La Kényane Pamela Jelimo, qui a tout raflé cette saison sur 800 m, dont le jackpot d'un million de dollars de la Golden League, reste pourtant une quasi inconnue dans le nouveau monde de l'athlétisme qui n'a d'yeux désormais que pour le sprinteur jamaïcain Usain Bolt.

Avec trois médailles d'or et autant de records du monde, Bolt avait permis au premier sport olympique, menacé par les exploits de l'Américain Michael Phelps en natation, de garder son rang à Pékin.

Président de la Fédération internationale (IAAF), Lamine Diack s'était aussitôt réjoui de l'arrivée tonitruante de Bolt, bouffée d'oxygène pour un athlétisme trop dépendant de la tradition, en crise de notoriété et à la recherche de sponsors.

«Le phénomène Bolt existe bel et bien. Des gens qui généralement ne s'intéressent pas à l'athlétisme, n'ont que son nom à la bouche», remarque Wilfried Meert, directeur du meeting Van Damme à Bruxelles, un modèle d'organisation, de gestion et de succès.

Mais l'organisateur affirme aussi qu'il n'a pas mis en danger son budget (3,2 millions d'euros) en proposant vendredi soir au Stade Baudoin l'affiche au sommet Bolt/Asafa Powell.

Et le risque que Bolt, promu sauveur dans un premier temps, devienne le nombre réducteur d'un sport tentaculaire distribué entre 45 disciplines, dames et messieurs réunis? «Le sprint a toujours été la vitrine. C'était le cas au temps de Carl Lewis, il y a une vingtaine d'années», rappelle Elio Locatelli, chargé des Centres mondiaux de l'IAAF. «Mais ça n'a pas empêché dans le même temps Serguei Bubka (le perchiste, toujours détenteur du record du monde) de se mettre en lumière, parce que c'était aussi un champion exceptionnel», ajoute M. Locatelli.

«Je pense que c'est une chance pour tout l'athlétisme», souligne la sprinteuse belge Kim Gevaert, follement acclamé à Bruxelles pour ses adieux à la compétition.

Il y a donc de l'espoir pour Jelimo, sans référence il y a encore un an et qui court désormais sur les traces de la Tchécoslovaque Jarmila Kratochvilova, qui détient le plus vieux record du monde féminin (1:53.28), établi le 26 juillet 1983 à Munich en Allemagne.

Au retour des Jeux, le 28 août à Zürich, Bolt, souffrant d'un refroidissement, avait d'ailleurs laissé la vedette à la Kényane qui en avait profité pour réaliser la 3e performance de tous les temps, en 1 min 54 sec 01. Le sprinteur avait pour sa part dominé la ligne droite en 9 sec 83, un temps ordinaire pour lui.

Jelimo, qui ne s'embarasse pas de tactique pour triompher loin devant ses adversaires, a les atouts pour devenir un Bolt au féminin, mais dans son domaine.

Comme le Jamaïcain, elle est mue par un fort désir de revanche sociale. Elle court aussi pour sa mère, Rodah Keter, pour la consoler de n'avoir pas réussi à percer dans l'athlétisme, il y a 30 ans.