Début juillet, Jaromir Jagr a créé une onde de choc en faisant savoir qu'il ne jouerait pas la prochaine saison avec les Rangers de New York, mais avec... l'Avangard d'Omsk, dans la KHL. La quoi? Une semaine plus tard, Alexander Radulov a rompu son contrat avec les Predators de Nashville pour se joindre au Salavat Ioulaev d'Oufa. À peine créée, la Ligue continentale de hockey (KHL) de Russie venait de s'assurer un certain prestige. Et celle qui est déjà considérée comme la deuxième meilleure ligue de hockey au monde n'entend vraisemblablement pas s'arrêter là.

Ligue continentale. Le nom n'est pas fortuit. «On dit que la Russie est déjà un continent à elle seule!» blague Alekseï Lapoutine, porte-parole de la ligue. Mais les ambitions de la KHL, qui remplace la défunte Superliga russe, vont bien au-delà des frontières du plus grand pays du monde.

Déjà cette saison, des 24 équipes que compte la ligue, trois évoluent dans des pays limitrophes de la Russie: le Dynamo de Minsk (Biélorussie), le Barys d'Astana (Kazakhstan) et le Dynamo de Riga (Lettonie). Les pourparlers avec l'Energie de Karlovy Vary, champion de l'Extraliga de République tchèque l'an dernier, n'ont pas abouti cette année. Mais ce n'est que partie remise.

Le président de la KHL, Alexander Medvedev, voit encore plus loin. Quelques jours avant le début de la première saison, le 2 septembre, il a annoncé que, parmi les villes candidates pour accueillir des équipes d'expansion au cours des prochaines années, se trouvent... Londres, Paris et Milan!

Alexander Medvedev n'a peut-être aucun lien de parenté avec le président russe Dmitri Medvedev, mais il possède lui aussi les moyens de ses ambitions. En plus de diriger la ligue, il est aussi vice-président de Gazprom, le géant gazier de l'État russe, qui est l'un des plus grands commanditaires des équipes de la KHL.

Selon le journaliste sportif Dmitri Kouznetsov, l'avènement de la Ligue continentale est l'aboutissement de plusieurs années d'efforts pour remettre sur pied le hockey russe.

«Il y a 15 ans, la ligue pouvait payer 1 million de dollars pour que les chaînes de télévision diffusent ses matchs», rappelle le responsable adjoint du hockey au quotidien Sport Express.

Il faut dire qu'à la chute de l'URSS en 1991, la plupart des grands joueurs russes avaient pris le chemin de l'Amérique du Nord. Le calibre du jeu dans la Superliga était devenu pratiquement sans intérêt et les équipes manquaient de fonds.

Durant les années 90, la santé des équipes a suivi le rythme électoral. «Des gouverneurs régionaux injectaient de l'argent avec l'aide de grandes sociétés», explique M. Kouznetsov. Une défaite électorale ou une mauvaise décision commerciale pouvait donc être plus dommageable pour une équipe qu'une mauvaise saison sur la glace.

En 2004, le président Vladimir Poutine a mis fin à l'élection des gouverneurs de province, désormais directement nommés par le Kremlin. «On a eu peur que les gouverneurs laissent tomber le hockey, mais ça ne s'est pas produit.»

«En Russie, le hockey n'a jamais vraiment été profitable du point de vue économique, poursuit Dmitri Kouznetsov. Si les entreprises russes investissaient dans la ligue, c'était beaucoup pour l'image.»

Aujourd'hui, elles peuvent espérer un retour sur l'investissement. Le plan actuel de la KHL prévoit une rentabilité dans un horizon de cinq ans. Dmitri Kouznetsov croit que si la ligue est peut-être un peu trop optimiste dans ses prévisions, elle a les reins bien plus solides que son prédécesseur. «Des gens très sérieux sont arrivés, note-il. Ils ont réglé les problèmes de relations publiques et ils ont obtenu de bons contrats de télédiffusion.»

Les exigences par rapport aux arénas, à la logistique et aux garanties financières que chaque équipe doit fournir sont désormais très strictes. L'Avtomobilist d'Ekaterinbourg l'a d'ailleurs appris à ses dépens. Le club a été exclu du tournoi avant le début de la saison, faute d'un plan d'affaires assez solide.

Évidemment, les hockeyeurs qui ont quitté l'Amérique du Nord à l'instar des Jagr, Radulov et Yashin ne l'ont pas fait pour le simple plaisir de venir disputer des matchs au fin fond de la Sibérie... Le contrat de Jaromir Jagr avec l'Avangard d'Omsk devrait lui rapporter environ 5 millions de dollars par saison. Avec le taux d'imposition unique en Russie, fixé à 13%, le contrat devient beaucoup plus avantageux qu'une offre du même type dans la LNH.

Le porte-parole de la ligue, Alexei Lapoutine, assure que la KHL ne peut pour l'instant prétendre rivaliser avec la LNH sur la plan de la qualité du jeu. «La LNH existe depuis 100 ans. Nous, c'est notre première année», rappelle-t-il. Mais elle peut au moins le faire d'un point de vue pécuniaire. «La concurrence économique, c'est une chose tout à fait normale dans le monde capitaliste», souligne M. Lapoutine.