Après une douloureuse quatrième place aux Jeux olympiques de Pékin, le huit féminin de pointe canadien est sur la voie de la rédemption. Médaillé d'argent aux Mondiaux l'an dernier, l'équipage mené par la chef de nage Andréanne Morin sent l'or à portée de main cette année. Réponse ce matin aux Championnats du monde de Bled, en Slovénie.

Andréanne Morin en est convaincue: si ce n'était de cette quatrième place à Pékin, elle ne serait plus assise dans un bateau aujourd'hui. Elle aurait complété son baccalauréat en droit, poursuivrait son barreau ou oeuvrerait dans une organisation sportive.

«Je crois sincèrement que si j'avais terminé troisième, je ne serais pas de retour. Si j'avais fini cinquième non plus. Terminer quatrième, à 79 centièmes du podium, c'est ce qui blesse le plus. C'est aussi ce qui me donne beaucoup d'encouragement et de motivation à continuer», confiait la Montréalaise lors d'une interview téléphonique plus tôt cette semaine, au lendemain de la qualification du huit de pointe canadien pour la finale des Championnats du monde de Bled, en Slovénie.

Andréanne Morin avait donc un compte à régler avec l'aviron.

Après 18 mois sans toucher à une rame, Morin a repris du service en mai 2010. Elle est revenue au centre d'entraînement de London sur la pointe des pieds. Elle voulait revoir ses meilleures amies, «prendre le pouls», et tester ses capacités.

«Ça a pris une couple de semaines, dit celle qui a gardé la forme en participant à des demi-marathons. Quand j'ai constaté que j'étais en train de battre les filles de l'équipe nationale qui s'étaient entraînées tout l'hiver, je me suis dit: wow, ok! je ne suis pas si mal, je tiens encore mon bout!»

Le contexte favorable a fini de la convaincre de reprendre du service: les coéquipières semblaient plus fortes qu'à Pékin, l'expérimentée barreuse Lesley Thompson-Willie, sextuple olympienne, était de retour, et un entraîneur australien, John Keogh, venait d'être embauché.

Accession rapide

Les succès n'ont pas tardé. Victoire à la régate royale de Henley, en Angleterre, et deuxième place à la prestigieuse Coupe du monde de Lucerne. Après cette épreuve, Morin a été désignée pour occuper le siège de chef de nage en vue des Mondiaux en Nouvelle-Zélande. Les Canadiennes y ont décroché l'argent, à trois secondes et demie des Américaines.

Cette accession rapide au poste-pivot de chef de nage, après une pause prolongée, était un exploit en soi, souligne Daniel Aucoin, président de l'Association québécoise d'aviron.

«Pour être chef de nage, il faut être un bon technicien, mais surtout une méchante tête de cochon! insiste l'analyste d'aviron aux Jeux olympiques. Il faut être un animal, surtout mentalement. Quand tout le monde est à bout de force à la fin d'une course, le chef de nage ne peut pas craquer, il doit continuer à donner le rythme.»

En juillet, à l'important rendez-vous de Lucerne, le Canada a encore fini deuxième derrière les États-Unis, mais l'écart s'est considérablement rétréci. «On les a vraiment chauffées, rappelle Morin. On a mené jusqu'à 1500 mètres, mais elles ont trouvé un sprint qu'on n'avait pas.»

De retour au Canada, puis lors d'un camp de deux semaines en Italie, les huit membres de l'équipage ont poussé la machine à l'entraînement, sur l'eau et en salle, à la recherche de cette sixième vitesse qui pourrait faire la différence aux Mondiaux.

Trois à quatre entraînements par jour, cinq jours semaine, pendant six semaines. «Je ne me suis jamais autant poussée, dit Morin. J'ai surpassé les limites que je croyais déjà être à un niveau très élevé.». La rameuse de 30 ans a entre autres appris que son coeur pouvait battre jusqu'à 190 fois à la minute...

Gonflées à bloc par leur prestation de lundi en qualification, où elles ont fini premières de leur vague devant les Roumaines et les Néerlandaises, les Canadiennes croient avoir semé le doute dans la tête des Américaines en vue de la finale de vendredi matin.

«Je pense qu'elles ont un peu peur et qu'elles n'ont pas encore tout vu, juge Morin. Si on a une course exceptionnelle, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas les avoir.» Ce serait un beau message à envoyer à moins d'un an des Jeux olympiques de Londres.