Florham Park est un bled perdu dans un coin perdu du New Jersey. Il y a la forêt. Les petits restos. Peut-être deux centres commerciaux. Florham Park, c'est ça, mais c'est surtout les Jets de New York, qui y ont fait construire leur nouveau centre d'entraînement. En pleine rue principale, il y a des petits drapeaux verts partout pour aller avec les touristes qui débarquent en masse. Sur la porte d'une station-service, une petite feuille jaune indique aux perdus le chemin pour se rendre au quartier général des Jets: à gauche après la cinquième lumière, encore à gauche après la quatrième...

On ne viendrait pas à Florham Park si Chad Pennington était encore le quart partant des Jets. En fait, on ne parlerait même pas des Jets, habitués à passer loin derrière les Giants au palmarès sportif du New Jersey et de New York. Mais voilà, les Jets font jaser, et il y a une bonne raison pour expliquer ce curieux phénomène.

Pas besoin de la chercher bien loin, cette raison. Elle est juste là, à l'entrée du vestiaire des Jets. Premier casier à droite. En haut du casier, un nom écrit en grosses lettres: Brett Favre. Celui que les Jets ont obtenu des Packers à la suite de l'interminable feuilleton estival que l'on sait.

En mettant la main sur Favre, les Jets ont obtenu un quart de grande qualité, mais ils ont surtout obtenu leur première véritable vedette en 40 ans. Leur première star depuis Joe Namath, celui qui a donné à cette équipe son seul Super Bowl, en janvier 1969.

«Au plan de la popularité, Brett Favre vient au deuxième rang dans l'histoire des Jets, affirme le vétéran journaliste Paul Zimmerman, du magazine Sports Illustrated. Mais Brett Favre ne sera jamais Joe Namath. Joe, c'était l'Amérique des années 60. Il était controversé, les femmes l'adoraient, il était un produit de son époque. C'est différent avec Favre. Et puis, vous savez, c'est le début de la saison, tout est beau pour l'instant. On verra ce que pensent les fans de New York en décembre si jamais Favre et les Jets ont une fiche perdante...»

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Toute cette attention, le principal intéressé s'en moque un peu. Il l'a déjà dit: il n'est pas venu ici pour être un dieu, mais bien parce qu'il a encore le goût de lancer le ballon. Tout simplement.

«C'est un nouveau défi, a expliqué Favre cette semaine. Au bout du compte, je pense que je peux encore jouer au meilleur de ma forme. Je suis motivé par cette peur de l'échec, et c'est de cette façon que je me pousse à chaque semaine. Chaque passe de touché, chaque match d'ouverture, tout ça a toujours été très spécial pour moi. Je n'ai jamais rien tenu pour acquis.»

Celui que l'on surnomme maintenant Broadway Brett n'a pas tardé à se faire remarquer chez les Jets. À son premier entraînement avec l'équipe, il a lancé une passe parfaite que le receveur Jerricho Cotchery n'a toujours pas oubliée.

«Il a placé le ballon exactement où il le fallait, même s'il n'y avait presque plus d'espace, a raconté Cotchery. Je ne pouvais pas le croire. Après coup, les gars m'ont dit: as-tu vu cette passe-là? On sait tous de quoi il est capable.»

Dans le vestiaire des Jets, ça fait l'unanimité: oui, Brett Favre peut encore lancer le ballon avec cette force légendaire qu'on lui connaît. Mais une question demeure: pourra-t-il le faire jusqu'en décembre, jusqu'en janvier? Après tout, le gars a 38 ans «Plus on vieillit et plus c'est difficile, a-t-il admis cette semaine. Je sais que ça va être dur, mais je me sens bien.»

Au football, le concept de groupe -la «chimie», comme on le dit dans le milieu- est de première importance. À ce chapitre, l'arrivée de Favre chez les Jets a provoqué quelques secousses pour le meilleur et pour le pire.

Certains n'ont pas apprécié la venue du sauveur. Le receveur Laveranues Coles, un bon ami du quart Chad Pennington, a refusé de commenter publiquement l'embauche de Favre. Sans oublier que le retour au jeu du numéro 4 a été critiqué par certains observateurs, qui y ont vu la décision gênante d'un homme qui n'en fait qu'à sa tête.

Favre, lui, jure être un bon coéquipier. «Est-ce que je sortais avec les gars à Green Bay? Non. J'ai cessé de boire il y a 10 ans. J'ai une famille. Alors, quand je n'étais pas au stade en train d'étudier, j'étais à la maison, j'étais en train de chasser ou en train de jouer au golf. Ça ne changeait rien à ma façon de jouer. J'allais aux entraînements chaque jour, j'étudiais dans la salle de vidéo avec les gars. J'étais là pour eux quand ils en avaient besoin. Sauf qu'à 20h, j'étais à la maison en train de lire un livre avec ma fille. Je suis désolé si ce n'était pas la chose à faire.»

Mais cela appartient au lointain passé. Les Packers, la vie tranquille de Green Bay, tout ça est loin derrière. Pour Brett Favre, tout ce qui compte, c'est maintenant. Tout ce qui compte, c'est demain, jour de son premier match avec les Jets, contre les Dolphins à Miami.

Lui reste-il quelques tours de magie dans son sac? Les paris sont ouverts.

«Je sais que la plupart des gens croient que mes chances de réussite avec les Jets ne sont pas très bonnes. C'est correct. Si ça ne marche pas, ça ne marche pas, c'est tout. Mais croyez-moi, j'espère que ça va marcher»