Ancien joueur des Alouettes et analyste de football à la télévision, Pierre Dumont a maintenu une excellente forme physique pendant plusieurs années après sa retraite. La violence du football l'a toutefois rattrapé.

«Ma qualité de vie s'est beaucoup dégradée depuis une dizaine d'années, a reconnu Dumont, il y a quelques semaines en entrevue. J'ai eu deux remplacements des hanches, un remplacement d'un genou, j'ai toujours des malaises au cou...

«Et on a découvert récemment que j'avais une tumeur non cancéreuse au cerveau. Je vais devoir être opéré bientôt. Les médecins m'ont dit que cela pouvait être génétique et que j'avais peut-être cette tumeur depuis mon enfance. C'est aussi possible qu'elle se soit développée à cause des coups que j'ai reçus pendant ma carrière...»

Pierre Dumont assume toutefois complètement les conséquences de sa carrière. «On savait ce qu'on faisait, a assuré Dumont. Chaque match était une bataille de rue et personne n'hésitait à utiliser tous les moyens pour gagner.

«Quand on jouait contre Ottawa, on pouvait gagner une prime de 500$ si on sortait Russ Jackson (le quart des Rough Riders) au premier quart. À l'époque, je gagnais 275$ par match, 500$, c'était beaucoup!»

L'Américain Kris Jenkins, joueur étoile dans la NFL pendant 10 saisons, a dû prendre sa retraite en 2010, à 30 ans, pour des raisons de santé. Le plaqueur pesait 360 livres dans ses meilleures saisons. Il reconnaît avoir subi au moins 10 commotions cérébrales au cours de sa carrière. Il y a quelques semaines, il a livré un témoignage-choc dans le New York Times. Il y confirme que le football est encore aussi violent qu'à l'époque de Dumont.

«Jouer à l'intérieur de la ligne défensive est sûrement la pire position sur le terrain, expliquait Jenkins. Rien n'est plus brutal que les empilades. On m'a tordu les chevilles, on m'a mordu... J'ai aussi fait des choses. J'ai pincé des joueurs, tordu des genoux, renversé des bras jusqu'à disloquer des coudes... Pourquoi? Je me défendais!»

«Les joueurs comme moi, nous considérons le football comme un sport de gladiateurs et nous savons que nous allons être blessés. On met sa vie dans la balance. On ne meurt peut-être pas dans l'arène, comme les gladiateurs de l'Empire romain, mais ça peut arriver dans cinq, 10 ans.»

Des jeunes encore violents

Professeur d'éducation physique après sa carrière, Pierre Dumont a formé plusieurs athlètes et continue de s'intéresser au football. Les déclarations de Kris Jenkins ne l'ont pas surpris.

«Les joueurs sont maintenant tellement gros, tellement bien entraînés... cela ne fait que rendre la brutalité des coups encore plus grande. À mon époque, il n'y avait pratiquement pas de joueurs de 300 livres; aujourd'hui, on en voit plein au niveau universitaire et même chez les plus jeunes!»

Dumont s'interroge justement sur le rapport qu'entretiennent les joueurs des niveaux scolaires avec la violence. «Les jeunes sont assurément mieux encadrés aujourd'hui que nous l'étions, aussi bien au niveau universitaire que civil, estime-t-il. Les entraîneurs savent qu'ils ne peuvent plus se permettre d'ordonner à un joueur d'aller en blesser un autre, ce n'est plus toléré socialement.

«Cela dit, la brutalité du jeu est encore présente, même chez les plus jeunes. Mon petit-fils a commencé à jouer et je le vois souvent, avec ses coéquipiers, se féliciter pour les coups solides des uns et des autres. C'est dans la nature du football, je le sais, mais je ne suis pas sûr que ces jeunes soient conscients des risques et des conséquences des coups qu'ils donnent et reçoivent...»