C'est aujourd'hui qu'une vingtaine de marins prendront le départ du septième Vendée Globe, la célèbre course à la voile autour du monde en solitaire, sans escale et sans assistance. Les plus rapides devraient être de retour aux Sables d'Olonne dans environ 80 jours, fin janvier 2013.

Au Québec, l'évocation de cette épreuve mythique rappelle évidemment la tragique disparition de Gerry Roufs, en janvier 1997, victime d'une tempête alors qu'il naviguait dans le Pacifique Sud en direction du Cap Horn. La coque retournée de son voilier avait été retrouvée quelques mois plus tard près de la côte chilienne.

Un autre Canadien, Derek Hatfield, a eu plus de chances lors de la dernière course, en 2008, lorsque son Spirit of Canada a chaviré à 1000 milles des côtes australiennes. «Mon voilier a effectué un tour complet en pleine nuit alors que je dormais», a expliqué en entrevue le marin de la Nouvelle-Écosse, la semaine dernière.

«Le mât était trop abimé pour continuer et j'ai dû m'arrêter en Australie... Ce n'était évidemment pas le résultat que je recherchais et j'espère avoir la chance de disputer à nouveau cette épreuve. La prochaine fois, je souhaite aller jusqu'au bout. J'ai fait d'autres courses autour du monde, très exigeantes elles aussi, mais celle-ci est spéciale.

«Avec sa formule - un homme, un voilier, le tour du monde sans s'arrêter et sans aucune assistance - le Vendée Globe est une course très pure.»

Le Vendée Globe est surtout un formidable test d'endurance, autant pour les marins que pour les voiliers. Lors de la dernière course, seulement 11 des 30 concurrents ont rallié l'arrivée. Plusieurs concurrents avaient dû rebrousser chemin quelques heures seulement après le départ pour réparer les avaries causées par une formidable tempête dans le golfe de Gascogne. Hatfield était du lot.

«L'aventure commence vraiment dès qu'on a quitté le port. On ne sait jamais ce qui nous attend et il faut être prêt à tout affronter. Quand je suis reparti, j'ai réussi à rattraper quelques concurrents et je croyais pouvoir aller jusqu'au bout... jusqu'à cette nuit au large de l'Australie.»

Comme un marathon

Malgré sa mésaventure, Hatfield relativise les dangers du Vendée Globe. «Les voiliers de la classe Imoca (monocoque de 60 pieds) sont très sécuritaires, estime l'expérimenté marin âgé de 60 ans. Les risques de l'épreuve viennent surtout du parcours, qui nous amène dans les mers du Sud, et de la météo.»

L'introduction de points de passage empêche maintenant les concurrents de descendre trop près de la zone des icebergs. Quant à la météo, les concurrents sont informés quotidiennement de l'évolution des systèmes et peuvent adapter leur route au besoin.

«On sait au départ qu'il va y avoir des tempêtes, souligne Hatfield. Et tout ce qu'on peut faire, c'est de les affronter une à la fois! Cela dit, la course s'apparente beaucoup à un marathon. Pour la plupart des concurrents, l'important est de trouver un rythme et une routine qui seront assez rapides pour bien figurer, mais assez sûrs pour ne pas abîmer le bateau.

«C'est évidemment différent pour les meneurs, insiste toutefois le marin canadien. J'ai une admiration sans bornes pour les vainqueurs et ceux qui jouent la victoire. Il faut vraiment des qualités exceptionnelles, un brin de folie et beaucoup de chance pour pousser ces voiliers hyper performants à leurs limites pendant près de trois mois...»

Et Hatfield ne doute pas que le rythme des favoris sera particulièrement rapide cette année avec la perspective de battre la fameuse marque des 80 jours.

Le marin canadien espère donc être à nouveau sur la ligne de départ, dans quatre ans. Et il aimerait aussi aider d'autres jeunes skippers canadiens à vivre l'aventure. «C'est l'un des buts du programme Spirit of Canada, que nous avons mis sur pied à Mahone Bay, en Nouvelle-Écosse», explique Hatfield.

«J'ai dû vendre le voilier avec lequel j'avais fait le Vendée Globe - pour payer les factures... -, mais nous avons deux 60 pieds performants et nous espérons trouver les ressources pour contribuer au développement du sport au Canada.»

«Le problème sera plus de finir...»

Vainqueur du Vendée Globe en 2004-2005, le Français Vincent Riou est encore le grand favori cette année à bord de ce que plusieurs considèrent comme le bateau le plus rapide de la flotte. Le marin de 40 ans sait toutefois que rien n'est acquis dans cette épreuve exigeante.

Lors du dernier Vendée Globe, il avait été forcé à l'abandon après un démâtage survenu pendant qu'il portait secours à son compatriote Jean Le Cam, près du Cap Horn. Les organisateurs l'avaient finalement classé à la troisième place, celle qu'il occupait lorsqu'il s'est dérouté pour aller au secours de son ami.

«Si je finis, je ne serai pas loin du podium ou sur le podium, a confié Riou, la semaine dernière, lors d'une conférence téléphonique. Le problème sera plus de finir et avec tout ce que j'ai déjà vécu, j'ai forcément des craintes...»

Toujours parmi les plus rapides, Riou et son voilier PRB ont accumulé les malchances au cours des dernières saisons. «Dans notre métier, il faut savoir être fataliste, explique-t-il. L'aventure peut s'arrêter vite pour des choses qu'on ne peut absolument pas maîtriser. Si on commence à se rendre malade avec ça, on n'y arrive pas.»

S'il reconnait avoir le meilleur bateau «dans beaucoup de conditions», Riou ne doute pas que d'autres concurrents sont en mesure de lui disputer la victoire. «Parmi les marins compétents, qui ont tous les atouts entre leurs mains pour gagner sans coup de pouce du destin, il y a Banque Populaire avec Armel (Le Cléac'h), Macif avec François (Gabart), Virbac avec Jean-Pierre (Dick).»

Riou s'est préparé comme jamais il ne l'avait fait auparavant. «À mon âge, on ne peut plus compter que sur son énergie pour réussir à se battre avec les autres. J'avais

33 ans quand j'ai fait mon premier Vendée Globe et je ne me posais pas ces questions-là. Je m'entraîne de manière intensive depuis déjà six ans maintenant, j'ai perdu 10 kilos en trois ans...»

À côté du Français et des quelques favoris, le plateau du septième Vendée Globe compte aussi une femme, la Britannique Samantha Davies (4e en 2009) et les vétérans Jean-Pierre Dick et Mike Golding, qui prendront part à l'épreuve pour la quatrième fois, ce qui égalera le record détenu par les Français Marc Thiercellin et Rafael Dinelli.

Le parcours

L'introduction de points de passage, qui empêche les concurrents de descendre trop au sud, dans les océans Indien et Pacifique, a allongé le parcours par rapport à celui de la première épreuve du Vendée Globe. Lors de la dernière course, Vincent Desjoyeaux a parcouru 28 303 milles nautiques, près de 3000 de plus que Titouan Lamazou en 1989-1990. Il a toutefois navigué à la vitesse moyenne de 14 noeuds, contre 9,7 noeuds pour Lamazou.

Les bateaux

Les voiliers de la classe Imoca sont des monocoques de 60 pieds (18,29 m) avec un tirant d'eau maximal de 4,5 m. Ils peuvent avoir cinq appendices - safrans, quilles basculantes, dérives - sous l'eau. La surface de voile peut atteindre 330 m2 au près et 800 m2 au portant.

La coque doit avoir cinq cloisons étanches et la cabine est réduite à sa plus simple expression. Le siège du skipper est aussi souvent sa couchette (le sommeil, habituellement en plusieurs petites périodes, est très important). Il n'y a évidemment pas d'eau courante et la toilette des marins est réduite à sa plus simple expression...

Le Vendée Globe en chiffres

13

Il y a avait bel et bien 13 concurrents lors de la première présentation de la course en 1989. Ils étaient 30 (un record) lors de la dernière épreuve.

7

Sept femmes ont pris part au Vendée Globe, la plus performante ayant certes été la Britannique Ellen MacArthur, deuxième en 2001, à tout juste une journée du vainqueur.

62

Le concurrent le plus âgé, l'Espagnol Jose de Ugarte, avait 62 ans en 1993 quand il a pris le sixième rang du deuxième Vendée Globe. Ellen MacArthur a été la plus jeune concurrente à 24 ans.

163

Le concurrent le plus lent de l'histoire du Vendée Globe, le Français Jean-François Coste, a passé plus de 163 jours en mer lors de la première présentation de la course en 1989-1990.

2

Deux concurrents sont disparus en mer: le Britannique Nigel Burgess, retrouvé noyé au large de l'Espagne quelques jours après le départ en 1992, et le Canadien Gerry Roufs, disparu dans le Pacifique Sud en 1997.

La course en direct

Le site du Vendée Globe, très complet, permet de suivre la course pratiquement en direct. Des applications sont également disponibles pour les différents supports mobiles. Plus de 100 000 amateurs se sont inscrits au Vendée Globe virtuel.