraîneur de l’équipe féminine de volley-ball du cégep Bois-de-Boulogne. L’un des meilleurs de sa profession au Canada, d’ailleurs.

Peut-être avait-il manqué de temps pour s’investir dans une relation amoureuse sérieuse plus tôt dans sa vie. Peu importe, au fond.

Le voici aujourd’hui papa à 52 ans, avec son petit bonhomme de 5 ans et sa petite poulette de deux ans et demi.

Sa conjointe a 16 ans de moins. Au cours de leur premier tête-à-tête, il lui a confié qu’il avait fait la paix avec l’idée de ne jamais avoir d’enfants, mais que s’il en avait un jour, ce serait le plus beau moment de sa vie. Sa franchise a fait mouche. Il a trouvé l’amour, il est devenu père ensuite. Il n’avait pas menti : ses deux enfants ont changé sa vie.

À tous ceux qui lui demandent aujourd’hui s’il n’aimerait pas mieux avoir plus de temps pour lui, à son âge, il leur répond sans hésiter : « Ça dépend de ta définition de “temps pour toi”. Maintenant, le temps avec les enfants, c’est du temps pour moi. »

En 2015, son meilleur ami lui a offert un cadeau de fête inusité : une participation au demi-marathon d’Ottawa. À ce moment-là, Sylvain Noël était en forme, mais n’avait jamais couru ne serait-ce qu’un 2 km. Il n’avait jamais fait de sport de haut niveau et ne faisait à peu près jamais de cardio. Il a commencé à s’entraîner plus sérieusement, et a terminé la course. Jusque-là, il faisait du sport par défi plus qu’autre chose.

C’était avant 2016, quand ses deux parents sont morts en l’espace de cinq semaines. Le choc de tous les chocs. Le grand déclic pour Sylvain Noël.

Mes deux parents avaient des antécédents de haute pression. Ça a déclenché toute une affaire. Mon médecin m’a suggéré de prendre un arrêt de travail cet automne-là. Elle savait que j’étais en forme, mais elle a décelé un début de haute pression chez moi aussi. Elle était à la limite de me médicamenter. Je préférais ne pas être médicamenté.

Sylvain Noël

« À ce moment, ça a allumé une lumière, ajoute M. Noël. Je suis un papa tardif. Non seulement je veux être avec mes enfants le plus longtemps possible, mais je veux leur offrir du temps de qualité, aussi longtemps que ça va leur tenter de jouer avec leur père. »

SON FILS, SON SAUVEUR

Tout s’est passé en même temps. La mort de ses parents lui a ouvert les yeux sur sa propre réalité comme père. Et sur l’inévitable question qui traverse l’esprit de tout papa tardif, un jour ou l’autre : comment être là le plus longtemps possible pour ses enfants ?

De fil en aiguille, Sylvain Noël a augmenté l’entraînement, et les bénéfices ont été instantanés. La pression artérielle est retombée. Le taux de gras viscéral, notamment autour du cœur, a baissé lui aussi. Il a voulu en faire encore plus. Il avait deux options : le marathon ou le triathlon. Il a fait comme son meilleur ami et s’est tourné vers le triathlon.

PHOTO FOURNIE PAR SYLVAIN NOËL

Sylvain Noël consacre de 9 à 13 heures par semaine au sport.

Cette volonté d’en faire plus, raconte-t-il, est le résultat de la paternité. Il explique.

« Ça a changé beaucoup de choses en moi. Je ne sais pas si c’est bon ou mauvais. J’ai poussé à un autre niveau le fait d’être prévoyant. Pour moi aussi, ça me touche beaucoup de penser qu’il pourrait m’arriver quelque chose. Pas à leur âge. C’est peut-être un peu égoïste de penser qu’ils ont besoin de moi, mais je veux être là le plus longtemps possible. »

Son fils ne le sait pas, mais il a sauvé son père quand il a eu à traverser l’épreuve de la mort de ses parents. Dans les derniers moments à l’hôpital avec sa mère, Sylvain Noël se tournait beaucoup vers son fils pour le réconfort.

« Dans les moments les plus difficiles, les derniers moments avec ma mère à l’hôpital, dans les trop-pleins d’émotions, il venait me voir. Dans ces moments-là, j’ai compris, un, qu’il faut que ça dure le plus longtemps possible avec eux, et deux, qu’il faut que ce temps-là soit de qualité. Parce que les moments difficiles le sont pour toute la famille. J’avais une très belle relation avec mon père, mais à la fin, il avait des symptômes de démence. Nos moments sont devenus plus difficiles. »

Sylvain Noël ignore au fond quel contrôle il peut exercer sur sa longévité. Il y a toujours une part de hasard dans la loterie de la vie. Mais il préfère mettre toutes les chances de son côté. Il a remplacé ses moments de détente, à regarder des films, à naviguer sur l’internet, à lire des livres, par des séances d’entraînement. Il remercie aussi sa conjointe, ancienne athlète elle-même, de lui permettre de consacrer de 9 à 13 heures par semaine au sport.

À Tremblant, Sylvain Noël en sera à son troisième Ironman 70.3. Il en a réussi un, a été contraint à l’abandon à l’autre. S’il devait s’arrêter avant la fin encore cette fois, il le ferait avec sérénité.

Après tout, il sait qu’il n’est pas là que pour lui.

Triathlète à 69 ans

PHOTO FOURNIE PAR RENÉE TREMBLAY

Renée Tremblay, triathlète de 69 ans, disputera un autre demi-Ironman ce week-end à Tremblant.

Renée Tremblay a 69 ans. Elle est directrice générale adjointe de la commission scolaire de l’Énergie, en Maurice. Elle a longtemps été enseignante en éducation physique au primaire.

Ce ne sera pas la première fois qu’elle courra, nagera et pédalera au mont Tremblant. Même qu’elle a déjà gagné une médaille d’or, il y a quatre ans, sur la distance olympique.

« J’ai découvert que j’étais toute seule dans ma catégorie d’âge », lance-t-elle dans un éclat de rire.

C’est vrai qu’il y a quelque chose d’exceptionnel à refuser de laisser les années nous ralentir. Sauf pour Renée Tremblay. Il faut dire qu’elle a toujours été active, déformation professionnelle oblige, mais dans le style plus récréatif. Elle ne faisait pas de course, si ce n’est pour poursuivre ses enfants. Trois garçons tous aujourd’hui dans la quarantaine.

Il lui arrivait, par exemple, de faire du vélo-camping. Elle partait 10 jours, avec tout son équipement, et parcourait 1000 km. Juste comme ça, pour le plaisir.

« Je faisais ça, mais je ne m’étais pas entraînée avant et je ne faisais rien après. C’était ponctuel. »

Une anomalie du sang, puis un cancer

Le sport est vraiment devenu une seconde nature après les avertissements qu’elle a reçus de la vie il y a une dizaine d’années.

Tout a commencé quand les médecins ont découvert dans son sang une anomalie. Elle produisait trop de globules rouges et de plaquettes, ce qui la condamnait à recevoir une saignée chaque mois. Le traitement se faisait à l’aide d’une « aiguille de cheval », image-t-elle.

Trois ans plus tard, c’est le cancer qui l’a frappée. « Tant qu’à expérimenter avec la maladie », balance-t-elle comme transition entre les deux diagnostics. Avec la même intonation neutre que si elle s’était trompée de sortie d’autoroute. Elle a été opérée en janvier, il y a un peu plus de sept ans, pour retirer une tumeur stromale gastro-intestinale, un GIST.

Le GIST s’accroche à l’extérieur d’un organe de digestion. Pour Renée Tremblay, c’était l’intestin grêle.

Ma chance a été que ce n’était ramifié nulle part ailleurs. Ils m’ont enlevé 25 cm d’intestin grêle et on peut fonctionner très bien avec 25 cm de moins.

Renée Tremblay 

« C’était une épreuve psychologique plutôt que physique parce que j’ai eu la chance de ne pas vivre une importante opération. J’ai été opérée par le nombril. Je ne me rappelle plus le mot, mes termes de médecine sont loin, et je n’ai pas voulu les retenir. J’ai passé six jours à l’hôpital après l’opération. Je me promenais dans les couloirs avec mes tuyaux et mes poteaux. Je marchais beaucoup. Je ne voulais pas rester inactive. »

Ses Roses

Trois mois après l’opération, Renée Tremblay était à l’entraînement. Elle ne manquait pas de raisons de vouloir passer à autre chose. Mais parmi toutes ces raisons, il y avait ses sœurs de sport, les Roses du Parc, comme elles se surnomment joliment, à qui elle attribue une partie de sa guérison.

Les Roses formaient une équipe qui participait au défi du parc national de la Mauricie. L’événement principal de ce défi était un aller-retour du parc à vélo, sur une distance de 105 km. Renée Tremblay avait rejoint ses Roses peu de temps après le début de ses ennuis de santé.

« Physiquement, ça m’a sauvée de faire partie des Roses. Quand j’ai été opérée, j’étais en très grande forme. Le médecin ne m’a même pas donné de billet médical. J’ai été malade pendant le temps des Fêtes et j’ai recommencé à travailler tout de suite après. Je me disais que le sport allait me sauver. Je me trouve chanceuse d’avoir eu un cancer où je n’ai pas eu à me faire ouvrir l’abdomen ou à subir de gros traitements de radio et de chimio. » 

Après, j’ai toujours gardé en tête que je devais rester en forme. Si je reste en forme, je n’aurai pas les pensées négatives qui drainent cette maladie-là. […] Je ne pense pas qu’être en forme nous épargne. Mais je pense que si on est en forme, on a la force de passer à travers.

Renée Tremblay

Petit à petit, les Roses ont doublé le défi. Le lendemain de son premier défi de 105 km après le cancer, Renée Tremblay courait 15 km en sentier. On était alors en septembre, huit mois après l’opération. Aussi bien dire 100 ans, pourquoi pas, tant la maladie était loin.

Renée Tremblay s’est blessée à la course. Peut-être a-t-elle voulu trop en faire. Elle a donc suivi les conseils de ceux qui lui recommandaient de diversifier les sports pour éviter les blessures. Elle s’est inscrite au groupe Trinergie pour aller nager les matins… avant de se rendre compte qu’il s’agissait en fait d’un groupe de triathlon. Ses Roses passaient elles aussi au triathlon, il y en aura d’ailleurs plusieurs à Tremblant, Renée Tremblay les a imitées.

Motivation et guerres mentales

« [Les Roses] me motivent beaucoup, elles me disent que je suis extraordinaire. Je leur dis : “Mais non, vous ne dites pas que je suis extraordinaire, vous dites que je suis vieille.” Elles me disent que je suis extraordinaire, mais c’est toujours à cause de mon âge. »

Peut-être, mais ça reste exceptionnel de participer à un Ironman 70.3 à 69 ans. Ça reste exceptionnel de gagner les guerres mentales, comme elle l’a fait l’an dernier, quand elle s’est découragée au milieu de l’étape de vélo. Elle en rit encore en racontant sa réflexion : « J’ai payé pour ça en plus ! » Ça reste exceptionnel de nager deux fois et de courir trois fois par semaine, en plus des demi-heures de vélo après le boulot (parfois plus quand le beau temps arrive) au milieu d’un horaire chargé.

Et ça reste exceptionnel de parler du cancer comme si c’était un rhume.

À tous ceux maintenant qui lui demandent combien de temps d’entraînement ça prend pour réussir un Ironman 70.3, Renée Tremblay offre cette perle de sagesse. Une autre, pour finir.

« Commence donc ce matin. »

Ironman 70.3 de Mont-Tremblant

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Plus de 3400 personnes prendront part à Ironman 70.3 qui sera disputé demain au mont Tremblant.

Horaire et parcours

Samedi 22 juin

Plus de 2000 participants

7 h –  Départ officiel pour le Sprint

7 h 30 – Départ officiel pour le 5i50

10 h 30 – Cérémonie des gagnants – Sprint

12 h – Cérémonie des gagnants – 5i50

Sprint : 750 m à la nage/20 km de vélo/5 km de course

5i50 : 1,5 km à la nage/40 km de vélo/10 km de course

Dimanche 23 juin

Plus de 3400 participants

7 h – Départ officiel hommes professionnels pour l’Ironman 70.3

7 h 05 – Départ officiel femmes professionnelles pour l’Ironman 70.3

7 h 10 – Départ officiel tous groupes d’âge pour l’Ironman 70.3

16 h – Cérémonie des gagnants de l’Ironman 70.3

Ironman 70.3 : 1,9 km à la nage/90 km de vélo/21,1 km de course