Le gouvernement Trudeau met tout son poids dans la balance pour conserver les bureaux de l'Agence mondiale antidopage (AMA) et ses 80 emplois à Montréal.

À la demande du premier ministre Justin Trudeau, le ministre des Transports, Marc Garneau, se rendra à Paris en fin de semaine, en compagnie de la ministre des Relations internationales du Québec, Christine St-Pierre, afin d'appuyer les démarches de Montréal International pour convaincre les 12 membres du comité exécutif de l'AMA, qui se réunit dimanche dans la capitale française, de maintenir cette organisation dans la métropole québécoise.

En prévision de cette visite éclair à Paris, M. Garneau s'est déjà entretenu avec certains membres du comité exécutif - des ministres des gouvernements de l'Australie, du Japon, de la Pologne et de la Norvège, entre autres - au cours des derniers jours afin de plaider la cause de la ville de Montréal, selon des informations obtenues par La Presse.

Le maire de Montréal Denis Coderre, qui a exprimé son inquiétude de voir l'AMA emporter ses pénates ailleurs à au moins deux reprises au cours des derniers mois, participera également à cette mobilisation par vidéoconférence.

Certains membres du comité exécutif seraient enclins à proposer d'installer l'AMA dans une ville européenne, notamment à Lausanne, en Suisse, où se trouve aussi le Comité international olympique (CIO).

«Nous voulons tuer dans l'oeuf toute manoeuvre qui entraînerait le déménagement de l'Agence mondiale antidopage ailleurs en Europe. Et nous voulons le faire dès dimanche, si possible. Cette agence est importante pour Montréal et son rayonnement international», a indiqué à La Presse une source gouvernementale, qui s'exprimait sous le couvert de l'anonymat afin de pouvoir discuter plus librement de ce dossier.

Empêcher une relation «incestueuse»

Dans une récente sortie, le maire Denis Coderre a affirmé qu'il serait «incestueux» que l'AMA et le CIO se retrouvent dans la même ville, d'autant plus que l'AMA, une organisation indépendante, a le mandat de promouvoir, coordonner et superviser la lutte contre le dopage dans le sport, y compris en ce qui concerne les athlètes participant aux Jeux olympiques.

À Ottawa, on s'attend à ce que le comité exécutif de l'AMA soumette une recommandation dès dimanche aux instances dirigeantes de l'organisation. Pour illustrer l'importance qu'accorde le gouvernement Trudeau à ce dossier, M. Garneau travaille sur la stratégie fédérale de concert avec la ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, et le ministre des Sports et des Personnes handicapées, Kent Hehr.

«C'est Montréal International qui a préparé la présentation qui sera faite dimanche. Cela fait partie de son rôle. Mais c'est évidemment parce que Marc Garneau est un ministre de Montréal qu'il a pris la tête dans ce dossier du côté fédéral pour participer à la présentation qui aura lieu dimanche à Paris. En tant que gouvernement fédéral, on comprend le poids qu'on peut avoir au sein des instances olympiques. L'Agence mondiale antidopage n'est pas dans le mouvement olympique en tant que tel, mais la moitié des membres du comité qui se réunit en fin de semaine sont des membres du mouvement olympique», a indiqué notre source gouvernementale.

L'AMA est installée à Montréal depuis sa création, en 1999. En principe, cette organisation qui lutte contre le dopage dans le sport est à Montréal jusqu'en 2021, mais le gouvernement Trudeau et ses alliés souhaitent que l'AMA s'engage à demeurer dans la métropole pour la décennie suivante, soit jusqu'en 2031.

Cette offensive diplomatique menée par Ottawa, Québec et Montréal rappelle celle qui a été mise en branle par les trois ordres de gouvernement pour éviter que l'Organisation de l'aviation civile internationale, installé à Montréal, déménage au Qatar, en 2013.

Appui de la chef de mission

L'ancienne patineuse de vitesse sur courte piste et triple médaillée olympique Isabelle Charest a souligné hier l'importance pour le Canada de garder l'Agence mondiale antidopage à Montréal. «Le Canada a toujours été un précurseur dans la lutte contre le dopage. Nous avons donc l'expertise ici. Nous avons de grands noms qui y travaillent et qui ont fait en sorte que le dossier évolue. C'est donc important de garder cette organisation qui a eu le courage de mettre au jour un cas de dopage systémique en Russie. Il ne faut pas que cette organisation soit trop collée physiquement sur le Comité olympique international si elle veut garder son indépendance et sa crédibilité», a déclaré à La Presse Mme Charest, qui a été désignée par le Comité olympique canadien au poste de chef de mission d'Équipe Canada aux prochains Jeux olympiques d'hiver de PyeongChang, en Corée du Sud, en février 2018.

Photo Sean Kilpatrick, archives La Presse canadienne

Marc Garneau, ministre fédéral des Transports