Sébastien Saint-Germain, 16 ans, manque souvent des cours à l'école secondaire Calixa-Lavallée, située au coeur d'un secteur défavorisé de Montréal-Nord. Futur décrocheur? Pas du tout. Espoir olympique canadien en trampoline.

Sébastien revient à peine des Jeux olympiques juniors qui se sont déroulés ce mois-ci en Australie. Il y a fait bonne figure en se qualifiant pour la finale (9e en trampoline individuel et 5e en synchronisé). Le championnat international de trampoline en Russie est aussi à son horaire cette année.

 

«Wow, ton école est dans le quartier des émeutes!» Ses partenaires d'entraînement au club de trampoline Acrosport Barani à Laval font les yeux ronds quand Sébastien parle de son école dans Montréal-Nord.

L'adolescent a une vie très différente des autres élèves de cette école très multiethnique où le taux de décrochage oscille autour de 40%. Il s'entraîne sept fois par semaine, dont 12 heures sur un trampoline.

Depuis deux ans, Sébastien cumule les bons résultats dans la catégorie junior au Canada comme à l'étranger. Il est considéré comme l'un des espoirs au pays pour les Jeux olympiques d'été de 2012. Il aura 20 ans. Un athlète de trampoline atteint généralement sa maturité à 22 ans et termine sa carrière à l'âge de 28 ou 30 ans. Il aimerait répéter l'exploit de son compatriote Jason Burnett, qui a remporté une médaille d'argent dans cette discipline aux Jeux de Pékin l'été dernier.

En 2007, Sébastien est monté sur la deuxième marche du podium au championnat canadien dans la catégorie des 13 à 17 ans. Cela lui a ouvert des portes pour prendre part à d'autres compétitions d'envergure. Il a aussi pris part à son premier championnat du monde à Québec. Dans la catégorie des 15-16 ans, il a terminé 20e sur 74 athlètes. «J'ai compris que j'avais encore du chemin à faire». Le jeune athlète a redoublé d'efforts.

En octobre dernier, Sébastien a participé à sa première grande compétition à l'étranger. Et il n'a pas déçu. Il a terminé premier parmi 25 athlètes dans la catégorie des 15-16 ans au Championnat Indo-Pacifique en Nouvelle-Zélande.

Après cette victoire, Sébastien s'est tout de suite envolé vers le Japon. En trampoline, les pays dominants sont la Russie, la Chine et le Japon. Ils étaient deux Canadiens et 64 Japonais à prendre part à cette compétition masculine toutes catégories confondues. Sébastien est arrivé 11e. «J'étais le plus jeune parmi les premiers», fait-il valoir.

Le trampoliniste s'est intéressé à ce sport par hasard. La maison des Saint-Germain dans le quartier Saint-Michel est voisine d'un club de gymnastique artistique, Les Asymétriques. À 6 ans, l'enfant énergique a besoin de se dépenser dans un sport. Ses parents l'inscrivent à l'option trampoline du club. «On était six gars et 150 filles», se souvient-il, un sourire en coin.

Au primaire, Sébastien continuera à bouger à l'école à vocation sportive Pierre-de-Coubertin située à Montréal-Nord. À 10 ans, il joint le club national d'entraînement de trampoline du Québec à Laval, Acrosport Barani. Quand vient le temps de choisir une école secondaire, les enseignants de Pierre-de-Coubertin lui suggèrent le programme enrichi en sports de Calixa-Lavallée.

Sa mère, Chantal, avait des réserves. Au début, elle reconduisait en voiture ses deux fils - Sébastien a un frère jumeau - à l'école chaque matin. «J'ai vu qu'il y avait de la sécurité partout. Ça m'a rassuré. Calixa est dans un milieu difficile, mais au moins son personnel ne se met pas la tête dans le sable», dit la mère de trois enfants.

Sébastien n'a pas emprunté le parcours le plus facile à l'école. Il a choisi un programme enrichi en sports et en anglais, puis l'option des sciences. Même si plusieurs le lui déconseillaient, l'adolescent a décidé de rester à Calixa-Lavallée pour terminer son secondaire. «Je voulais rester avec mes amis et garder les mêmes profs», explique l'ado. Ses enseignants ont accepté de l'appuyer, en lui faisant passer ses examens lors des journées pédagogiques.

L'adolescent est très connu à l'école. Il met toutes ses routines sur YouTube. À l'Halloween l'an dernier, il a fait une première - et dernière - acrobatie dans l'agora de la polyvalente pour épater la galerie. Dans une compétition improvisée de danse «freestyle», les jeunes étaient regroupés dans l'agora. Sébastien a eu la mauvaise idée de monter sur un abreuvoir pour faire un saut périlleux arrière. «La foule était en délire. Ça a fait peur à la sécurité. J'ai été convoqué au bureau de la directrice», raconte l'athlète, l'air penaud. L'adolescent n'a pas eu de traitement de faveur. Il a écopé d'une suspension. Et son entraîneur lui a fait la leçon sur les risques de blessure.

Sébastien vient d'une famille de classe moyenne. Sa mère est comptable travailleuse autonome et son père est sonorisateur. Même s'il vit dans un milieu plus favorisé qu'une majorité d'élèves de Calixa, ses parents font beaucoup de sacrifices. Ils déboursent la moitié des 20 000$ nécessaires pour payer les coûts des entraînements et des compétitions à l'étranger. Sébastien a aussi reçu de l'aide du Cirque du Soleil, de Gym Canada et de la Fédération de la gymnastique du Québec, entre autres.

«Je me considère chanceux. Les jeunes de mon âge n'ont pas tous la chance de vivre une expérience comme celle-là, de voyager autant», raconte l'adolescent. C'est encore plus vrai pour les jeunes de la polyvalente Calixa-Lavallée.