Cinq ans qu’il l’attendait. Cinq ans que David Baillargeon, âgé de 23 ans, espérait glaner un premier titre sur le circuit professionnel de squash.

En février dernier, en remportant la Classique Guilfoyle Financial à Toronto, il a d’abord ressenti une immense joie. Il y a ensuite eu une forme de soulagement, comme une bonne réponse aux efforts qui, jusque-là, ne s’étaient pas matérialisés au chapitre du palmarès professionnel.

N’a-t-il pas déménagé de Québec à Montréal au milieu de l’adolescence pour se rapprocher du club sportif MAA, leader dans ce sport ? Et, sur les recommandations de l’un de ses anciens entraîneurs, n’a-t-il pas franchi une nouvelle étape en multipliant les séjours de l’autre côté de l’Atlantique ?

« Avec les sacrifices que j’avais faits en allant en Europe, je commençais à me mettre de la pression volontairement et involontairement sur les épaules, avoue-t-il. À Toronto, je savais que je jouais bien et j’avais confiance en mon jeu, mais le tournoi était relevé. Le remporter a été une grande joie et un soulagement. »

Loin de l’épicentre du squash, Baillargeon a donc dû s’exiler en Europe une bonne partie de l’année afin de poursuivre sa progression et de profiter de nouvelles occasions. Il lui a fallu tout de même tâtonner, durant l’automne 2017, avant de trouver le cadre idéal. À Aix-en-Provence, au centre national de l’équipe française, il sentait que l’attention n’était pas dirigée vers ses besoins. À Londres, un peu plus tard, le prix et la distance entre les lieux d’entraînement rendaient le quotidien trop difficile. Il a ensuite pensé se rendre à Barcelone, à Birmingham ou à Sheffield avant d’arrêter son choix sur Bristol, désormais son deuxième chez-lui.

« Pendant la saison, je passe peut-être quatre ou cinq mois ici. Il y a une grande variété de joueurs avec deux membres du top 10 mondial, dont le numéro 2, et on trouve aussi trois autres joueurs du top 50. C’est sans compter sur les plus jeunes qui vont à l’université ici, indique Baillargeon. On peut choisir nos partenaires d’entraînement et on a trois séances de groupe par semaine. Je suis aussi un ou deux cours individuels chaque semaine. »

« Très difficile » de gagner sa vie

À Bristol, Baillargeon côtoie les frères El Shorbagy, dont Mohamed, qui a longtemps été numéro 1 mondial. L’apprentissage s’est accéléré au sein de ce groupe particulièrement relevé qui est dirigé par Hadrian Stiff. « C’est une chose de s’entraîner, mais ce n’est pas nécessairement le nombre d’heures qui compte, répond-il lorsqu’on lui demande le principal enseignement appris. L’important, c’est l’intensité et l’intention que tu mets dans tes entraînements, ainsi que la volonté de changer ce qui est nécessaire. Tant qu’ils travaillaient sur un aspect à corriger, j’ai vu que les frères El Shorbagy n’étaient pas dérangés de perdre. »

Et à quoi ressemble la saison d’un joueur de squash ? Cette année, Baillargeon a disputé une quinzaine de tournois professionnels ou non professionnels au Canada, aux États-Unis et aux quatre coins de l’Europe. Il s’est également rendu en Argentine et au Paraguay au printemps dernier. Enfin, de son camp de base de Bristol, il a accès aux différentes ligues européennes.

« On est dans des clubs qui engagent des joueurs pour jouer des parties locales. En Allemagne et en Angleterre, c’est 10 fins de semaine, alors que c’est 5 en France, détaille-t-il. On n’est pas obligés d’aller à tous les matchs, puisque ce n’est pas tout le monde qui peut l’intégrer à son calendrier international, mais c’est un autre privilège d’être en Europe. Ça donne des matchs de haut niveau, sans la pression des tournois, et c’est aussi une source de revenus qu’on n’aurait pas en Amérique du Nord. La plupart des joueurs doivent coacher en même temps. »

Au stade-ci de sa carrière, Baillargeon bénéficie de l’aide des deux ordres de gouvernement, de Squash Canada, en plus de recevoir diverses bourses. Il convient qu’il est « très difficile, voire impossible », de gagner sa vie avec les tournois. « Ça commence à être plus intéressant dans le top 50 mondial », distingue-t-il.

Le top 50 est d’ailleurs son objectif à moyen terme. Baillargeon occupe actuellement le 119e rang mondial après avoir intégré le top 100 pour la première fois l’an dernier. Le meilleur Canadien, le Montréalais Shawn De Lierre, pointe à la 79e place.

Objectif : les Jeux… panaméricains

L’athlète de Québec participera aux Championnats canadiens qui débutent aujourd'hui à Toronto. Vainqueur du tournoi U23 l’an dernier, il espère récidiver en 2019, chez les séniors. « C’est l’objectif majeur de ma saison, même si ce ne sera pas facile de gagner quatre gros matchs de suite. J’aimerais au moins faire la finale pour m’assurer une place pour les Jeux panaméricains à Lima », annonce-t-il.

Par contre, son objectif de participer aux Jeux olympiques s’est presque éteint puisque le squash a été recalé, à titre de sport supplémentaire, pour l’édition de Paris en 2024. « C’est la troisième fois [NDLR : la quatrième] qu’on se fait refuser. La plupart des joueurs ont de quoi sur le cœur parce qu’on rêve tous d’aller aux Jeux olympiques. On pensait que ça pourrait se faire à Paris, puisque les Français sont bons au squash, mais ils ont choisi des sports un peu moins dans l’essence olympique, mais plus tendance », conclut-il.

L’année 2019 n’aura donc pas été celle de tous les succès…