Cindy Ouellet n’avait que 12 ans quand c’est arrivé, en 2001. Un camp de football, un choc par-derrière, une fracture de la hanche. C’est ainsi que les médecins ont découvert son cancer des os, appelé le sarcome d’Ewing.

Elle avoue ne pas avoir trop compris ce que ça voulait dire sur le coup, le cancer, même si ses parents ont abordé avec elle la situation de front.

Elle était une sportive assidue. En plus de viser une place au sport-études de football, elle était une skieuse alpine de compétition depuis plus de six ans. Elle ne savait pas encore que juste comme ça, l’instant d’un diagnostic, sa vie allait changer à jamais.

« Le cancer était situé dans mon bassin gauche, raconte la jeune femme, avec beaucoup d’aplomb. Ils ont enlevé mon bassin gauche au complet. Ils ont dû enlever beaucoup de muscles et de nerfs. C’est pour ça que je suis en fauteuil. Je n’ai pas de sensibilité dans la jambe gauche. La jambe droite est parfaite, donc je suis capable de marcher un peu et d’être debout. » 

Ouellet a subi 28 traitements de chimiothérapie. Elle est restée couchée sur un lit d’hôpital pendant plus d’un an à cause des opérations. Tout au long du processus, elle demandait à ses médecins si elle pourrait, un jour, refaire du ski. 

Après deux ans, le verdict est tombé, implacable. C’était terminé, le ski. Ouellet caressait depuis toujours le rêve de représenter son pays aux Jeux olympiques. C’était fini, ça aussi.

Elle garde des souvenirs pénibles des années qui ont suivi. Son retour à l’école aussi, en 3e secondaire, après deux années d’absence, s’est mal passé. Elle a été victime d’intimidation. Rien de trop grave, assure-t-elle, mais quand même. Dans une situation comme la sienne, chaque intimidation est celle de trop.

Elle doit beaucoup à ses parents, qu’elle encense souvent au cours de l’entrevue. Ouellet était naturellement dotée d’une forte personnalité. Ses parents lui ont donné le petit coup de pouce de plus.

« Je ne connaissais personne au secondaire. On bottait mes béquilles. Il y a des gens qui riaient de moi. Je tombais, je glissais, je me faisais pousser. C’était dur au début. Tu te fais une carapace, mais ça donne un coup. J’ai vraiment une bonne famille et je ne m’en serais pas sortie sans eux. J’ai été creux dans mes pensées et ils m’ont sortie de ça. Ils m’ont trouvé l’aide dont j’avais besoin. Le sport m’a sauvée encore plus quand j’ai pu recommencer à en faire. »

PHOTO CAROLINE GRÉGOIRE, ARCHIVES LE SOLEIL

Cindy Ouellet

C’est là qu’est arrivé dans sa vie, entre autres, le Défi sportif AlterGo. Elle y a participé une première année, en natation. Puis l’année suivante, en athlétisme. Avec le temps, elle s’est intéressée à des sports plus exigeants physiquement. Une physio dévouée l’a introduite au basketball en fauteuil roulant. Le coup de foudre a été instantané, dès le moment où elle a entendu les chaises s’entrechoquer. Elle a participé trois ans de suite à l’épreuve de basket en fauteuil roulant du Défi sportif.

En même temps, elle a rencontré son mentor sportif Dean Bergeron, légende du para-athlétisme, devenu lui-même paraplégique à la suite d’un grave accident au hockey.

Comme au moment du diagnostic, encore une fois, sa vie allait changer en un instant.

« Au Défi sportif, tu vois des grands athlètes, j’ai vu Chantal Petitclerc, Chantal Benoit en basket. Dans la même compétition que toi, il y a aussi de grands athlètes. Tu vois que si tu continues à persévérer, il n’y a pas de limite. Ce sont de mini-Jeux paralympiques. C’est unique. Expérimenter ça si jeune, la cérémonie d’ouverture, la flamme qui entre, un échauffement, des dignitaires qui viennent, c’est impressionnant. Ça se passe chez nous en plus. »

La suite

Quand Ouellet a choisi de faire du basketball sa vie, sa progression a été fulgurante.

Trois mois après avoir commencé le basket en fauteuil roulant, elle était invitée aux camps de l’équipe canadienne sénior. L’année suivante, elle intégrait l’équipe nationale. En 2008, elle participait à ses premiers Jeux paralympiques, à Pékin.

« J’avais 17 ans à mes premiers Jeux, raconte l’athlète qui vit à Québec. Je me souviens de mon entrée dans le stade. Tu vois où la flamme olympique est allumée. C’est impressionnant. Je me souviens d’avoir pensé que trois ans avant, je venais de recommencer à faire du sport. J’ai eu de bonnes personnes qui m’ont montré la voie. Tout le monde a des épreuves, et de m’être rendue là, je vais toujours en être fière. » 

Entre-temps, elle s’est exilée aux États-Unis grâce à une bourse d’études pour vivre à plein sa passion. Pas le choix, il n’existe pas de programme sport-études de basket en fauteuil roulant au Canada. Ouellet a passé cinq ans à l’Université d’Alabama, où elle a fait un bac et une première maîtrise en physiologie de l’exercice tout en jouant au niveau collégial.

Puis, elle a obtenu une autre bourse pour étudier à l’Université de Southern California à Los Angeles. Elle y a fait une deuxième maîtrise et commencé un doctorat en génie biomédical, qu’elle terminera à distance de Québec.

Nous voici donc en 2019, 18 ans après le moment fatidique. Celui qui aurait pu mettre fin à ses aspirations sportives, à son rêve de représenter son pays sur les plus grandes scènes. Plutôt que de se laisser abattre, Ouellet devrait participer en 2020 à ses cinquièmes Jeux paralympiques.

PHOTO FOURNIE PAR SKI DE FOND CANADA

Cindy Ouellet

C’est vrai, on a oublié de vous dire qu’elle fait aussi du ski paranordique l’hiver. Elle vise d’ailleurs les Jeux de 2022, qui seraient ses derniers. Elle aura réalisé plusieurs fois son rêve de petite fille. Et avec l’expérience acquise, elle est devenue une ambassadrice du sport paralympique qui n’hésite pas à raconter son histoire aux plus jeunes, dans les écoles, et aux moins jeunes, en entreprise.

« Au début, c’est dur, d’accepter ce qui t’arrive. La situation est différente pour tout le monde. Pour moi, je suis devenue à l’aise d’en parler quand j’ai accepté le pourquoi je suis en chaise, et le regard des autres qui peut être négatif. Ce regard négatif me pousse à vouloir informer les gens. Au début, ça m’a frustrée. Mais les gens ne savent pas comment t’approcher. Ce n’est pas leur faute si personne ne les éduque sur le sujet. Je me suis donné la petite mission de changer les choses positivement et de changer les perceptions. »