Après des années de résistance, le baseball majeur est devenu, jeudi dernier, le dernier circuit professionnel en Amérique à entériner l'utilisation de la reprise vidéo par ses arbitres après la NFL (1986), la LNH (1991-1992) et la NBA (2002-2003).

Le commissaire Bud Selig, opposé d'emblée à la reprise vidéo, n'a eu d'autre choix que de se rendre aux recommandations de l'Association des joueurs, du syndicat des arbitres et du vote (à 25 contre 5) des directeurs gérants. Après tout, pourquoi tolérer des erreurs qui pourraient facilement être évitées? Pourquoi permettre à de mauvaises décisions de changer l'issue des matchs? Peut-on être contre la vertu?

«Je crois que cette extraordinaire technologie qui est à notre disposition nous donne la chance d'utiliser les reprises vidéo sur une base très limitée, a précisé le commissaire. Le système que nous utiliserons permettra de prendre les bonnes décisions lors de coups de circuit, sans retarder les matchs de façon significative.»

En effet, les reprises vidéo serviront uniquement, pour l'instant, à déterminer si une balle a bel et bien franchi la clôture, si elle est en jeu ou s'il y a eu obstruction de la part d'un spectateur sur un coup de circuit potentiel. Ceux qui croient que le recours à la reprise vidéo pourrait éventuellement s'étendre à d'autres aspects du jeu sont dans l'erreur, selon Selig. Le baseball majeur n'ira pas plus loin.

«Il y a un certain rythme à respecter au baseball, a déclaré Selig. Même si cela fonctionne bien (la reprise vidéo) – et je crois que c'est ce qui arrivera – c'est un peu comme avec l'instauration du quatrième as il y a quelques années. Au départ, il y a eu de l'opposition et maintenant, les gens en voudraient plus. Mais ce n'est pas parce que quelque chose fonctionne bien qu'il faut absolument en rajouter.»

«Je suis encore contre l'usage de la reprise vidéo à une large échelle, a ajouté Selig. Je crois sincèrement que notre sport s'est développé pendant plus d'un siècle en faisant les choses à sa façon.»

Le rythme du jeu est l'aspect qui soulève la plus grande inquiétude avec l'utilisation de la reprise vidéo. Combien de temps faudra-t-il aux arbitres pour en venir à une décision?

C'est que, selon les modalités actuelles, la reprise vidéo ne sera pas accessible aux arbitres sur le terrain. Lorsqu'il y aura une décision controversée, les arbitres se réuniront. Puis, si l'arbitre en chef le juge opportun, il décidera de consulter la reprise vidéo. Alors trois des quatre arbitres – il doit toujours en rester au moins un sur le terrain – se rendront à leur vestiaire, où se trouvent les installations, c'est-à-dire un écran et un téléphone. Ils contacteront alors le bureau de New York, qui diffusera la reprise vidéo sur l'écran.

La décision de renverser ou non la décision prise sur le terrain ne revient qu'à l'arbitre en chef, qui retournera sur le terrain faire part de ses conclusions. Dès lors, la décision sera incontestable. Le gérant qui quittera l'abri pour aller discuter avec l'arbitre sera automatiquement expulsé.

Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué? Puisqu'on s'inquiète du laps de temps requis pour visionner la reprise vidéo et rendre une décision, on pourrait considérablement accélérer les choses en procédant un peu comme dans la NFL. Un écran pourrait être disponible sur le terrain pour l'arbitre en chef. Celui-ci pourrait alors rapidement visionner la reprise vidéo et rendre sa décision. Pourquoi faire rentrer les arbitres au vestiaire et les faire appeler à New York, puisque la décision finale n'appartient qu'à l'arbitre en chef?

Mais avant de s'inquiéter, attendons de voir comment se déroulera le processus dans la réalité, puisqu'il n'a pas encore été utilisé. D'ailleurs, le recours aux reprises vidéo sera de toute évidence extrêmement rare. Selon les autorités du baseball majeur, la reprise vidéo n'aurait pu être utilisée qu'à seulement 18 occasions depuis le début de la présente saison. Alors avant de déchirer sa chemise au sujet des délais occasionnés par cette nouvelle règle...

Par ailleurs, il faut se rappeler que le processus est présentement à un stade expérimental et que plusieurs changements pourraient y être apportés. En effet, l'Association des joueurs a accepté l'utilisation de la reprise vidéo jusqu'à la fin de la saison, mais elle a jusqu'au 10 décembre pour demander des amendements. Si aucun changement n'est exigé, la reprise vidéo entrera alors en vigueur dans les conditions actuelles et ce, jusqu'en 2011.

Une nouvelle ère s'est ouverte dans le baseball majeur et pour le mieux en ce qui nous concerne. En permettant de réviser la vidéo lors de quelques jeux controversés – rares, mais qui peuvent changer le cours d'une saison ou d'une série – le baseball s'est donné une plus grande crédibilité. Il n'y a rien de pire pour un sport professionnel que de mauvaises décisions ou des décisions suspectes des officiels qui changent le cours des choses.

Après tout, tous veulent la même chose: que l'issue du match soit l'affaire des joueurs et non des arbitres.