Elle est comme ça, Audrey Lacroix. Elle est là où on ne l'attend pas.

Après une première expérience olympique pénible l'été dernier, Lacroix rebondit aux Championnats du monde de Rome. Hier, elle a enregistré le huitième temps des demi-finales du 200 mètres papillon, se qualifiant de justesse pour la finale disputée aujourd'hui.

Pourtant, les conditions étaient réunies pour un autre couac à l'image de celui des Jeux olympiques de Pékin, où Lacroix, affaiblie par la grippe et moralement vaincue d'avance, s'était arrêtée en demi-finale.

 

Quelques minutes avant d'être appelée pour la deuxième vague de demi-finale, Lacroix a eu le malheur de déchirer son maillot. Oui, oui, le sulfureux maillot en polyuréthane de marque Jaked, le même qu'elle avait utilisé pour les préliminaires de la matinée, alors qu'elle avait réédité son propre record canadien (2:06,67) datant de 2007.

Branle-bas de combat dans la chambre d'appel, où Lacroix a reçu l'aide de deux représentantes de l'équipe canadienne et même des officiels pour enfiler en vitesse un «bon vieux» LZR Speedo, limitée à des plaques de polyuréthane. On imagine facilement l'agitation dans laquelle la salle a dû être plongée quand on connaît le temps qu'il faut pour se glisser dans ces secondes peaux.

Eh bien, Lacroix ne s'est pas laissé démonter par cette perturbation d'ordre vestimentaire. Remarquez, ça aurait pu être pire. L'Américain Ricky Berens peut en témoigner. Il a plongé les fesses nues, dimanche, pour devenir une vedette instantanée sur l'internet.

Malgré une discrète première longueur - la plus lente des 16 demi-finalistes -, Lacroix a puisé dans le réservoir pour refermer l'écart. Septième de sa vague à la mi-course, elle a finalement touché au mur troisième. Son chrono de 2:06,85, son troisième à vie, lui a permis de devancer l'Américaine Kathleen Hersey, neuvième à quatre centièmes de la Québécoise.

«Ce n'était pas la course parfaite, mais dans les circonstances, je suis vraiment contente», a réagi l'athlète de 25 ans dans un enregistrement audio qu'a fait parvenir le relationniste de Natation Canada.

À la fin de la bande, on entend le rire proverbial de Lacroix. Manifestement, elle a su tirer le meilleur parti de l'incident du maillot. «Au début, ça a fait monter mon niveau d'adrénaline, a-t-elle raconté. Mais quand j'ai vu tout le soutien que j'avais, comment tout le monde a fait en sorte que je me sente bien et que je sois prête à faire ma course, dans le fond, ça a été une motivation supplémentaire.»

Absent à Rome, Claude St-Jean, l'entraîneur de Lacroix au club Camo, a été impressionnée par la capacité de sa protégée de revenir en force après un départ prudent. «Ça montre la confiance qu'elle a en elle, a-t-il souligné, ignorant alors la déchirure du maillot. Elle aurait pu paniquer après les premiers 100 mètres et se dire: that's it, c'est fini. Au contraire, elle est revenue.»

Pour St-Jean, cette participation à la finale est un baume sur une année difficile. Ses nageurs ont en effet dû jouer les sans-abri aux quatre coins de la ville en raison des travaux de rénovation aux piscines du centre Claude-Robillard, rouvertes tout récemment. «Après une année de merde, c'est agréable d'enfin recevoir des fleurs», a-t-il dit.

Cinquième des Mondiaux de Melbourne, en mars 2007, Lacroix sera confrontée à une forte opposition en finale, aujourd'hui. Deuxième des demi-finales, l'Américaine Mary Descenza et son maillot en polyuréthane ont établi un record du monde de 2:04,14 en préliminaires, soit plus de trois secondes de mieux que sa meilleure référence précédente. La Hongroise Katinka Hosszu a réalisé le meilleur chrono des demi-finales en 2:04,27. À pareille date l'an dernier, elle nageait en... 2:14,56.

Par ailleurs, Gabrielle Soucisse, de L'Île-Perrot, a poursuivi son apprentissage à Rome en prenant le 53e rang des préliminaires du 50 m dos. La recrue de 18 ans a franchi la longueur en 29,84, à huit dixièmes de son meilleur temps. Elle avait pris le 30e rang du 100 m dos, lundi.