Plus de 500 joueurs de 40 nationalités, 3500 matchs, 100 tables, 15 000 spectateurs. La 5e Coupe du monde de baby-foot bat son plein à Nantes jusqu'à dimanche. Oui, vous avez bien lu: de baby-foot.

Les drapeaux du monde entier flottent dans le gymnase. L'unifolié fait copain-copain avec ceux de l'Italie, de la Slovénie et de la Finlande. Les quatre pays vont s'affronter en matchs de poule.

Au micro, le présentateur annonce les matchs dans le bruit strident des cliquetis des barres métalliques. «Zone V, Canada contre Italie.» Mario Iannuzzi jette un oeil au tableau d'affichage. C'est bien lui qui est attendu. La tension monte. Maillot aux couleurs du Canada sur le dos, le joueur originaire de Toronto installe son matériel, s'essuie les mains une dernière fois sur son pantalon. Et là, ça va à 100 à l'heure. Il est quasiment impossible à l'oeil nu de distinguer la petite balle qui se promène à une vitesse folle d'un camp à l'autre. Mario, l'un des meilleurs Canadiens, maîtrise bien son adversaire. Il bloque la balle sous les pieds carrés de son attaquant. Petite feinte au défenseur suivie d'une frappe puissante. Et paf! C'est au fond. Le camp canadien exulte.

À le regarder faire, on n'a pas vraiment envie de se frotter à Mario. Surtout, on est loin, très loin des clichés d'odeur de tabac froid et de bière qui collent encore au baby-foot. «Pour beaucoup, le baby évoque les années de collège ou les après-midi dans les bars quand ils s'agitaient devant 22 figurines en aluminium. Pour nous, c'est un vrai sport», explique-t-il, en s'essuyant le front plein de sueur.

Une centaine de mini-terrains de foot ont été installés pour l'occasion. Cinq cents joueurs d'une quarantaine de nationalités s'y affrontent. Ils viennent du monde entier. France, États-Unis, Allemagne, Iran, Slovaquie, Inde, Japon, Afrique du Sud, Turquie, Grande-Bretagne... Ils sont répartis en plusieurs catégories: juniors, seniors, féminines, vétérans et handisport. Une véritable compétition, donc, diffusée en heures de grande écoute sur Eurosport 2.

«On se débrouille»

Étudiant dans la vie, Mario Iannuzzi, 24 ans, ne peut pas passer une journée sans jouer au baby. «C'est une vraie passion. J'y joue en moyenne une demi-heure tous les soirs. Comme pour les autres sports, il faut s'entraîner pour progresser. Ça demande beaucoup d'investissement personnel. Le problème, c'est qu'on manque cruellement de reconnaissance.»

À ce jour en effet, le football sur table n'est pas reconnu comme un sport à part entière au Canada. Du coup, la discipline vit uniquement grâce à la commandite et au bénévolat. Dans l'équipe nationale, il n'y a pas de kiné, pas de médecin, pas de préparateur physique, tout juste un entraîneur. «On se débrouille, confie Mario. C'est nous, les joueurs, qui payons nos frais. Cette Coupe du monde à Nantes va me coûter de l'argent, oui. Entre le vol, l'hôtel et les repas, j'ai fait le calcul: environ 2000$.»

Les autres membres de l'équipe sont logés à la même enseigne. «C'est une partie de notre salaire qui passe dans le baby-foot.» Une partie du salaire, et une partie des vacances aussi, car tous les joueurs présents cette semaine en France ont pris des congés pour pouvoir participer à cette Coupe du monde.

Pour réduire les frais, «il arrive qu'on partage une chambre d'hôtel, sourit Mario. On a l'impression parfois d'être les footballeurs du pauvre. Mais vous ne pouvez pas imaginer le plaisir qu'on a à jouer pour le Canada. On se serre les coudes pour représenter notre pays. Du coup, c'est encore plus fort quand on gagne.»

À Nantes, l'équipe qui sera sacrée championne du monde demain aura droit à la totale: podium, champagne, coupe et hymne national... Comme de vraies vedettes. Ou presque.

Le Canada joue de mieux en mieux

Après 2006 et 2009, c'est la troisième fois que les Canadiens participent à la Coupe du monde de baby-foot.

- Où se situe l'équipe du Canada au niveau mondial?

Mario Iannuzzi: À l'heure actuelle, nous sommes en deuxième division. Mais l'équipe joue de mieux en mieux. Les derniers résultats vont nous permettre de remonter en première division, en compagnie des grandes nations de la discipline que sont notamment les États-Unis et l'Allemagne.

- Cette Coupe du monde a-t-elle demandé beaucoup de préparation?

M.I.: Énormément. Pendant les deux derniers mois qui ont précédé la compétition, nous avons mis en place trois séances d'entraînement par semaine. On se retrouvait à Toronto. Chaque séance durait de 6 à 7 heures. C'était épuisant, mais il fallait passer par là pour être au niveau.

- Justement, que manque-t-il encore à l'équipe canadienne pour rivaliser avec le top mondial?

M.I.: Il nous faut plus de théorie. Les Allemands, par exemple, font des séances vidéo avant les matchs. Pas nous. Mais on y travaille. Régulièrement, de nouveaux joueurs rejoignent notre association (1). Nous allons pouvoir ainsi améliorer la formation. Aujourd'hui, nous avons 500 membres. D'ici deux ou trois ans, nous pourrons nous frotter aux meilleurs joueurs du monde.

(1) Table Soccer Association of Canada: https://canadafoosball.ca