Il est encore beaucoup trop tôt pour qualifier le Canadien nouvelle mouture de succès sur toute la ligne, surtout après la victoire à l'arraché d'hier soir contre les modestes Islanders. Mais Bob Gainey peut se dire que son équipe est sur la bonne voie.

Le grand ménage estival du Canadien était un constat d'échec justifié de la part de Gainey, après le fiasco de son fameux plan quinquennal.

Mais ce nécessaire coup de balai, qui a vu partir une dizaine de joueurs autonomes, dont Alex Kovalev et Saku Koivu, était aussi un pari risqué. On rebâtit rarement un club en un jour - comme Gainey a entrepris de le faire le 1er juillet en embauchant Mike Cammalleri, Brian Gionta, Jaroslav Spacek et Hal Gill, 24 heures après avoir obtenu Scott Gomez des Rangers.

De fait, les déboires du Canadien en début de saison ont donné des munitions aux critiques, nombreux, de Gainey. Faut dire qu'après deux victoires en prolongation «volées» par Carey Price et cinq défaites consécutives, il n'y avait pas de quoi pavoiser. C'était même franchement déprimant.

Ça, c'était il y a une semaine, avant les quatre victoires de suite du CH, qui ont redonné le sourire aux partisans et permis à Jacques Martin de pousser un soupir de soulagement. (Martin n'est pas tout seul, d'ailleurs: huit jours après avoir commis une chronique intitulée «Patience, patience», j'ai l'air moins tata ce matin que si la glissade du Canadien s'était poursuivie.)

Le Canadien n'est pas sorti de l'auberge. Quand on peine à vaincre les Islanders, on ne peut pas se péter les bretelles. Reste que les performances entrevues contre les Thrashers, les Rangers et les Islanders donnent à penser que Gainey ne s'est pas trompé dans l'évaluation de son personnel: le Canadien actuel a plus de potentiel que l'équipe de l'an dernier.

Le «Little Three» de Gomez, Gionta et Cammalleri offre non seulement un spectacle excitant, il est souvent aussi bon, sinon meilleur que le premier trio adverse. On n'a pas vu ça à Montréal depuis une éternité.

C'est un pur plaisir que de voir Gomez transporter la rondelle en zone neutre, de regarder Gionta travailler avec autant d'énergie autour du filet adverse qu'en repli défensif, ou de voir Cammalleri prouver qu'il n'a pas connu des campagnes de 34 et 39 buts par hasard. À lui seul, le numéro 13 a récolté plus de buts et de points jusqu'ici que Saku Koivu, Alex Kovalev, Alex Tanguay et Chris Higgins ensemble.

Plus encore, les acquisitions de Bob Gainey - et j'inclus ici Hal Gill, si peu inspirant que soit son jeu et si inexistant que soit son coup de patin - ont permis d'instaurer une nouvelle culture dans cette équipe. Personne n'est engoncé dans ses habitudes et il n'y a plus de vétérans qui n'en font qu'à leur tête (vous savez de qui je parle).

Ce n'est par ailleurs pas un hasard si le regain de vie du Canadien a coïncidé avec l'amélioration notable du jeu de l'équipe en supériorité et en infériorité numériques. Pour connaître du succès, les unités spéciales doivent afficher un grand synchronisme, qui faisait défaut en début de saison parce que les joueurs apprenaient encore à travailler ensemble.

Bien sûr, avec l'hibernation prolongée d'Andrei Kostitsyn (complètement perdu, hier soir) et l'exil forcé de son frère Sergei, on attend toujours l'émergence d'un deuxième trio qui constituerait une menace constante. Mais au moins, les dernières rencontres laissent entrevoir un déblocage chez de jeunes joueurs comme Matt D'Agostini, Maxim Lapierre, Guillaume Lapierre et Max Pacioretty, tandis que Tomas Plekanec a retrouvé sa confiance et son brio d'il y a deux ans.

Rien n'est acquis pour le CH, qui s'en remet encore un peu trop au talent de Jaroslav Halak pour gagner. Et qui s'en va affronter chez elles deux équipes dangereuses, les Penguins et les Blackhawks, cette semaine.

Mais si on tient compte des additions de Paul Mara, Travis Moen et Marc-André Bergeron, force est d'admettre que Gainey affiche une bonne moyenne au bâton. Meilleure, mettons, que celle de son rival Brian Burke, qui préside une jolie débandade à Toronto.

Les deux gros joueurs autonomes embauchés par Burke, Mike Komisarek et François Beauchemin, tirent le diable par la queue chez les Leafs, qui n'ont toujours pas gagné cette année. Le premier a l'air de trouver pénible la vie sans Andrei Markov, et le second s'ennuie visiblement de Scott Niedermayer. Pas sûr que Gainey regrette de ne pas leur avoir fait signer de contrats.

Gainey n'a pas fait que des bons coups. Le contrat de Scott Gomez risque de plomber la masse salariale du club si le plafond redescend. Et c'est sans doute jouer avec le feu que de donner un contrat de cinq ans à Brian Gionta. Mais ici et maintenant, le CH, sous la tutelle éclairée de Jacques Martin et malgré l'absence d'Andrei Markov, offre du hockey plus que potable.

Quand on pense qu'il y a une semaine, on s'apprêtait à déclarer l'état d'urgence au Centre Bell, c'est déjà un net progrès.