On en parle depuis plusieurs années et le malheureux accident subi par Eugenie Bouchard nous l'a rappelé récemment, mais une nouvelle recherche scientifique semble confirmer que les athlètes féminines risquent davantage de subir une commotion cérébrale. Elles pourraient aussi présenter un plus grand nombre de symptômes et nécessiter une plus longue récupération.

Publiée dans le dernier numéro du Journal of Neurotrauma, l'étude a été rédigée par quatre chercheurs du Centre de recherche en neuropsychologie et cognition (CERNEC) de l'Université de Montréal. L'une des signataires, Émilie Chamard, est elle-même une joueuse de soccer de haut niveau qui a évolué pour les Carabins. «Je suis l'exemple d'une cordonnière mal chaussée, puisque j'ai moi-même subi plusieurs commotions, a-t-elle raconté hier en entrevue. Cela m'a sûrement rendue plus sensible à la question!»

L'étude qui vient d'être publiée s'intéresse aux changements dans la structure cérébrale de 18 athlètes féminines, 8 asymptomatiques et 10 ayant subi des commotions. «Nous avons utilisé des techniques d'imagerie médicale de pointe pour comparer les deux groupes et les résultats confirment la présence de changements sensibles dans le cerveau des victimes de commotion cérébrale», explique Mme Chamard.

Ces changements avaient aussi été mesurés dans des études portant sur des athlètes masculins, mais pas encore chez des femmes. L'étude du CERNEC, cosignée par Geneviève Lefebvre, Maryse Lassonde et Hugo Theoret, vient ainsi confirmer les risques encourus par les athlètes féminines.

«On savait déjà que certaines caractéristiques physiologiques au niveau du cou et du cerveau rendent les femmes plus sensibles aux commotions cérébrales, souligne Mme Chamard. Plusieurs études semblent aussi indiquer qu'elles ont un plus grand nombre de symptômes et qu'elles nécessitent souvent une plus longue période de récupération.»

Être honnête

La chercheuse rappelle qu'il faut être prudent avant de tirer des conclusions sur le plan des comparaisons entre les athlètes des deux sexes, notamment, mais elle insiste sur l'importance d'être à l'affût en matière de commotions cérébrales.

«On sait que les femmes ont plus tendance à rapporter une commotion que les hommes - ce qui fausse un peu les statistiques -, mais trop d'athlètes omettent encore de dire qu'ils sont blessés. Les risques augmentent pourtant de façon exponentielle quand on subit une autre commotion.»

Émilie Chamard avoue être devenue beaucoup plus vigilante quand elle pratique un sport. «Il est tout à fait possible de revenir au jeu après une commotion cérébrale sans ressentir aucun symptôme, à condition bien sûr de prendre tout le temps nécessaire à la pleine récupération», explique-t-elle.

Bien qu'elle ne puisse commenter le dossier médical d'Eugenie Bouchard, faute d'y avoir eu accès, l'étudiante au doctorat s'intéresse évidemment à la blessure de la joueuse de tennis. «Dans son cas, on parle d'un accident, et les risques qu'elle subisse une autre commotion sont peu élevés compte tenu du fait qu'elle ne pratique pas un sport de contact, explique la chercheuse.

«Elle doit toutefois bien respecter la période de récupération et vraiment attendre que tous les symptômes soient disparus avant de reprendre ses activités, rappelle Émilie Chamard. Comme tous les athlètes victimes de commotion, c'est important d'être honnête envers soi-même et envers les autres. On ne veut pas perdre sa place, perdre son poste, mais on oublie qu'on risque de perdre bien plus.»