À ce temps-ci de l'année, nombreux sont ceux qui s'envolent vers le Sud afin de fuir les rigueurs hivernales et se réchauffer au soleil pour quelques jours. Frédéric Dion est lui aussi en voyage dans le Sud ces jours-ci. Mais sa destination n'est pas exactement la plus chaleureuse.

L'aventurier et conférencier québécois de 37 ans est devenu hier la toute première personne à atteindre le centre de l'Antarctique - le pôle Sud d'inaccessibilité - en solitaire. Parti de la base russe de Novolazarevskaya le 10 novembre, muni de ses skis à traction, il a parcouru pas moins de 2100 km avant d'atteindre son objectif.

«C'est une belle joie, une belle fébrilité. C'est un projet sur lequel j'ai travaillé depuis des mois. Sur le terrain, j'ai donné tout ce que j'avais», s'est-il réjoui en entrevue avec La Presse.

«C'était un peu usant par moments, enchaîne-t-il. Je disais à tout le monde que lorsque j'arriverais au pôle Sud d'inaccessibilité, il n'y aurait pas de feux d'artifice. C'était juste un objectif qui donnait un sens à chacun de mes pas et qui permettait de me rendre jusque-là.»

Nombreuses embûches

La traversée de Frédéric Dion n'avait rien d'une promenade. Bien au contraire. Son parcours a été parsemé d'embûches, qu'il s'agisse de l'incendie de sa tente ou de son traîneau qui a rendu l'âme après une série de bris, et qu'il a dû réparer tant bien que mal.

«C'était clair dans ma tête qu'il n'y avait pas grand-chose qui allait m'empêcher de me rendre, assure-t-il. (...) C'était clair pour moi que je n'abandonnerais pas aux premières grandes difficultés.»

Et ça, c'est sans compter les vents de 150 km/h et le froid extrême. Lorsque La Presse s'est entretenue avec lui, hier midi, la température ressentie à l'extérieur était d'ailleurs de -47°C.

«Ce sont les météorologues de Météomédia qui me donnent la météo, car mes thermomètres indiquent jusqu'à -35°C. Après ça, je n'ai plus rien. Ils sont pas mal toujours accotés», décrit-il.

Pénible éloignement

Mais le plus difficile n'a rien à voir avec les conditions climatiques. Pour lui, c'est le fait d'être séparé de sa femme et de leurs deux filles, âgées de 3 et 6 ans, qui est le plus pénible à supporter.

«J'en ai pleuré, et plus d'une fois, admet-il. Ça faisait longtemps que je n'étais pas parti plus de deux semaines. La difficulté psychologique d'être loin de mes enfants, de ceux que j'aime, de ma femme... Je savais que je passerais à travers, mais ce fut quand même le plus difficile.»

Frédéric Dion a peut-être atteint son but, mais son odyssée polaire n'est pas près de s'achever pour autant. Il souhaite désormais se rendre jusqu'au pôle Sud. Un trajet de quelque 900 km.

Lorsqu'on lui demande ce qu'on peut lui souhaiter pour le reste de son voyage, sa réponse ne tarde pas à venir.

«Si tu veux me souhaiter quelque chose, souhaite-moi du vent (pour avancer). Tu vas voir ce que je suis capable de faire avec du vent!», lance-t-il avec confiance.