« L'AMA doit non seulement changer, mais elle doit le faire en profondeur et globalement », a prévenu James Carroll, un haut-fonctionnaire de la Maison-Blanche mercredi lors d'un sommet où sportifs, ministres et leaders de la lutte antidopage ont fait part de leur défiance à l'égard de l'Agence mondiale antidopage (AMA) après sa réintégration de la Russie.

C'est un symbole fort : les partisans d'un sport propre, hostiles à la levée de la suspension de la Russie, décidée le 20 septembre par l'AMA, ont été accueillis à la Maison-Blanche pour faire entendre leur voix.

Des représentants d'agences antidopage, des ministres des sports et de la jeunesse et des sportifs, venus des États-Unis, d'Australie, d'Allemagne, du Canada, de Norvège, de Grande-Bretagne et de Nouvelle-Zélande, n'ont certes pas été reçus par le président américain Donald Trump, mais ils ont publié, à l'issue de leurs discussions, la déclaration de Washington qui marquera, ils l'espèrent, un tournant.

« L'AMA doit être réformée pour être plus forte et plus responsable envers les sportifs propres afin que les gouvernements, l'opinion publique et les sportifs continuent à la soutenir et à croire en elle », indique le texte rendu public par l'Agence américaine antidopage (USADA), en première ligne dans ce qui ressemble de plus en plus à une guerre ouverte.

Désillusions et perte de confiance

« En raison de la crise russe et des désillusions au sein des sportifs et de l'opinion publique sur la gestion de cette crise, la confiance dans un sport propre est au plus bas. Les sportifs et les amateurs de sport à travers le monde ont perdu confiance dans l'engagement et la volonté de l'AMA de se battre pour les idéaux pour laquelle elle a été créée », poursuit cette déclaration.

Les signataires proposent cinq directions de réforme de l'AMA, notamment « l'engagement de gouverner de façon démocratique et transparente », « entreprendre de plus amples efforts pour écouter et respecter les voix des sportifs », en intégrant des sportifs au sein de son comité exécutif et une « refonte de façon significative et forte de sa structure de gouvernance ».

Sur le dossier russe spécifiquement, les signataires appellent l'AMA à observer « un processus clair et transparent sur l'accès aux échantillons et bases de données du laboratoire de Moscou » et à faire « une recommandation immédiatement après l'échéance du 31 décembre 2018 ».

L'AMA est dans la tourmente depuis qu'elle a levé le 20 septembre, lors de son comité exécutif, la suspension de la Russie, accusée d'avoir instauré un système de dopage d'État dans tous les sports entre 2011 et 2015.

« Une seule version de l'histoire »

L'AMA a réagi à ce sommet et cette déclaration en regrettant de « ne pas avoir été invitée ».

« N'étaient invités que ceux qui remettent en cause la gouvernance de l'AMA, parce qu'ils ne sont pas d'accord avec une décision démocratique prise par le comité exécutif de l'AMA à propos de la Rusada », l'agence russe antidopage, note l'AMA.

« Nous acceptons les débats et le droit des personnes à discuter et à inciter à des réformes, mais, malheureusement, il semble qu'une seule version de l'histoire a été entendue ce jour à Washington », a-t-elle conclu.

La Norvégienne Linda Helleland, ministre de la Jeunesse dans son pays et vice-présidente de l'AMA, a, elle, participé à ce sommet.

« Les sportifs ont entamé une marche pour la transparence, l'indépendance et le changement », a estimé Mme Helleland, qui sera en 2019 candidate à la succession de Craig Reedie à la tête de l'AMA.

« Nous avons besoin d'un régulateur international vraiment indépendant, libéré de tout conflit d'intérêts », a insisté de son côté la vedette de la natation mondiale Katie Ledecky.

À l'origine avec son époux, qui a longtemps travaillé pour l'Agence russe antidopage, des révélations sur l'étendue du dopage en Russie, l'ancienne spécialiste du demi-fond Yuliya Stepanova a fait part de son désarroi.

« Mon époux et moi, nous ne nous battons pas seulement contre le dopage, mais de plus en plus contre le Comité international olympique et l'AMA [...] On sait que l'AMA ne respecte pas ses propres règles alors qu'elle le demande aux sportifs », a-t-elle regretté.