Le monde du sport nous réservera de nouveau mille surprises cette année. Notre chroniqueur Philippe Cantin a identifié dix enjeux qui marqueront l'actualité. Afin d'alimenter le débat, il se risque même à une prédiction pour chacun d'eux. (Prière de ne pas expédier de courriel narquois en fin d'année si les événements en décident autrement!)
Les Nordiques renaîtront-ils?
Tout au long de 2010, le projet avait le vent dans les voiles: déclarations enthousiastes de Régis Labeaume, intérêt apparent d'un éventuel propriétaire (Quebecor), succès retentissant de la Marche bleue et visite réussie de 1000 partisans des Nordiques à un match des Islanders de New York. Et voilà que quelques jours avant Noël, le maire de Québec, habituellement si combatif, semble baisser les bras. Devant le refus prévisible du gouvernement fédéral d'appuyer sur-le-champ la construction d'un nouveau Colisée, il déclare: «Il faudra que la population de Québec nous dise si elle souhaite qu'on aille plus loin dans le dossier de l'amphithéâtre.» En imposant une date butoir aussi inexplicable qu'artificielle - le 31 décembre dernier - pour boucler le financement du projet, le maire Labeaume a joué gros et perdu. Sa crédibilité est entachée. Un projet aussi colossal ne suppose pas une stratégie fondée sur la précipitation et les ultimatums. Le maire est un homme combatif, mais le retour éventuel des Nordiques dans la LNH demandera patience, doigté et diplomatie. Et le nouveau Colisée ne sera pas construit sans une contribution adéquate du secteur privé. Si une entreprise souhaite réellement devenir propriétaire de la future équipe de la LNH à Québec, elle devra faire sa part.
Prédiction: Le dossier connaîtra des rebondissements avant l'été. Plusieurs villes canadiennes entretiennent des projets de nouveau stade. Les probables élections fédérales du printemps forceront conservateurs et libéraux à se positionner. L'émergence d'un nouveau programme d'infrastructures, susceptible d'acquitter une part modeste des coûts de construction, demeure possible.
Le Canadien participera-t-il aux séries?
Les succès du Canadien au printemps dernier ont été le résultat d'une solidarité exceptionnelle au sein du groupe. Il reste une demi-saison à l'équipe pour retrouver ce niveau de camaraderie et redécouvrir les plaisirs de gagner... ensemble!
Le Canadien n'aligne pas de supervedette mais plusieurs joueurs de talent. S'ils tirent dans la même direction, tout demeure possible. Sinon, la déception sera vive.
Et l'organisation fera face à un défi ardu
au cours de l'été: trouver des solutions tout en étant coincée par plusieurs - et très onéreux - contrats à long terme.
Cela dit, attendons avant d'imaginer le pire. Le Canadien peut compter sur un solide gardien et plusieurs joueurs dans la force de l'âge. La direction veut gagner. Et les fans sont les meilleurs de la LNH, un avantage dans les matchs serrés de fin de saison.
Prédiction: Gomez et Cammalleri connaîtront une spectaculaire deuxième moitié de saison et le Canadien se qualifiera aisément.
Reverrons-nous l'ouragan Ovechkin?
En Russie, ce fut une catastrophe nationale. Le 24 février dernier, les meilleurs joueurs de ce pays ont encaissé une dégelée de 7-3 aux dépens du Canada au tournoi olympique. Depuis ce revers, l'ouragan Alexander Ovechkin s'est transformé en modeste tempête tropicale: à peine quatre buts en mars, et son équipe a ensuite été éliminée par le Canadien en première ronde. Cette saison, chez les buteurs, une trentaine de joueurs devancent Ovechkin. Comment expliquer ce ralentissement? La LNH n'est pas la même sans les buts spectaculaires du Russe de 25 ans. On s'ennuie de ses montées électrisantes, de ses tirs foudroyants et de ses célébrations enthousiastes. «Le hockey change, avance l'analyste Dany Dubé. Les pur-sang individualistes sont en perte de vitesse. Aujourd'hui, les joueurs dominants sont d'abord très forts collectivement.»
Prédiction: Ovechkin est doué. Il ajustera son jeu et sera dominant lors des prochaines séries éliminatoires. Capitals et Penguins croiseront le fer en finale de la Conférence de l'Est.
Des Jeux olympiques à Québec en 2022?
Selon la Fédération internationale de ski (FIS), la région de Québec ne compte pas de piste acceptable pour la tenue de la descente masculine, l'épreuve mythique des Jeux d'hiver. À mon collègue Simon Drouin, l'influent Walter Sieber a affirmé que ce dur constat ne privait pas Québec de ses chances. À son avis, la descente, tout comme les épreuves de luge et de bobsleigh, pourraient avoir lieu dans l'ouest du Canada.
Des précédents existent pour la tenue de certaines compétitions loin du centre nerveux des Jeux. Le concours équestre des Jeux de 2008 a été tenu à Hong Kong plutôt qu'à Pékin et celui des Jeux de 1956 en Suède plutôt qu'en Australie. Mais ce n'est évidemment pas l'idéal.
Dans ce contexte, une alliance Québec-Lake Placid, deux villes éloignées de 430 km, doit être envisagée. Cette démarche s'inscrirait dans la foulée des efforts du gouvernement du Québec pour développer ses liens avec l'État de New York. Possédant déjà les installations nécessaires, Lake Placid accueillerait la descente masculine et les épreuves de bobsleigh, luge et skeleton.
Compte tenu des coûts énormes engendrés par la tenue des grands rendez-vous sportifs internationaux, les candidatures mixtes gagnent en popularité. L'Euro 2008 a ainsi été présenté en Autriche et en Suisse et celui de 2012 sera tenu en Pologne et en Ukraine. Et même si leur projet n'a pas été retenu, les duos Espagne-Portugal et Belgique-Hollande ont tenté d'obtenir la Coupe du monde de football de 2018.
Prédiction: Québec et le maire Labeaume sont toujours sous le choc du verdict de la FIS. Mais ils reprendront contenance et se battront pour trouver une solution. L'année 2011 sera déterminante pour décider si Québec fonce ou non dans la course olympique.
Vers un «nouveau» comité olympique canadien?
Historiquement, le Comité olympique canadien (COC) n'a pas fait grand cas du Québec. Ses dirigeants maîtrisaient mal le français et, derrière des excuses de façade, s'en moquaient éperdument. L'arrivée de Marcel Aubut à la tête du COC modifie la donne. Jamais un francophone n'avait obtenu la responsabilité de diriger le mouvement olympique canadien.
Aubut est un homme d'action et l'époque où le COC générait de l'actualité uniquement lors des Jeux olympiques est sûrement terminée. Le nouveau président est réaliste: il sait que dans le sport international d'aujourd'hui, le nerf de la guerre est l'argent. Son défi est simple mais exigeant: s'assurer que les budgets réservés à nos athlètes d'élite ne varient pas selon les humeurs de nos gouvernements.
Prédiction: Connaissant Aubut, le COC annoncera au moins une nouvelle significative pour le développement de nos athlètes avant la fin de l'année.
Tiger remportera-t-il un autre tournoi majeur?
L'histoire semblait déjà écrite. Bien avant ses 40 ans, Tiger Woods remporterait un 19e tournoi majeur et dépasserait le légendaire Jack Nicklaus au premier rang de ce fabuleux palmarès. C'était sans compter la vie secrète de Tiger, rattrapé par ses excès à l'automne 2009. Pour l'instant, Woods doit chasser la couronne de Nicklaus de son esprit. La question est plutôt de savoir s'il remportera un autre tournoi majeur, lui qui est stoppé à 14 depuis sa victoire à l'Omnium des États-Unis en 2008. Trois éléments le favorisent: il semble avoir réglé une partie de ses problèmes personnels, le public le traite toujours comme le roi des links et ses performances des derniers mois, notamment au dernier jour de la Coupe Ryder et au Défi Chevron, sont encourageantes. En revanche, trois autres facteurs le désavantagent: il n'inspire plus la même crainte à ses rivaux, la compétition est plus féroce que jamais sur le circuit et sa capacité à affronter l'adversité durant 72 trous demeure suspecte.
Prédiction: Tiger, aujourd'hui âgé de 35 ans, remportera un autre tournoi majeur, mais pas en 2011. Et il ne détrônera pas Nicklaus avant la fin de sa carrière.
Vers un conflit de travail dans la NFL?
Lundi dernier, Roger Goodell a expédié un courriel à cinq millions de fans de la NFL: si chacune des parties met de l'eau dans son vin, a écrit le commissaire, la direction du circuit et l'Association des joueurs concluront un accord afin de renouveler la convention collective. En s'adressant directement à un bassin aussi considérable d'amateurs, Goodell a marqué un grand coup, qu'imiteront sûrement ses homologues des autres sports. Mais sur le fond, ses arguments n'ont pas convaincu. Il est hasardeux de plaider la pauvreté lorsqu'on est à la tête du plus florissant circuit du sport professionnel. Les demandes de la NFL envers ses joueurs sont agressives: augmenter de 16 à 18 le nombre de matchs réguliers, diminuer les salaires des recrues et recadrer à l'avantage des proprios le partage des revenus. Dans son courriel, le commissaire n'a évoqué ni les courtes carrières des joueurs, ni les importants enjeux liés au fonds de pension.
Prédiction: Une entente interviendra... in extremis! Ne soyons pas étonnés si la saison s'amorce plus tard que prévu.
Une autre Coupe Grey pour les Alouettes?
Lorsqu'un président d'équipe cède sa place et que son successeur n'est pas connu, cela crée habituellement un malaise. La démission de Larry Smith ne provoque pas cette réaction chez les Alouettes. Le nouveau sénateur conservateur avait manifestement achevé son tour de piste dans le football canadien. Cela en dit aussi long sur la qualité de l'équipe de direction en place: le directeur général Jim Popp et l'entraîneur Marc Trestman sont de haut calibre.
Le prochain président devra s'assurer de rentabiliser le Stade Molson et de remplir les loges corporatives, une tâche difficile puisque plusieurs matchs sont disputés en plein été. Il ne devra pas être un fin connaisseur de football, mais simplement éprouver un intérêt réel pour le sport professionnel. Sur le terrain, Anthony Calvillo aura de nouveau entre les mains le sort de l'équipe. Le grand quart-arrière a été impressionnant en 2010, disputant la saison malgré un problème majeur de glande thyroïde, à propos duquel il est demeuré discret jusqu'à la conquête de la Coupe Grey. Impressionnant.
Prédiction: Une troisième Coupe Grey d'affilée pour les Alouettes!
L'Impact réussira-t-il sa transition?
L'Impact s'apprête à disputer sa dernière saison dans les ligues mineures du soccer. Cap sur le Major League Soccer en 2012, une nouvelle attendue depuis longtemps et qui s'est concrétisée l'an dernier. Dans le contexte, l'organisation doit réussir sa transition aux niveaux organisationnel et sportif. Les plans de l'agrandissement du Stade Saputo, réalisé grâce à une subvention de 23 millions du gouvernement du Québec, seront finalisés au cours des prochaines semaines. Le chantier sera en marche durant la saison régulière et les travaux seront terminés avant le coup d'envoi du calendrier 2012. Au bout du compte, le Stade aura coûté 40 millions, une aubaine, étant donné que les nouveaux domiciles de l'Union de Philadelphie et du Dynamo de Houston sont estimés à 100 millions. Le secteur privé aura financé 40% de la construction du Stade Saputo, une réalité à laquelle devront réfléchir les promoteurs du nouveau Colisée de Québec. Sur le terrain, le défi de l'Impact sera de conserver sa concentration. Plusieurs joueurs comprendront vite que leurs chances d'être de retour en 2012 sont minces. Dans ce contexte, quelle sera leur attitude? Donner le maximum dans l'espoir de laisser un bon souvenir ou sombrer dans le relâchement? Gros défi pour l'entraîneur!
Prédiction: En 2011, l'ambiance sera meilleure dans les bureaux de l'équipe que dans le vestiaire.
Une nouvelle chaîne de télé sportive au Québec?
Nos diffuseurs sont-ils sérieux ou veulent-ils simplement nous intriguer? Le 26 février dernier, le CRTC a accordé une licence au réseau TVA pour exploiter une chaîne spécialisée de sport. Radio-Canada a obtenu le même privilège le 18 juin. Depuis, les deux réseaux sont restés muets sur leurs intentions. Le défi de concurrencer RDS, détenteur des droits des matchs du Canadien jusqu'au printemps 2013, est considérable. Ni TVA ni Radio-Canada ne se lanceront dans l'aventure sans s'assurer de l'obtention de propriétés sportives significatives, susceptibles d'agir comme points d'ancrage de la programmation. Voilà en partie pourquoi Quebecor se dit intéressé à exploiter une concession de la LNH à Québec. Au Canada anglais, TSN, Rogers Sportsnet et The Score se font concurrence pour le plus grand profit des téléspectateurs. Les Québécois méritent à tout le moins une deuxième chaîne, dont l'implantation stimulerait RDS.
Prédiction: Malheureusement, ne nous attendons pas à des développements significatifs en 2011.