La défaite est amère. Mais il arrive qu'elle devienne une voie vers la rédemption, une étape vers la victoire finale. Le «perdant» devient ainsi au bout de ses efforts un «gagnant», mais il garde toujours les marques de ses années de peine et de misère. Tous les sports ont leurs exemples de champions tardifs et leurs histoires sont souvent les plus belles. Dernier volet de notre série sur l'expérience de la défaite.

«J'ai senti que le public du Forum partageait sincèrement ma joie. Qu'il comprenait à quel point cette victoire était importante pour moi et qu'elle venait couronner toute une carrière. Et ce, même si nous avions battu le Canadien!»

Lanny McDonald avait 36 ans en 1989 quand il s'est retrouvé en finale de la Coupe Stanley avec les Flames de Calgary. Le vétéran à grosse moustache avait connu une belle carrière à Toronto, avec Darryl Sittler, mais le duo n'avait jamais pu mener les Maples Leafs à la Coupe Stanley et avait fini par être chassé par le propriétaire, Harold Ballard.

En 1989, McDonald n'était plus un joueur dominant, mais il avait quand même atteint les plateaux de 500 buts et 1000 points en carrière. La saison était visiblement sa dernière.

«C'était difficile parce que je ne jouais plus régulièrement, a rappelé McDonald récemment en entrevue. Je voulais quand même aider l'équipe et je savais que j'aurais une chance en série...»

On se souvient que McDonald avait marqué un but décisif dans le sixième match et qu'il avait ensuite reçu la Coupe au milieu de la patinoire du Forum. «Nous étions la première équipe adverse à remporter la Coupe à Montréal, je crois, a raconté McDonald. Je n'ai jamais été aussi en paix avec moi-même. C'est dommage que tous les joueurs n'aient pas la chance de remporter la Coupe Stanley, surtout à leur dernière saison.»

Quelques autres ont eu cette chance, mais aucun n'a suscité une plus grande vague de sympathie que Raymond Bourque.

Le défenseur étoile en était à sa 21e saison avec les Bruins de Boston, en 2000, quand l'équipe l'a échangé à l'Avalanche du Colorado afin de lui offrir une chance d'enfin enlever la Coupe Stanley. Battu en sept matchs en finale d'Association, l'Avalanche avait convaincu Bourque de disputer une 22e saison.

Contre toute attente, le vétéran de 40 ans a connu l'une des meilleures campagnes de sa carrière et il a été l'un des joueurs clés du triomphe de l'Avalanche, en finale, contre les Devils du New Jersey. Encore aujourd'hui, Bourque peine à trouver les mots pour exprimer sa satisfaction.

«Dans les derniers instants du match, j'avais de la difficulté à retenir mes larmes, s'est-il rappelé récemment en entrevue. Cela avait été difficile pour moi d'accepter la transaction, à cause de ma famille surtout. Ils étaient tous là à la fin pour partager ce moment et j'étais vraiment très ému.»

L'importance du sacrifice

«Un joueur plus âgé est sans doute prêt à sacrifier davantage afin de remporter un championnat quand c'est tout ce qui manque à son palmarès», explique Doc Rivers, l'entraîneur des Celtics de Boston.

Photo: AP

Raymond Bourque a soulevé la Coupe avec l'Avalanche du Colorado.

En 2008, les Celtics ont réuni trois des plus grandes vedettes de la NBA, Paul Pierce, Kevin Garnett et Ray Allen. Plusieurs fois joueurs étoiles, assurés d'être élus au Temple de la renommée du basketball, les trois joueurs n'avaient toujours pas de championnat même s'ils avaient tous franchi le cap de la trentaine. Les deux derniers avaient dû approuver les transactions qui les amenaient à Boston et ne l'avaient fait que parce qu'ils croyaient en leurs chances de réaliser leurs rêves.

«On a dit et écrit beaucoup de choses sur cette saison, mais ultimement, tout dépendait de la volonté réelle des trois joueurs de se sacrifier pour l'équipe, a expliqué Rivers il y a quelques semaines en entrevue téléphonique. Je les ai réunis dans mon bureau, très tôt un matin quelques jours avant le camp d'entraînement, pour mettre les choses au point.

«Vous, les vedettes, dites toujours que vous êtes prêts à vous sacrifier pour l'équipe, mais c'est de la bullshit, leur ai-je lancé. Vous allez croire que j'exagère, mais c'est vraiment votre dernière chance de gagner. La saison prochaine, vous serez trop vieux, trop blessés, trop fatigués. C'est cette année qu'il faut gagner et vous devrez VRAIMENT vous sacrifier pour le faire.»

«Et ils l'ont fait, plus sans doute qu'aucun autre joueur étoile ne l'avait fait avant eux. Toute l'équipe a été meilleure grâce à eux. Kevin (plusieurs fois meilleur joueur défensif de la NBA) a forcé Paul et Ray à se préoccuper de leur défensive et c'est justement grâce à notre défensive que nous avons pu disposer des Lakers de Los Angeles en grande finale.»

Après la réunion dans son bureau, Rivers avait réservé une surprise à ses trois vedettes. Une promenade à bord d'un des autobus flottants qui sont utilisés pour les défilés des champions à Boston. Neuf mois plus tard, ils s'y sont retrouvés pour le vrai défilé!

«Nous avions tous les larmes aux yeux - c'était aussi mon premier championnat -, tout en partageant une grande sérénité. Kevin m'a raconté qu'il avait été victime d'intimidation dans son enfance et ressentait tous les commentaires sur ses insuccès en équipe comme la suite de ces souvenirs difficiles.

«Pour lui, pour les deux autres et sans doute aussi pour tous les autres grands athlètes qui triomphent tard dans leur carrière, gagner un championnat procure bien davantage qu'une bague...»

Photo: AP

Kevin Garnett a remporté le championnat avec les Celtics de Boston en 2008.