Les nouveaux maillots de bain en polyuréthane ont volé la vedette aux nageurs lors des sélections canadiennes de natation pour les Mondiaux aquatiques de Rome. Au centre de la tempête, plusieurs des meilleurs nageurs québécois. Bilan d'une compétition qui aurait pu virer à la farce.

Ceux qui le portaient prétendaient qu'il ne faisait pas de différence. «Je me suis entraîné fort», insistaient-ils. Ceux qui en étaient privés se demandaient s'ils n'étaient pas désavantagés et faisaient des pieds et des mains pour en dénicher un.

Tel qu'anticipé, la nouvelle génération de maillots en polyuréthane a pollué l'atmosphère aux sélections pour les Championnats du monde FINA de Rome, qui se sont conclues après les orages, samedi après-midi, au Complexe aquatique de l'île Sainte-Hélène.

Parmi l'élite canadienne, le groupe du Centre d'excellence des sports aquatiques du Québec (CESAQ) a été le plus désavantagé. Les maillots Jaked commandés en Italie doivent arriver aujourd'hui... le jour même où les cinq nageurs sélectionnés s'envolent pour Rome.

«Bonne chance!» était-il écrit au bas du courriel confirmant la livraison. L'entraîneur Benoît Lebrun a préféré rire de l'ironie involontaire. Il accepte sa part de blâme pour avoir attendu la volte-face de la FINA, le 21 juin, avant de passer la commande. Il se console en se disant qu'il a pu mesurer la progression de ses athlètes sur des bases comparables à 2008.

Au moins, ils ont sauvé les meubles. Victoria Poon, Geneviève Saumur, Barbara Jardin, Gabrielle Soucisse et Mathieu Bois ont réussi à se qualifier.

Mais il a parfois fallu user d'ingéniosité pour forcer le destin.

Ainsi, Lebrun a carrément loué une combinaison Jaked à une nageuse de Québec pour que Jardin puisse en profiter en finale du 200 m dos, samedi. Annamay Pierse a fait la même chose pour les 100 et 200 m brasse, peut-être inquiétée par la jeune Amanda Reason, auteure d'un record du monde du 50 m brasse en Jaked lors de la première journée de compétition.

Nageant dans le couloir un, Jardin, 17 ans, a causé la surprise en remportant l'épreuve en 2:12.02. La nièce d'Anne Jardin, double médaillée de bronze en natation aux Jeux olympiques de Montréal en 1976, est ainsi devenue la deuxième Canadienne de l'histoire sur la distance.

En revanche, à l'autre extrémité du bassin, Gabrielle Soucisse, en Speedo de l'an dernier, a échappé sa sélection par 22 centièmes, battue par Lauren Lavigna et son Jaked. La Québécoise de 18 ans n'était pas trop déçue car elle était déjà assurée d'une participation aux 50 et 100 m dos de Rome.

Un maillot en polyuréthane aurait-il changé la donne? Ni Soucisse, ni Saumur, qui devra se contenter des relais aux Mondiaux, ni Bois, privé du 200 m brasse, n'auront de réponse définitive à cette question.

Chose certaine, ça a joué sur la psyché des nageurs, les «Jaked» comme les «non-Jaked». «Je n'ai pas aimé le jeu des costumes et le fait que ça déstabilise certains des athlètes», a reconnu l'entraîneur national Pierre Lafontaine, manifestement excédé par la polémique.

Au moins, à Rome, tous les nageurs auront la chance de se battre à armes égales. Les manufacturiers seront sur place pour répondre à la demande. Attendez-vous à voir au moins 80% des finalistes engoncés dans du polyuréthane, clairement le matériau le plus performant. Pour s'en convaincre, il suffisait de voir Michael Phelps, fidèle au LZR Racer de Speedo, presque se faire rattraper par un rival en Jaked au 200 m papillon des sélections américaines d'Indianapolis. Il n'était pas très heureux.

Rome 2009 sera le dernier grand rendez-vous vicié par la révolution technologique, espère Lafontaine.

Au congrès général de la FINA, le 24 juillet, le Canada et une demi-douzaine d'autres nations influentes feront front commun pour demander des mesures beaucoup plus restrictives pour l'homologation des maillots: tissu seulement, fermeture éclair interdite, longueur maximale, interdiction aux manufacturiers de fabriquer des modèles sur mesure, etc. Ces règles s'appliqueraient à partir du 1er janvier 2010. Il sera alors temps de sortir les astérisques pour le livre des records.