Le dernier venu chez le Canadien, le gardien Ben Scrivens, n'est pas issu du même moule que ses pairs.

Lorsqu'il évoluait dans l'organisation des Maple Leafs de Toronto, ses coéquipiers l'avaient surnommé le Professeur, en raison de son érudition. À Los Angeles, prenant le nom des Kings au sérieux, il a fait inscrire sur son masque des citations de Shakespeare qui provenaient des rois Macbeth et Lear.

« J'aime me tenir à jour sur des sujets autres que le sport, précise celui qui défendra la cage du Tricolore, ce soir, contre les Flyers de Philadelphie. Il y a plusieurs nouveautés dans le domaine de la science qui sont intéressantes. Disons que je n'ai pas de pool de football ou de baseball... »

Autrement dit, vous ne le verrez pas perdre son temps à suivre les Kardashian.

« Je les méprise, mais en même temps, je suis obligé de reconnaître que ce sont des génies du marketing », répond Scrivens en gardant son sérieux.

Si l'on tient compte du diplôme de Princeton que peut brandir Mike Condon ainsi que des intérêts et de la personnalité de Scrivens - qui est lui-même diplômé de l'Université Cornell -, le Canadien se retrouve actuellement avec deux gardiens qui pourraient défendre une thèse tout aussi bien que le filet.

« À eux deux, ils ont un quotient intellectuel plus élevé que tout le reste de l'équipe réuni », s'est esclaffé le capitaine Max Pacioretty.

« On ne peut pas être si intelligents que ça, on passe nos journées à arrêter des rondelles ! », a répliqué Scrivens.

EN ATTENDANT PRICE

Le gardien de 29 ans obtient ce soir à Philadelphie un deuxième départ après celui contre les Panthers en Floride, 24 heures après que le Tricolore a fait son acquisition.

« Je l'avais trouvé confiant et solide devant la rondelle, a décrit Michel Therrien. C'était un match difficile, parce que c'était notre troisième en quatre soirs. »

Scrivens ignore le rôle qu'il finira par camper dans l'organigramme du Tricolore. Son contrat vient à échéance à la fin de la saison et il a jusqu'au retour de Carey Price pour se faire justice.

À propos de Price, d'ailleurs, Therrien a rappelé hier que l'équipe avait parlé d'une absence minimale de six semaines.

«On est rendu pratiquement là, a dit l'entraîneur-chef. Sa réadaptation va quand même bien, mais il n'est pas prêt à commencer à s'entraîner sur la patinoire. Je n'ai pas encore d'échéancier à donner, j'ai aussi hâte d'en avoir un que vous.»

Scrivens, qui a disputé 130 matchs dans la grande ligue, a donc encore du temps pour montrer qu'il a l'étoffe d'un gardien de la LNH.

QUAND ON EST BIEN APPUYÉ...

Scrivens est débarqué la semaine dernière dans l'environnement du Canadien en provenance de Bakersfield, la filiale des Oilers d'Edmonton dans la Ligue américaine. Une aide devant le filet était urgente. Mais si l'appât avait pour nom Zack Kassian - un joueur troublé sur qui le CH avait fait une croix -, on ne pouvait pas espérer Ben Bishop en retour.

Sauf que Scrivens, qui a vu sa carrière dérailler durant son séjour à Edmonton, pourrait s'avérer un projet de relance intéressant pour Stéphane Waite. En effet, lorsqu'il s'est retrouvé devant de bonnes défenses, l'Albertain a bien paru.

«C'est un système à six joueurs. Les avants doivent créer de la pression arrière, les défenseurs doivent maintenir une bonne distance avec les attaquants adverses et le gardien doit faire les arrêts. Tout ça entre en ligne de compte dans les statistiques.

«Quand j'ai quitté Los Angeles, mes chiffres ont piqué du nez. Quand Devan Dubnyk a quitté Edmonton pour le Minnesota, les siens ont grimpé en flèche. Quand Mike Smith est parti de Tampa - à l'époque où le Lightning avait des difficultés -, il s'est retrouvé à Phoenix. Et regardez Bryzgalov après être parti de là... Les statistiques ont toutes l'air interreliées. Si tu donnes moins de chances de marquer, tu risques de donner moins de buts.

«Cela étant dit, nous avons tous un rôle à jouer à l'intérieur de ce système, et il se peut que nos atouts aient des hauts et des bas. Mais ce n'est pas une excuse facile de dire que le fait de jouer derrière une bonne défense aide un gardien. Tous ceux qui regardent le hockey savent que c'est vrai.»

Ce qui est intéressant, c'est que Scrivens se retrouve maintenant avec une formation qui est réputée pour présenter un jeu défensif efficace...

COMPÉTITION INTERNE

À plus court terme, son défi sera d'égaler, sinon de surpasser, le rendement de Mike Condon.

«Il a été très bon à la Classique hivernale et il nous avait volé un match à Tampa Bay auparavant, a rappelé Scrivens. C'est de cela que l'équipe a besoin. Il me met de la pression pour que j'offre de bonnes performances et que je connaisse une bonne sortie. Si je peux faire de même et lui mettre de la pression à mon tour, c'est comme ça que l'équipe en bénéficiera.»

Scrivens était bien heureux d'annoncer en français que c'est lui qui serait devant le filet à Philadelphie. Il entend utiliser à fond l'application de traduction instantanée sur son téléphone pour rafraîchir ses leçons de français du secondaire.

«Je peux juste parler au présent», prévient-il.

Pas grave: les joueurs de hockey ne passent-ils pas leur temps à dire qu'il n'y a que le moment présent qui importe ?