Sandra Sassine et Marie-Ève Marleau se sont croisées toute l'année dans leur appartement du Plateau-Mont-Royal.

Pendant que l'une revenait d'une Coupe du monde d'escrime, l'autre partait pour un Grand Prix de plongeon. Cet été, les deux colocataires bouclent leurs valises et ferment leurs sacs de sport pour la même destination: Pékin. Récit d'une amitié née du même rêve olympique.

Sassine et Marleau se connaissaient de vue lorsqu'elles se sont croisées avant un vol Francfort-Montréal au printemps 2004. Marie-Ève côtoyait le copain de Sandra, un bon ami de son frère. À cette époque, les deux jeunes athlètes tentaient de se qualifier pour les Jeux olympiques d'Athènes. Elles ont fraternisé en discutant de leur quête olympique mutuelle, qui s'annonçait difficile.

Comme de fait, les deux ont raté leur coup de justesse. Sassine, une escrimeuse, avait répondu aux exigences de la Fédération internationale, mais pas à celles, plus strictes, du Comité olympique canadien. Marleau, une plongeuse, avait fini troisième des sélections derrière Émilie Heymans et Myriam Boileau. Seules les deux premières passaient.

Immenses déceptions que Sassine et Marleau ont pu partager quelques semaines plus tard lors d'une rencontre fortuite à la clinique de physiothérapie du Complexe sportif Claude-Robillard. «On s'est dit: OK, on se voit tout l'été et on braille devant les Jeux!» relate Sassine, mi-sérieuse mi blagueuse. «Au début, on se sentait pas mal poches»

Cette destinée commune les a rapidement unies. Elles sont allées à la plage, au cinéma, ont frappé des balles de golf ensemble. «On est devenues les meilleures amies du monde», résume Sassine.

«La connexion s'est faite très vite, renchérit Marleau. Quand quelqu'un vit la même chose que toi, tu te sens moins seule, ajoute Marleau. Ça aide à faire passer la pilule et à continuer un autre quatre ans.»

Première motivation à poursuivre leur carrière respective: une participation aux Championnats du monde universitaires d'Izmir, en Turquie, à l'été 2005. «Sandra était toujours avec moi, raconte Marleau. Son épreuve avait lieu très tôt et elle est venue voir mes compétitions et en profitait pour se faire bronzer sur le bord de la piscine. Après les championnats, on est restées 10 jours en vacances en Turquie.»

À l'été 2006, par un coup chance, Sassine et Marleau ont déniché un «appart de rêve» rue Duluth et y ont emménagé avec le copain de Sandra.

À l'été 2007, les parcours sportifs des nouvelles colocataires se sont de nouveaux croisés aux Jeux panaméricains de Rio de Janeiro. En compagnie de Heymans, Marleau y a défendu avec succès son titre à la tour de 10 m synchronisé. Sassine y a cueilli le bronze à l'épreuve de sabre.

Marleau souligne les avantages de côtoyer quotidiennement une athlète de son niveau. «Tu vois une athlète d'un autre sport qui vit exactement la même chose que toi: les joies, les peines, les succès, les échecs, les sacrifices, les études reportées, etc. Ça allège les choses», note l'ancienne gymnaste membre de l'équipe nationale junior.

En revanche, la synchronie n'y est pas tout le temps. Sassine s'est toujours qualifiée avant Marleau dans les équipes canadiennes. Ce fut encore une fois le cas pour les JO de Pékin. Marleau se souvient avoir eu le coeur gros lorsqu'elle est allée accueillir sa copine à l'aéroport après la confirmation de sa sélection. «Je pleurais, j'étais vraiment émotive, confie-t-elle. Elle, c'était fait. De mon côté, je ne savais pas. Peut-être que ça ne marcherait pas?»

Sassine était en compétition à Las Vegas lorsqu'elle a appris que Marleau s'était qualifiée par l'infime marge de 0,75 point aux sélections olympiques de Victoria, en juin.

L'appel qui a suivi a été hautement émotif. «Pendant cinq minutes, on n'a pas dit un mot. On a pleuré de joie au téléphone», raconte Sassine en montrant les frissons qui s'emparent de ses bras.

Ainsi donc, Sassine, 28 ans, et Marleau, 26 ans, défendront les couleurs du Canada aux Jeux olympiques de Pékin. La première ne pourra prendra part à la cérémonie d'ouverture puisque sa première épreuve, le sabre individuel, se déroulera le lendemain. Marleau tentera de mettre la main sur un billet dès son arrivée au Village des athlètes. Sassine, elle, a déjà le sien en poche pour les préliminaires de Marie-Ève, le 20 août. Une chose est entendue: elles défileront ensemble dans le Nid d'oiseau lors de la cérémonie de clôture. Cette fois, elles riront.