Le temps fait des ravages. C'est comme ça, mesdames et messieurs. Même les plus grands ne peuvent y échapper. Même les plus grands comme Brett Favre.

Comme un peu tout le monde, j'étais fort heureux quand j'ai appris que le grand Brett, après une formidable carrière chez les Packers de Green Bay, a décidé de remettre ça une autre année, cette fois dans le vert des Jets de New York. J'étais fort heureux en ce jour de septembre 2008 quand, quelque part dans un bled perdu du New Jersey, j'ai assisté aux premiers entraînements de Favre avec les Jets.

Dans le vestiaire, un receveur de l'équipe, Jerricho Cotchery, m'avait fait une petite confidence. «Ce gars-là est encore capable de lancer le ballon», m'avait-il dit avec du feu dans les yeux.

La magie a vite opéré. Quelques jours plus tard, lors du match d'ouverture à Miami, Favre lançait deux passes de touché - dont une longue passe à la Brett, les yeux presque fermés et les pieds tout croches - pour mener sa bande à la victoire.

Tout était beau. Le vieux avait l'air en forme, les Jets semblaient partis pour la gloire et, sur la galerie de presse, certains experts avaient même commencé à évoquer le scénario magique: la légende qui, à son dernier tour de piste, mène son club au Super Bowl... Fin septembre, on l'a même vu lancer six passes de touché lors d'un match contre les Cards de l'Arizona.

Sauf que la magie n'a pas duré.

Lors des cinq derniers matchs de la saison, Favre a lancé deux passes de touché... et neuf interceptions. Son club s'est contenté d'une fiche de 1-4 lors de cette bien triste série. On pouvait oublier la gloire, on pouvait oublier le Super Bowl. Et on pouvait en déduire que le temps avait rattrapé Brett Favre.

Certains coéquipiers se sont mis à douter. Peu à peu, ça s'est mis à chuchoter dans le vestiaire des Jets. On disait que le Brett ne bossait pas fort fort lors des entraînements. On disait qu'il enchaînait les erreurs lors des matchs. Au moins deux joueurs - le porteur de ballon Thomas Jones, et le demi de sûreté Kerry Rhodes - ont exprimé publiquement leurs inquiétudes par rapport au vétéran. Le message était clair. Après tout, les coéquipiers sont toujours les premiers à remarquer quand un collègue est au bout du rouleau.

Favre parti, on va se souvenir de quoi? De ses années à Green Bay. De son Super Bowl. D'un joueur d'impact qui a permis aux Packers de retrouver leur crédibilité de jadis, eux dont les performances n'avaient guère été reluisantes depuis la dynastie des années 60. Si les Packers sont redevenus les Packers, c'est grâce à Brett Favre.

Le passage chez les Jets, on va finir par l'oublier. Qui se souvient de Joe Montana dans l'uniforme des Chiefs de Kansas City. Qui se souvient de Joe Namath dans l'uniforme des Rams de Los Angeles?

Dans cette histoire, les grands perdants sont les Jets de New York. Ils ont dépensé une fortune en joueurs autonomes, ils ont investi en un quart en perte de vitesse qui allait peut-être leur donner une bonne saison ou deux. Aucun doute, les Jets ont joué pour gagner en 2008... mais ils n'ont même pas pu accéder aux séries.

Aujourd'hui, les Jets se retrouvent avec un nouveau coach, un système offensif qui est à repenser, et avec un immense point d'interrogation au poste de quart-arrière. Dur lendemain de veille.

Favre? Même si l'aventure new-yorkaise a plutôt mal tourné, sa légende va demeurer intacte. Ses chiffres vont le mener droit aux portes du Temple de la renommée. Et quand il s'y présentera avec la casquette des Packers sur la tête, plus personne ne se souviendra de sa petite escapade dans le Big Apple. À part peut-être ceux qui ont signé son dernier chèque...

Favre devait arrêter. Il était temps. Un seul souhait, maintenant: que la retraite soit permanente. Même si les Vikings du Minnesota décident de l'approcher avec un chèque gros comme ça.