Des conditions météorologiques d'une rare sévérité ont eu raison de son éolienne, de son ancre, de son cellulaire, de son antenne VHF et de ses huit paires d'avirons. Mais la détermination de Mylène Paquette a survécu aux intempéries. La jeune femme a franchi sa ligne d'arrivée mardi, à 11h09, après 129 jours d'une éprouvante et solitaire traversée de l'Atlantique.

Son monocoque jaune, dont la couleur a pâli depuis son départ de Halifax, il y a quatre mois, a été remorqué sur une soixantaine de milles marins, jusqu'à la rade du port de Lorient, où la jeune femme a retrouvé ses parents et sa soeur Evelyne, venus à sa rencontre en bateaux Zodiac.

«Je veux toucher ma soeur», s'est écriée Mylène Paquette lorsque l'embarcation transportant ses proches s'est approchée du Hermel, le bateau de 7,3 m dans lequel elle a vécu depuis le 6 juillet dernier. Les deux jeunes femmes se sont serré les mains dans un émouvant geste de retrouvailles.

Mylène Paquette a ensuite donné quelques ultimes coups de rames, avant de retrouver la terre ferme. Ses pieds lui faisaient mal et ses jambes, affaiblies par 129 jours de quasi-immobilité, tremblaient sous son poids. La jeune femme émergeait de quelques journées particulièrement difficiles, au cours desquelles elle avait presque épuisé ses batteries, au propre comme au figuré.

Le manque d'électricité, dû au bris de l'éolienne, fracassée lors de la dernière des sept tempêtes qu'elle a affrontées au cours de son périple, a accentué son isolement au cours de la dernière semaine. Plus grave, elle ne pouvait plus traiter l'eau de la mer et a souffert de déshydratation. Une intoxication au monoxyde de carbone et une fuite de butane se sont aussi ajoutées aux épreuves des derniers jours, au cours desquels elle a souffert de maux de tête, de fièvre et d'infection urinaire.

Les joies du retour sur terre

Mais mardi, ces maux étaient déjà derrière elle. Et Mylène Paquette pensait aux premières joies de son retour sur terre. C'est-à-dire, dans le désordre: du champagne, de vraies toilettes et... une salade de fruits à la crème fouettée.

«Ça fait du bien de savoir que je vais dormir en sécurité», a dit la rameuse en montant sur le quai du port de Lorient.

Traverser l'Atlantique à la rame est un exploit rare. Mardi, Mylène Paquette est devenue la treizième personne et la première Nord-Américaine à avoir relevé ce défi. L'aventure s'est avérée plus difficile qu'elle ne l'avait imaginé. Pendant les 60 premiers jours, les conditions climatiques l'ont souvent réduite à l'inaction et elle a passé des semaines à essayer d'atteindre le Gulf Stream. À un moment, elle a failli céder à la frustration et a flirté avec l'idée de mettre le cap sur Terre-Neuve. Mais les courants ne lui ont pas permis de rebrousser chemin. Alors, elle a continué.

Pendant ces 5000 km de traversée solitaire, elle a connu quelques moments de découragement. Des moments où elle se demandait ce qu'elle faisait là, toute seule, loin de sa famille, face à des vagues qui formaient des murs hauts comme des immeubles de cinq étages. Mais il y a eu aussi des moments magiques. Et quand ils ne se présentaient pas tout seuls, elle les créait elle-même, en faisant... des bulles de savon.

La mère de la rameuse, Jocelyne Bellemare-Paquette, se disait soulagée et fière en retrouvant sa fille, mardi. Au cours des quatre derniers mois, elle s'est souvent inquiétée. Une de ses craintes, c'est que Mylène souffre de froid et doive se faire amputer les doigts, a confié la sexagénaire, qui est elle-même assez athlétique et pratique les arts martiaux.

De nouvelles aventures

Mais il n'est pas sûr qu'elle pourra retrouver la sérénité pour longtemps. Mylène Paquette concocte déjà de nouvelles aventures, dont elle ne veut pas révéler les détails avant d'en avoir parlé avec sa famille. Ce qui est sûr, c'est qu'il s'agira encore une fois d'un exploit nautique. Et que cette fois, elle troquera les avirons pour la voile.

D'ici là, elle doit refaire ses forces. Elle projette aussi de raconter sa traversée de l'Atlantique dans un livre.

Plus jeune, Mylène Paquette avait tendance à ne pas terminer ce qu'elle entreprenait. Il fallait pousser fort pour l'inciter à compléter ses devoirs, a confié sa mère, mardi. Partie de Halifax le 6 juillet, Mylène Paquette a chaviré 10 fois, sanglée dans ses courroies. Elle a croisé des baleines, affronté sa peur de l'eau pour nettoyer la coque de son bateau. Elle a mis plus de temps que ce qu'elle avait prévu, mais mardi, elle a bouclé un rêve auquel elle aura consacré cinq ans de sa vie.