À 20 mois des Jeux olympiques de Vancouver et Whistler, l'homme derrière la relance du ski alpin canadien doit démissionner.

Dans un geste surprise, Ken Read a annoncé hier qu'il abandonnerait le mois prochain son poste de chef de la direction de Canada Alpin (ACA). L'homme de 52 ans a annoncé sa décision aux employés plus tôt cette semaine. Hier, dans les bureaux de Calgary, l'émotion était à son comble pour ce que Read a qualifié de «journée de célébration».

Surpris de ce départ précipité, Erik Guay, chef de file de l'équipe masculine de vitesse, a néanmoins applaudi le changement de garde. «C'est une bonne affaire», a affirmé le descendeur de Mont-Tremblant à La Presse.

Ironiquement, la démission de Read est attribuable à l'émergence de son fils aîné de 17 ans, Erik, qui a gagné l'argent en descente dans la catégorie des 15-16 ans aux derniers Championnats du monde juniors de Formigal, en Espagne.

À coup sûr, Erik intégrera un jour l'équipe canadienne de ski alpin. Or un règlement de la fédération prévoit que le parent d'un membre de l'équipe ne peut occuper un poste de direction. Ce règlement général avait été spécifiquement mis en place pour se prémunir contre toute apparence de conflit d'intérêts dans le cas où les enfants de Read venaient à joindre les rangs de l'équipe.

«La famille en premier, mais il en allait aussi de l'intégrité de l'organisation», a expliqué Read en entrevue, se disant en «total accord» avec le règlement. «Le sport de haut niveau est déjà assez exigeant, tu n'as pas besoin de distractions extérieures ou de gens qui remettent en question les décisions de sélection.»

Il a su relancer le ski alpin

Quand Read a pris la barre du bateau, en juin 2002, Canada Alpin était à la dérive. Sur le plan sportif, l'équipe venait d'être blanchie aux JO de Salt Lake City. Sur le plan financier, l'organisation croulait sous les dettes. Sous le règne de Read, un infatigable travailleur, le budget global d'ACA est passé de sept à 21 millions, dont les trois quarts proviennent de commanditaires. Le budget de l'équipe senior a presque doublé, passant de quatre à sept millions. Les résultats se sont fait sentir sur la neige avec une récolte record de podiums sur le circuit de la Coupe du monde.

Au-delà des données brutes, Read a aussi complètement transformé l'organisation du ski de compétition au Canada, du bas de la pyramide jusqu'au sommet. L'équipe de Coupe du monde n'a jamais été aussi bien soutenue, tant du côté des entraîneurs que de l'équipe technique et de soutien.

Si les initiés savaient que Read devrait éventuellement quitter, plusieurs ont cru qu'il resterait en poste au moins jusqu'aux Mondiaux de Val d'Isère, l'hiver prochain, sinon jusqu'aux Jeux de Vancouver, en 2010.

«Il était mieux pour ACA que cette décision soit prise dès maintenant plutôt que juste avant les Championnats du monde ou les Jeux olympiques, a affirmé Reid Drury, président du conseil d'administration d'ACA. C'est une décision très professionnelle de la part de Ken. On a perdu un membre très important de l'équipe, mais l'équipe est toujours là.»

Des ennemis

Personnalité forte, l'ex-Crazy Canuck s'était fait quelques ennemis au sein de l'équipe. Les entraîneurs n'étaient pas toujours d'accord avec ses décisions. Sous le couvert de l'anonymat, certains skieurs lui reprochaient aussi un ego démesuré.

De son côté, Guay n'a jamais caché qu'il n'était pas le plus grand fan de Read. «Il a beaucoup apporté à l'équipe, mais en même temps, il n'était pas l'homme le plus facile avec qui travailler, a précisé le skieur de 26 ans, joint au milieu d'un camp d'entraînement à Tremblant. Il fallait que ça marche à sa façon, tout le temps.»

Guay a mal digéré le congédiement par Read de son entraîneur Burkhard Schaffer à l'été 2006. Il lui reproche aussi ses relations parfois tendues avec les skieurs. «Il ne s'entendait pas super bien avec tous les athlètes, a-t-il souligné. Il s'était d'ailleurs chicané avec certains d'entre eux. Il faisait une bonne job, mais en même temps, il doit avoir le respect de tous les athlètes, ce qui manquait.»

Si le départ de Read risque d'avoir un impact au niveau affaires, cela ne paraîtra pas sur les pentes, assure Guay. «Tout est en place depuis un petit bout, a-t-il noté. Je ne pense pas qu'il y aura de changements drastiques, surtout avec les Championnats du monde et les Jeux olympiques qui s'en viennent. Nos entraîneurs sont bons et savent défendre nos intérêts. Je ne suis pas tellement inquiet.»