Lors des premiers championnats du monde de CrossFit en 2007, à peine 70 athlètes avaient tenté d'y participer. Cette année, ils étaient près de 210 000. À une semaine des jeux mondiaux 2014, les Reebok CrossFit Games, qui se tiendront en Californie, La Presse vous présente ce sport en pleine expansion et quatre Québécois qui participeront à la compétition, qui ne vise rien de moins qu'à couronner «l'homme et la femme les plus en forme de la planète».

Depuis son invention au début des années 2000, le CrossFit a connu une croissance fulgurante. Le nombre de participants a crû de plus de 400% au cours des trois dernières années. Le magazine Forbes affirmait même l'été dernier qu'il s'agit de l'un des sports en plus forte croissance aux États-Unis.

Cette année, la marque rapportera plus de 100 millions de revenus à l'entreprise, dont l'unique actionnaire est l'Américain Greg Glassman, le mythique fondateur du CrossFit, surnommé «Coach» dans le milieu. Mais qu'est-ce que le CrossFit?

«C'est tellement difficile à expliquer! Ce sont des répétitions de mouvements qui te servent dans la vie de tous les jours», résume Camille Leblanc-Bazinet, qui participera cette année à ses cinquièmes jeux mondiaux de CrossFit.

L'objectif du CrossFit est de préparer les athlètes à faire face à n'importe quelle épreuve physique. «Notre spécialité est de ne pas se spécialiser», aime dire l'entreprise.

Les entraînements de CrossFit consistent en une série de mouvements fonctionnels faits à haute intensité. Même si certains exercices reviennent souvent, comme les pompes, les pull-ups et les squats, les mouvements demandés varient constamment et doivent être faits de façon intensive et rapide. Les participants peuvent être appelés à effectuer des push-ups la tête en bas, grimper une corde, faire de la corde à danser, du rameur... Les possibilités sont infinies.

«C'est un mélange de musculation, d'haltérophilie et d'entraînement cardiovasculaire», résume François Lecot, kinésiologue à l'Université de Montréal.

Athlète de haut niveau en CrossFit, Michèle Letendre décrit son sport comme suit: «L'objectif, c'est de faire le plus de travail, le plus rapidement possible.»

Une secte?

De l'avis de plusieurs amateurs de CrossFit, ce sport est «comme une drogue». «Dès que j'ai fait un premier entraînement de CrossFit, je n'ai jamais plus rien voulu faire d'autre», affirme Paul Tremblay, qui participera aux jeux mondiaux de CrossFit cette année.

Quand on lui fait remarquer que certains disent que le CrossFit est comme une secte, Michèle Letendre hausse les épaules. «C'est un sport qui aide les gens à être bien. Je ne vois pas en quoi c'est mal», dit la jeune femme qui est classée deuxième dans l'Est du Canada.

Paul Tremblay partage cette vision: «C'est une obsession qui te rend en santé. C'est une secte qui te fait du bien. Où est le problème? Je comprends que ça peut être tannant pour les gens de l'extérieur. Car c'est vrai qu'on est intenses. Mais les gens de triathlon sont pareils!»

Entraîneur à Reebok CrossFit YUL, Mike Deboever explique que la grande popularité du CrossFit est surtout liée à la communauté qui se crée autour du sport. «On vit quelque chose d'intense tous ensemble. Les gens se soutiennent. Tant les athlètes de haut niveau que les débutants. C'est la force du sport», dit-il.

De plus en plus d'adeptes

Preuve que le CrossFit est très attrayant, le nombre d'adeptes ne cesse d'augmenter. «Quand j'ai ouvert mon gymnase à Ottawa il y a un an et demi, il n'y avait que quatre gymnases dans la ville. Là, il y en a 14», note Paul Tremblay.

Le kinésiologue François Lecot note aussi que de plus en plus de gens se tournent vers le CrossFit plutôt que vers l'entraînement de musculation en salle.

«Le sport est même devenu super populaire en Asie. C'est fou comme ça évolue rapidement, affirme Camille Leblanc-Bazinet. Les billets pour les jeux du monde ont été écoulés en une heure. L'événement sera diffusé en direct à ESPN. Le sport gagne en popularité. Chez les femmes aussi. Et je trouve ça bien. Les athlètes de CrossFit dégagent une image de femmes fortes et confiantes.»

Depuis 2011, la compagnie Reebok s'est associée à CrossFit pour une durée de 10 ans. Depuis, l'entreprise a développé des souliers et des vêtements spécifiquement pour les adeptes de CrossFit. Directeur de comptes pour Exacto, l'agence de création de Reebok, Bernard Côté affirme que les ventes des articles CrossFit n'ont cessé de croître depuis leur lancement, qualifiant la croissance du sport de «fulgurante».

Sport dangereux?

La popularité du CrossFit ne fait toutefois pas l'unanimité. Depuis quelques années, différentes critiques ont été soulevées, notamment sur le fait que les gens qui pratiquent ce sport peuvent se blesser plus facilement.

Greg Glassman n'a jamais caché le fait que la discipline est exigeante. Mais, il a toujours assuré que les risques ne sont pas plus élevés que dans des sports comme le rugby ou le ski alpin.

Une des mascottes non officielles du CrossFit est tout de même Rhabdo, un clown dont les reins sortent du corps, faisant référence à la rhabdomyolyse. Au cours des dernières années, de rares cas d'athlètes ayant souffert de rhabdomyolyse après avoir fait du CrossFit ont fait les manchettes. La rhabdomyolyse survient parfois lors d'un entraînement trop intense et consiste en la destruction rapide de cellules musculaires qui contaminent ensuite le sang, ce qui peut provoquer un arrêt cardiaque, voire la mort.

Une étude publiée en novembre dans le Journal of Strength and Conditioning Research mentionne que le taux de blessures au CrossFit est de 3,1 par 1000 heures d'entraînement, soit environ le même que pour des activités comme l'haltérophilie et la gymnastique, et moins que pour des sports comme le rugby. Aucun cas de rhabdomyolyse n'a été enregistré sur les 132 dossiers étudiés par les chercheurs.

Les détracteurs du sport estiment néanmoins que les petites formations d'une fin de semaine données aux entraîneurs de CrossFit ne suffisent pas à superviser de façon adéquate les adeptes, qui doivent parfois soulever de lourdes charges dans des mouvements d'haltérophilie où la technique devient cruciale.

L'entraîneur Mike Deboever reconnaît qu'il s'agit d'un sujet délicat. «Le CrossFit a bouleversé le monde du fitness en permettant à des entraîneurs sans grande formation de percer le milieu. C'est bien. Mais certains entraîneurs sont moins bons. Les meilleurs connaissent leurs faiblesses et vont chercher des compléments de formation où ils ont besoin», dit Deboever, qui a une formation en kinésiologie.

«Comme dans toute pratique d'activité physique, il y a un risque de blessure. Il faut simplement respecter notre charge d'entraînement pour ne pas se blesser», estime M. Lecot. Ce dernier mentionne que le CrossFit «pardonne moins» que d'autres sports. «Si je dépasse mes capacités en faisant trop de marche, je ne me ferai pas le même genre de blessure que si je pousse trop au CrossFit en soulevant des charges trop lourdes, trop vite, trop souvent, illustre-t-il. Il faut juste en être conscient, et je pense que la sensibilisation à ce sujet s'améliore beaucoup dans le milieu du CrossFit.»

«Ce qu'il faut retenir, c'est de pratiquer le CrossFit en respectant ses limites. Si on fait ça, tout le monde peut faire du CrossFit», affirme Michèle Letendre, qui travaille également comme entraîneuse au gymnase l'Abattoir CrossFit Plateau à Montréal.

Les Reebok CrossFit Games

> Participants

Au nombre de 550, ils sont inscrits dans différentes divisions en fonction de leur âge, la principale catégorie regroupant les athlètes de 40 ans et moins. Il existe également une catégorie «par équipe». Une équipe de Montréal, Pro1 Montréal, participera cette année à la compétition.

> Épreuves

Les épreuves que devront accomplir les athlètes lors des jeux du monde ne seront dévoilées qu'à la toute dernière minute par les organisateurs, qui estiment que tout cela «fait partie de l'ambiance du CrossFit qui est de se préparer à l'imprévisible». Le kinésiologue François Lecot mentionne que les CrossFit Games sont l'équivalent d'un «décathlon de la musculation». «Les participants doivent faire réaliser plusieurs épreuves et récoltent un certain nombre de points pour chacune», résume-t-il.

> Prix aux gagnants

275 000$ pour la première place chez les hommes et les femmes de la catégorie principale.

> Athlètes à surveiller

Chez les hommes, l'Américain Rich Froning a gagné les trois derniers CrossFit Games et est encore une fois dans les favoris cette année. Chez les femmes, l'Anglaise Samantha Briggs, qui avait remporté l'épreuve l'an dernier, n'est pas parvenue à se qualifier cette année. L'Islandaise Annie Thorisdottir, qui avait gagné les championnats mondiaux en 2011 et 2012, mais qui a dû s'absenter l'an dernier pour soigner une blessure à l'épaule, est de retour cette année.

> Comment se qualifier?

Pour participer aux Reebok CrossFit Games, il faut franchir différentes étapes de qualification. Cette année, près de 210 000 personnes étaient inscrites pour la première qualification. Elles ont dû disputer une série d'épreuves sur cinq semaines et enregistrer leurs scores sur le site de CrossFit.com. Les athlètes ayant fourni le meilleur rendement durant cette première qualification ont été invités aux championnats régionaux, qui ont eu lieu dans 17 régions du monde ce printemps, de l'Asie à l'Australie en passant par l'Europe. Selon les régions, seuls les deux ou trois meilleurs athlètes des championnats régionaux ont finalement obtenu leur laissez-passer pour les Crossfit Games.