Les mots «phénoménal» et «extraordinaire» semblent quasiment trop faibles pour décrire Michael Phelps.

Onze médailles d'or olympiques à vie - du jamais vu - cinq depuis les Jeux de Pékin. Et le compteur se remettra sans doute à tourner ce week-end, avec la tenue du 200 mètres quatre nages vendredi, du 100 mètres papillon samedi et du relais 4 x 100 mètres quatre nages dimanche.

«Ce n'est pas tant le fait qu'il gagne qui impressionne, c'est la façon dont il le fait, affirme Sébastien Messier, entraîneur-chef du club de natation de la piscine olympique à Montréal, lorsqu'on lui demande d'expliquer comme l'Américain de 23 ans réussit à dominer autant son sport. «Hier (mercredi), on avait l'impression que c'était une compétition provinciale tellement les autres étaient loin derrière lui. Ils n'étaient même pas dans le champ de la caméra quand il a terminé sa course.»

«Tous les athlètes ont des forces et des faiblesses. Mais Phelps, lui, n'a pas de faiblesse», affirme Manon Simard, une ancienne nageuse de l'équipe canadienne de natation qui est aujourd'hui directrice du programme de sport d'excellence à l'Université de Montréal. «Il a la force et la puissance, il est fort sur le plan psychologique, de l'entraînement et de la motivation.

«J'avais demandé à un spécialiste du golf comment Tiger Woods pouvait être aussi dominant. Il m'avait répondu qu'il était le meilleur au monde dans rien, mais qu'il était deuxième dans tout. C'est un peu la même chose dans le cas de Phelps.»

Comme un poisson dans l'eau

Selon Simard, Phelps est tellement doué sur le plan physique - il a de grandes mains et de grands pieds puisqu'il porte du 15 - et dans sa façon de nager que l'avantage qu'il a sur ses concurrents est quasi semblable à celui qu'aurait un nageur doté de palmes.

«Quand on regarde les poissons, la différence se situe notamment au niveau de l'amplitude du mouvement. La longueur des jambes et la flexibilité des chevilles fait une grande différence entre les nageurs, affirme Simard. Le dernier coup de cheville de Michael Phelps, le mouvement de ses jambes ainsi que l'amplitude et la flexibilité de ses chevilles... L'effet que cela crée, au niveau de l'exécution, c'est de toute beauté.»

Selon Messier, Phelps se distingue aussi par sa manière de nager sous la surface de l'eau.

«Ses poussées du mur en 'kick papillon' ont provoqué une révolution», indique-t-il, expliquant que même si on a fixé à 15 mètres la distance maximale que les nageurs peuvent franchir sous l'eau avant de remonter à la surface après une poussée, Phelps est le seul qui exploite à fond cette marge de manoeuvre.

«Quand tu es rendu aux trois quarts de ta course et que tu dois repartir en kick papillon, c'est très exigeant, dit Messier. La plupart des nageurs remontent à la surface après cinq ou six mètres, tandis que Phelps, lui, fait ses 15 mètres pratiquement à chaque fois.

«Et il a cette capacité de maintenir l'intensité plus que les autres.»

Évacuer l'acide lactique

À ce sujet, dans un article du site internet Times Online, le physiologiste de l'équipe américaine, Genadijus Sokolovas, dit avoir étudié plus de 5000 nageurs depuis 20 ans et la plupart d'entre eux, à la fin d'une course, se retrouvent avec un taux d'acide lactique de 10 à 15 millimoles par litre de sang. Seulement un détenteur de record du monde a enregistré un compte de moins de 10: Phelps, quand il a montré un compte de 5,6 après avoir réédité la marque du 200 m papillon.

Par ailleurs, a indiqué Sokolovas, alors que la plupart des nageurs ont besoin de 20 à 30 minutes pour récupérer après une course, Phelps est prêt à s'y remettre après seulement 10 minutes. Un soir où le nageur américain a disputé deux épreuves, récemment, la première une finale et la deuxième une demi-finale, son taux d'acide lactique était au-dessus de 10 après la première course, mais il avait glissé à moins de 10 après la deuxième. Ce qui laisse supposer qu'il a, dans les faits, récupéré de sa première course... pendant la deuxième course!

«La première journée de compétition (aux JO), Phelps a pris part au 400 mètres quatre nages, la plus taxante des disciplines avec le 1500 mètres, souligne Messier. Il faut donc pratiquer les quatre styles dans le tapis. Le lendemain, dans la finale, tout le monde a ralenti la cadence, sauf lui.»

Une polyvalence étonnante

Que Phelps soit aussi dominant dans un aussi grand nombre de disciplines relève aussi du phénomène, dit Simard.

«À tous les deux, trois ou cinq ans, tu vois quelqu'un sur la scène régionale ou provinciale qui va performer dans toutes les disciplines, rarement au niveau national. Alors que Phelps le fasse au niveau mondial, c'est vraiment exceptionnel, note-t-elle. Rien que de passer du 100 m au 200 m, c'est deux mondes. Non seulement on double le temps d'effort, mais la gestion de cet effort est différente. Et quand on passe du papillon au style libre, par exemple, le mouvement des jambes se ressemble, mais le synchronisme entre les bras et les jambes n'a rien à voir.»

Phelps se mettra, plus tard cette semaine, à la poursuite du record du nageur américain Mark Spitz du plus grand nombre de médailles d'or dans des mêmes Jeux (sept). Mais Simard souligne que Spitz, contrairement à Phelps, n'avait pas à disputer chaque épreuve trois fois - en qualifications, en demi-finale et en finale - avant de mériter une médaille.

«Les exigences que cela représente au niveau mental, c'est phénoménal que Phelps puisse passer au travers ça», dit-elle.