On ne gagne pas l'argent, mais on perd l'or, dit-on. Les joueuses de l'équipe canadienne ont doublement expérimenté ce douloureux cliché sportif, hier, au terme de la finale du tournoi de water-polo des Championnats du monde FINA de Rome.

Officiellement, les Canadiennes se sont inclinées 7-6 lors d'un match ardemment disputé face à leurs éternelles rivales américaines. Mais elles sont rentrées à l'hôtel avec l'impression de s'être fait voler.

 

À l'issue de la rencontre, les dirigeants de Water Polo Canada ont en effet déposé une contestation officielle au comité technique de water-polo de la Fédération internationale de natation (FINA).

«Les gens sont venus assister à un bon match de water-polo, et ils repartent en parlant des arbitres. On a été volés, tout le monde le dit», a tranché l'entraîneur-chef Pat Oaten lors d'un entretien téléphonique avec La Presse une heure après la fin de la rencontre.

L'objet de la contestation: les agissements des arbitres lors de deux séquences-clés du match concernant la capitaine Krystina Alogbo.

D'abord, à la fin du deuxième quart, l'Américaine Elsie Windes a servi une solide droite en plein visage à Alogbo après avoir inscrit un but qui donnait les devants 5-4 aux États-Unis. Windes a été expulsée pour une faute dite de «manque de respect». Une coéquipière l'a remplacée dans l'eau, tel que le règlement le permet.

Or, les dirigeants canadiens jugent que le geste aurait dû être sanctionné comme une «brutalité», une faute plus grave qui aurait entraîné un avantage numérique de quatre minutes pour le Canada. Quant au «manque de respect», le règlement veut qu'il soit automatiquement accompagné d'un désavantage numérique de 20 secondes pour l'équipe fautive, ce dont les Américaines ont été épargnées.

Pat Oaten a protesté sur-le-champ auprès d'un des deux arbitres, qui lui aurait dit ne pas être en mesure de renverser la décision de son collègue. «Tout le monde dans le stade l'a vu; elle l'a frappée au visage, en dehors de l'eau, rageait Oaten. Ça nous a privés de Krystina (pendant quelques secondes) parce qu'elle était coupée et qu'elle avait du sang dans la bouche.»

Alogbo, marquée de près par les Américaines, est revenue dans la rencontre au troisième quart.

Le quatrième but de l'Albertaine Emily Csikos, sur un lancer de pénalité, a permis au Canada de créer l'égalité 6-6 au quatrième quart.

Avec moins de quatre minutes à faire, une punition de Christine Robinson a offert la même occasion aux États-Unis. Rachel Ridell, choisie meilleure gardienne du tournoi, est parvenue à bloquer le lancer de Kelly Rulon. Mais l'arbitre a jugé qu'Alogbo avait commis de l'obstruction sur Rulon. La capitaine canadienne a été expulsée du match avant que Rulon ne profite de sa deuxième occasion pour inscrire ce qui s'est avéré être le filet gagnant.

Selon l'équipe canadienne, Alogbo n'a jamais touché à sa rivale. Cet incident est le troisième objet de la contestation du Canada.

«L'Américaine a fait un mouvement pas mal lent et j'ai juste sauté en avant comme on le fait toujours à l'entraînement et comme on a vu dans plusieurs autres matchs sans que ce ne soit signalé», s'est défendue Alogbo.

Ecoeuré, Oaten se perdait en conjectures. «Je n'ai jamais vu ça, a-t-il dit. C'était ridicule, c'était une blague.»

Selon Ahmed El-Awadi, directeur exécutif de Water Polo Canada, le comité technique a dû se réunir la nuit dernière avant de s'en remettre au bureau de la FINA, qui devrait rendre une décision aujourd'hui vers l'heure du midi, heure de Rome.

Si la contestation du Canada est acceptée, la finale sera reprise en après-midi à partir du moment de l'incident litigieux. M. El-Awadi a indiqué que la FINA avait déjà reçu favorablement des contestations dans le passé.

Pat Oaten ne se fait pas trop d'illusions, jugeant que «beaucoup de gens ne veulent pas perdre la face ici». Il évalue ses chances de succès à «20%». «Je ne retiens pas mon souffle», a-t-il résumé à La Presse.

Quand même, l'entraîneur a dû préparer ses 13 joueuses en fonction d'une reprise de match hypothétique plutôt que de célébrer un premier podium depuis 2005.

«Je suis un peu triste pour les joueuses parce qu'elles ne savent pas comment se sentir en ce moment, a souligné Oaten. Elles ne savent pas si elles doivent être contentes ou déçues de l'argent. C'est un sentiment de vide.»

Triste dénouement à la belle aventure romaine de l'équipe canadienne après cette pénible exclusion du tournoi olympique de Pékin. À moins que l'épilogue ne lui réserve une heureuse surprise.