Joannie Rochette et François-Louis Tremblay sont parmi les meilleurs patineurs sur la planète. L'une excelle en patinage artistique, l'autre en patinage de vitesse courte piste. Ils sont tombés en amour après les Jeux olympiques de Turin. À Vancouver, en 2010, ils pourraient partager la vedette sur la glace du Pacific Coliseum. La Presse les a rencontrés le mois dernier dans leur appartement du Plateau Mont-Royal.

Joannie Rochette a signé la victoire la plus importante de sa carrière, le mois dernier, au Grand Prix de patinage artistique de Paris. Pour la première fois, la patineuse de 22 ans a devancé le prodige japonais Mao Asada, championne du monde.

 

Ironiquement, en conférence de presse, les journalistes n'en ont eu que pour une petite note biographique au bas de sa fiche officielle publiée par la fédération internationale. Depuis l'été 2006, elle forme un couple avec le patineur de vitesse courte piste François-Louis Tremblay, triple médaillé olympique.

Sur l'estrade, Rochette était surprise et un peu mal à l'aise de devoir commenter sa vie amoureuse avec, à ses côtés, de jeunes rivales comme Asada, 18 ans, et la médaillée de bronze américaine Caroline Zhang, 15 ans.

Elle devra sans doute s'y habituer. À 13 mois des prochains Jeux olympiques d'hiver, Rochette et Tremblay seront des vedettes en alternance sur la patinoire du Pacific Coliseum de Vancouver. À la lumière de leurs résultats passés - elle a fini cinquième aux Jeux de Turin, il y a gagné deux médailles d'argent - les deux patineurs sont de sérieux prétendants au podium.

Pour le moment, Rochette et Tremblay préfèrent ne pas trop penser à cette possibilité. Ils se concentrent plutôt sur la saison en cours et aux sélections olympiques à venir. Ce qui n'est pas toujours évident.

«C'est drôle parce qu'avant les Jeux de Turin, j'ai eu l'impression que Vancouver était déjà plus gros, note le patineur de 28 ans. On s'attend à quelque chose d'énorme, mais tout ce qu'on se dit, c'est qu'il faut se préparer à n'importe quoi.»

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Contrairement à ce qu'on pourrait croire, ce n'est pas le patin qui a uni les deux amoureux. Plutôt un cercle commun d'amis athlètes et la guitare électrique de François-Louis.

Certes, ils se sont côtoyés à Turin, mais sans vraiment se remarquer. Ils se sont revus lors d'un souper à l'appartement que Tremblay partageait avec ses anciens coéquipiers Jonathan Guilmette et Steve Robillard. Ceux-ci connaissaient la nageuse synchronisée Isabelle Rampling, une bonne amie et collègue de classe de Joannie.

Le déclic s'est fait plus tard lors d'un souper de groupe au restaurant. Joannie a raconté à François-Louis qu'elle patinait sur Little Wing. Guitariste à ses heures, il s'est mis dans la tête de repiquer le classique de Jimi Hendrix. Ça a été un peu plus long que prévu, mais trois jours plus tard, il rappelait Joannie: tu veux que je te joue Little Wing?

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La guitare est bien en vue dans le quatre et demi où le couple a emménagé l'été dernier, face au parc La Fontaine.

Par une matinée frisquette de novembre, Joannie y a reçu les représentants de La Presse .

Elle s'excuse du retard de François-Louis, retenu à l'aréna Maurice-Richard, sa deuxième maison. Joannie est au fourneau, elle qui a plutôt l'habitude de jouer l'assistante-cuistot pour son chum. «C'est sa recette, il me l'a expliquée hier soir, je suis un peu nerveuse», fait-elle en retournant à l'aubergine au tofu qui gratine. Elle passera finalement le test.

Aucun objet de sport dans le décor, à part ce poster d'Alex Kovalev sur le frigo. «C'est la seule photo de gars sexy qu'il m'autorise à mettre dans l'appartement!» blague Joannie.

Vous l'aurez compris, François-Louis est un grand fan du Canadien. Il a converti sa blonde, tandis qu'elle l'a initié au patinage artistique. Il regarde maintenant les compétitions sur internet. Quand Joannie a gagné à Paris, il était seul devant son ordinateur, les écouteurs sur les oreilles, à applaudir dans le salon.

L'été dernier, Tremblay a accompagné Joannie à Toronto pour assister à la conception de son programme avec la chorégraphe Lori Nichol. Il a été impressionné de les voir partir de rien pour créer une routine où chaque mouvement est incorporé à la seconde près.

«C'est extrêmement différent du courte piste, dit-il. Il y a la dimension athlétique et sportive, mais il y a aussi tout le côté créatif. Encore plus, il faut qu'elles soient belles, esthétiques, il y a les costumes, l'expression faciale. Tandis que nous, c'est purement athlétique. Ça m'impressionne tellement de les voir maîtriser tous ces aspects en même temps.»

Les Axel, boucles piqué et autres Lutz n'ont plus de secrets pour François depuis une séance de patinage libre où ils ont pu tâter le sport de l'autre.

«Allez, montre-lui comme t'es gracieux!» rigole Joannie. Devant l'instance de sa copine, François-Louis se lève de table et reproduit un flip sur le plancher de la cuisine. «Ça paraît qu'il est un athlète de haut niveau, dit-elle. Tu lui montres le mouvement et il le comprend tout de suite.»

Si François-Louis a dû s'adapter aux pics et au talon surélevé des patins artistiques, Joannie a pour sa part été surprise par le peu de mordant des carres des patins à longues lames. Malgré un style ampoulé par déformation professionnelle, Rochette a du talent, juge François-Louis. «La dernière fois, je lui ai dit: si tu vas plus vite que ça, ça te prendra un casque et des matelas...»

À part le Canadien, le sport n'est pas un sujet de conversation fréquent à la maison. N'empêche, entre athlètes de haut niveau, on se comprend.

Quand Joannie se prépare à partir en compétition en plein rush d'études, François lui rend la vie facile, prépare les repas. «Je lui change les idées, je m'arrange pour qu'elle soit relaxe.»

Tremblay sait aussi la mettre en confiance. Si Rochette a acquis la conviction qu'elle pouvait vaincre la championne mondiale à Paris, il n'y est pas étranger. «Je savais que ça allait bien, elle revenait des entraînements et elle me disait qu'elle réussissait tous ses sauts.»

Et le vendredi soir, après une dure semaine d'entraînement, pas besoin de longues explications quand les deux sont trop fatigués pour sortir.

Ils ont aussi l'habitude de l'éloignement, surtout de septembre à mars, la saison des compétitions.

Au moment de l'entrevue, Joannie revenait à peine de France. Le week-end suivant, François-Louis repartait trois semaines pour des Coupes du monde en Chine et au Japon, où il a engraissé sa collection de médailles. Il revient demain... tandis que sa douce s'envole aujourd'hui pour la Corée en vue de la finale du circuit Grand Prix. «Si elle avait eu une correspondance à Tokyo, on aurait pu se croiser», souligne François-Louis avec amusement.

Ils pourront se reprendre en 2010 à Vancouver.