La Cour suprême des États-Unis a provoqué un électrochoc dans le paysage sportif nord-américain, hier matin, en rendant un jugement favorable à la légalisation du pari sportif. Bien qu'il ne s'applique évidemment qu'aux États-Unis, ce jugement fera augmenter à très court terme la pression sur le gouvernement canadien pour en faire autant, selon des experts.

Qu'a décidé la Cour suprême américaine?

À six contre trois, les neuf plus importants juges américains ont invalidé une loi fédérale adoptée en 1992 qui interdisait aux États - à quelques exceptions près, dont le Nevada - d'autoriser les paris sportifs. Les 50 États américains seront donc maintenant en mesure d'adopter des lois en ce sens. La nature des paris tolérés et, surtout, l'identité de ceux qui pourront les accepter pourront donc varier d'un État à l'autre.

Plusieurs États avaient déjà commencé à écrire de nouvelles lois. On estime que plus d'une trentaine d'États pourraient rendre les paris sportifs légaux à court terme.

Est-ce que les Canadiens pourront parier aux États-Unis?

Si des États américains légalisent les paris, il y a fort à parier que les Canadiens qui se rendront sur place pourront y participer, estime Kevin J. Weber, avocat de la région de Toronto spécialisé dans les paris sportifs. «On le voit chaque fois que le gros lot de la loterie Powerball devient très élevé, des Canadiens se procurent des billets», rappelle-t-il.

Il est presque assuré, selon lui, que cette possibilité ne s'étendra toutefois pas aux paris par internet. «Si des États mettaient en place une structure par internet, non seulement ce serait géolocalisé aux États-Unis, ce serait sûrement géolocalisé à l'État lui-même», estime-t-il.

Parmi les États limitrophes du Québec, celui de New York est déjà bien avancé dans le processus de légalisation, ce qui pourrait inciter des amateurs de sports québécois à visiter Plattsburgh. Le Vermont, le Maine et le New Hampshire n'ont pas encore bougé significativement.

Les paris vont-ils devenir légaux au Canada?

Au Canada, les paris sportifs sont encore majoritairement interdits par le Code criminel. Les seuls paris acceptés - toutes les provinces ont une offre de ce genre - sont de type «parlay», c'est-à-dire qu'il est obligatoire de parier sur plus d'un événement à la fois. 

Ça a bien failli changer en 2012. Le projet de loi privé C-290, mis de l'avant par le député néodémocrate Joe Comartin, a été adopté par la Chambre des communes, avant d'être bloqué par le Sénat.

Le Nouveau Parti démocratique (NPD) a retenté le coup au tout début de la législature actuelle, avec le projet C-221. Celui-ci a toutefois été bloqué dès l'étape de la deuxième lecture, les députés libéraux ayant voté contre de façon importante, mais pas unanime.

«Mon impression, c'est qu'il va y avoir un effort renouvelé pour la légalisation au Canada. On va dire que l'industrie locale va perdre de l'argent qui va aller aux États-Unis», affirme Jeff Deverensky, directeur du Centre international d'études sur le jeu et les comportements à risque chez les jeunes de l'Université McGill.

C'est effectivement, à peu de choses près, le discours tenu par Paul Burns, président et directeur général de la Canadian Gaming Association. «Il est temps pour le gouvernement fédéral canadien d'agir, dit M. Burns. Il est illégal ici de parier sur un seul événement et il semble que ce soit ce que le public veut, à la lumière de ce qu'on voit dans les paris sur l'internet et ailleurs.»

Le député du NPD Brian Masse, auteur du projet C-221, estime lui aussi que la nouvelle d'hier est «très mauvaise pour le Canada». «Non seulement pour notre industrie du jeu, mais aussi pour celle du tourisme. Des endroits comme Windsor, Niagara Falls et Montréal vont devoir rivaliser avec d'autres endroits en mesure d'offrir des produits qui leur sont interdits», juge-t-il.

Qu'en pensent les ligues professionnelles?

Longtemps opposées aux paris par crainte des implications sur le trucage des matchs, les organisations sportives professionnelles ont assoupli leur position au cours des dernières années. «Maintenant, elles essaient de se négocier leur part plus qu'autre chose», estime Paul Burns.

La NBA et le baseball majeur ont officiellement pris position en faveur d'une nouvelle réglementation au début de l'année. Le baseball a même offert des formations à ses joueurs, entraîneurs et arbitres en début de saison.

De son côté, la LNH a offert hier une brève déclaration selon laquelle la décision d'hier «ouvre la voie à un paysage complètement différent» qui va la forcer à revoir ses pratiques, mais ne semble ni appuyer ni s'opposer à l'idée, du moins publiquement.

Le propriétaire des Capitals et des Wizards de Washington, Ted Leonsis, s'est pour sa part montré très enthousiaste. «Légaliser les paris sportifs va rapprocher les amateurs du match, augmenter l'action dans chaque minute et créer plus d'intensité, a-t-il affirmé dans une déclaration écrite. Cela va amener de nouveaux revenus dans l'économie, créer des emplois et agrandir la base de taxation. La décision d'aujourd'hui [hier] est excellente pour les amateurs de sports et je l'approuve avec enthousiasme.»