L'ex-médecin sportif Larry Nassar, accusé de multiples abus sexuels sur des jeunes gymnastes, finira ses jours en prison après avoir été condamné à une lourde peine dans un procès historique où les victimes, championnes comme anonymes, ont livré des témoignages poignants de leur vie brisée.

«Je viens de signer votre arrêt de mort», a lancé la juge Rosemarie Aquilina en prononçant une peine allant de 40 à 175 années de prison pour sept chefs d'inculpation. Cette sentence s'ajoute à une condamnation à 60 ans de réclusion pour pédopornographie, un autre volet de l'affaire qui a secoué le monde de la gymnastique américaine.

«Vous ne méritez pas de sortir un jour de prison», a expliqué la juge, estimant que «partout ou vous irez, les plus vulnérables seront détruits». Elle a plusieurs fois remercié les «survivantes» qui se sont succédé pour témoigner lors de ce procès hors-norme tenu à Lansing, au Michigan,et dont les derniers instants ont été diffusés en direct sur les chaînes d'information. La salle, comble, a applaudi quand elle a quitté le prétoire.

Au total, le tribunal a reçu près de 160 témoignages de victimes dont certaines, parmi les plus connues de la discipline, ont révélé avec émotion leur calvaire et la difficulté pour se reconstruire. Dans le sillage de l'affaire Weinstein, elles ont raconté les agissements d'un prédateur sexuel caché derrière l'image d'un ostéopathe bienveillant avec les athlètes.

«Il a volé à ses victimes leur innocence, il a menti sur son attitude et il a abusé les parents, la communauté et le monde entier de leur confiance dans les médecins», a déclaré la procureure Angela Povilaitis dans ses réquisitions.

Dans une courte déclaration, Larry Nassar s'est tourné vers ses victimes pour s'excuser de «la douleur, le traumatisme et la destruction émotionnelle» qu'il leur avait fait subir.

Le médecin, considéré comme un «faiseur de miracles», a pourtant agi en toute impunité pendant deux décennies, alors que l'Amérique dominait la gymnastique mondiale, jusqu'aux premières révélations en 2016.

L'affaire a fait tomber plusieurs têtes au sein de la Fédération américaine de gymnastique, USA Gymnastics, accusé d'avoir tardé à dénoncer les agissements de son coordinateur médical. Le comité national olympique (USOC), où Nassar a officié pendant quatre JO, va lancer une enquête indépendante pour «déterminer comment des abus d'une telle ampleur n'ont pas été détectés pendant aussi longtemps».

L'instance dirigeante du sport universitaire, la NCAA, a aussi ouvert une enquête sur la conduite de Larry Nassar au sein de l'équipe médicale de l'Université du Michigan (MSU), alors que plusieurs plaintes n'ont pas eu de suites.

À l'audience, Taylor Livingston, une gymnaste, a raconté son «combat quotidien» contre le sentiment de culpabilité de n'avoir pas révélé les abus à son père, décédé l'an dernier.

«En enfer»

«À ta mort, tu iras en enfer», a-t-elle lancé à l'accusé. «Mais avant, tu passeras devant mon père, qui sait maintenant ce que tu as fait... Et là, tu vas souffrir».

Une autre, Amy Labadie, a afirmé avoir «perdu toute joie de vivre».

Les plus grands noms de la gymnastique américaine contemporaine ont également raconté avoir subi, sans protester, les attouchements de l'ostéopathe lors de massages.

Le Dr Nassar a «profité de nos passions et de nos rêves», a lancé Aly Raisman, championne olympique aux Jeux de Londres et de Rio, aujourd'hui âgée de 23 ans. Ses coéquipières, Jordyn Wieber, Simone Biles, Gabby Douglas et McKayla Maroney, ont toutes révélé avoir été ses victimes.

«Tu m'as manipulée pour que je crois que tu étais gentil et que tu m'aidais pendant que tu m'agressais sexuellement, encore et encore et encore, pour ton seul plaisir sexuel tordu», a aussi dit au médecin Jamie Dantzscher, médaillée aux Jeux de Sydney.

Rachael Denhollander, la première à avoir accusé publiquement son agresseur et à l'avoir dénoncé à la police, a été la dernière à s'exprimer mercredi. Elle a raconté avoir subi «une agresssion sexuelle éhontée» à l'âge de 15 ans, alors que sa mère était dans la pièce. «Je me suis persuadée que c'était normal parce que j'avais cobnfiance dans les adultes autour de moi», a-t-elle expliqué.

Larry Nassar avait dit craindre pour sa santé mentale s'il était forcé d'écouter tous ces témoignages. La juge Aquilina avait répliqué, d'un ton indigné: «Passer quatre ou cinq jours à les écouter n'est rien du tout par rapport aux heures de plaisir que vous avez pris à leurs dépens, en détruisant leur vie».