Michael Phelps est un petit comique. Il paraît que sa quête au record de sept médailles d'or de Mark Spitz n'est que pure invention des médias.

«Je n'ai rien dit à propos de quelque record que ce soit. J'essaierai simplement d'accomplir quelque chose que j'ai en tête. Mes objectifs n'ont pas été publiés. Mon entraîneur et moi sommes les seuls à les connaître», a précisé Phelps le plus sérieusement du monde, hier midi, lors de sa première sortie publique depuis son arrivée à Pékin.

Phelps, 23 ans, devrait relire le contrat qu'il avait signé avec Speedo avant les derniers Jeux olympiques d'Athènes. À la suite d'un flash de génie de son agent, l'équipementier lui avait promis un million de dollars s'il égalait la marque établie par Spitz aux JO de Munich de 1972. L'Américain avait échoué à une pépite d'or du but, se contentant de six victoires et de deux vulgaires médailles de bronze.

Visiblement en grande forme, Phelps, aujourd'hui quintuple millionnaire, s'est bien amusé aux dépens des journalistes. Accompagné de son entraîneur Bob Bowman et de sa coéquipière Dara Torres, sa «maman» de 41 ans, le roi annoncé des Jeux de Pékin a attiré plusieurs centaines de représentants des médias dans l'immense salle de conférence du centre de presse principal. Histoire de ne pas voler tout le show, le trio avait été Pas particulièrement ami avec Spitz - «Je ne lui ai pas parlé, il m'a souhaité bonne chance en me remettant un prix aux sélections» - Phelps a bel et bien l'intention de lui ravir son record, ne vous y trompez pas.

Seulement, Bowman et lui ont d'autres idées en tête et elles riment avec chronomètre. Petite prédiction pas très aventureuse: la fusée de Baltimore fera tomber quelques-uns de ses records du monde. Ce qui ne veut pas dire que les huit médailles d'or sont dans la poche, loin de là.

Quand Phelps, tel un Elvis, a quitté la salle avec les trois quarts des journalistes présents à sa suite, une demi-douzaine de ses coéquipiers, toutes de grandes vedettes, ont pris place sur la tribune.

Parmi eux, un frisé à l'allure désinvolte, qui aurait bien aimé recevoir la permission d'apporter son skateboard dans le village des athlètes. Son nom: Ryan Lochte. En une demi-heure, il n'a reçu qu'une seule question, celle d'un journaliste hongrois qui lui a demandé son avis sur un nageur de son pays.

Mardi soir, Lochte a été le partenaire de Phelps dans un tournoi de dame de pique. Ironiquement, le Floridien de 24 ans, copain-copain avec Phelps depuis quelques années, pourrait bien être celui qui brouillera les cartes dès la toute première finale de natation des JO, le 400 mètres quatre nages, dimanche matin (samedi soir heure du Québec), au Cube d'eau.

Phelps a d'ailleurs identifié cette épreuve comme sa plus difficile. «C'est la course qui m'emballe le plus», a-t-il aussi ajouté.

Aux sélections d'Omaha, il y a un mois, Lochte est venu bien près de déloger Phelps grâce à une formidable section de brasse. Propulsé par un battement de jambes papillon sous-marin dépassant l'entendement, Phelps a néanmoins prévalu au crawl. Trois quarts de seconde ont séparé les deux nageurs, qui ont chacun fait mieux que l'ancienne marque mondiale de Phelps.

À Pékin, Lochte croit bien pouvoir recréer ce suspense. «Si on est ensemble en arrivant à la brasse, je suis confiant de ressortir le premier», a même prédit Lochte devant une poignée de journalistes après la partie formelle de la conférence de presse.

Bien heureux de laisser toute l'attention à Phelps et à sa magnifique moustache à la Fu Manchu, Lochte n'a manifestement pas d'objection à jouer les trouble-fête à Pékin.

«La plupart des nageurs essaient de finir deuxième car ils ne sentent pas en mesure de le battre, a souligné le codétenteur de la marque mondiale du 200 m dos. Ce n'est clairement pas le cas pour moi. J'ai chaque fois le sentiment que je peux le battre.»

Lochte a un million de bonnes raisons d'y croire.